Prolongation des droits, création d’un fonds d'indemnisation temporaire, les annonces d’Emmanuel Macron n’ont pas totalement rassuré les intermittents, dont le secteur est profondement impacté par la crise.
Alors qu’il aurait dû enchaîner les concerts, Christophe Devillers, contrebassiste répète dans son appartement depuis le 17 mars. Des annulations qui pour la première fois depuis près de trente ans de carrière allait l’empêcher de renouveler ses droits à l’assurance chômage.
L’annonce d’Emmanuel Macron de prolonger les droits des intermittents jusqu'à août 2021, est un soulagement pour le musicien. "Cette année blanche, ça permet de soulager l’esprit, se dire que demain on peut aller acheter du pain", se félicite t-il. "Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si radicalement positif."
Comme beaucoup d’intermittents, il s’était mobilisé pour réclamer une année blanche pour le secteur qui employait en 2018, 274 000 salariés en France selon Pôle Emploi. Une pétition avait été lancée et une lettre envoyée au Président de la République pour alerter sur la situation dramatique de ces salariés.
Des inquiétudes sur les conditions d’application
Jérémie (le prénom a été modifié), cadreur dans l’audiovisuel n’est pas totalement rassuré par les annonces du Président. "Il faut voir dans quelles conditions on va être éligible à cette année blanche", s’inquiète cet intermittent sans activité depuis deux mois. "Mars, avril, mai, juin, ce sont les mois où je travaille le plus. Je perds environ 40% de mes revenus à juste toucher le chômage", raconte-t-il.L'Union Nationale de Défense des Intermittents de l'Audiovisuel regrette que la question du chômage partiel n’ait pas été abordée. "Dans les faits, le chômage partiel est peu appliqué pour les intermittents", dénonce Lauren Jocteur Monrozier, vice-présidente de l’UNDIA. L’association dénonce aussi le système des franchises de salaires. Ce système de carence mis en place en 2016 pour les intermittents qui travaillent beaucoup rajoute de la précarité à la profession selon l’association. "Il y a des gens qui se retrouvent avec zéro assurance chômage pendant un mois, deux mois, trois mois", déplore-t-elle.Il y a des gens qui se retrouvent avec zéro assurance chômage pendant un mois, deux mois, trois mois
Toujours des incertitudes sur la reprise des spectacles
Emmanuel Macron ne s’est pas prononcé sur la réouverture des théâtres ce qui inquiète les acteurs qui attendent impatiemment de retrouver les planches. Ces deux mois de confinement, Aurélie Vérillon, comédienne aurait dû les passer avec sa compagnie à jouer Zaï Zaï Zaï, l'adaptation au théâtre de la BD de Fabcaro."On était en pleine tournée. On avait 25 dates jusqu’à fin juin", raconte la comédienne. Quinze dates ont été reportées de septembre 2020 à mai 2021 mais elle ne sait pas dans quelles conditions. "Est-ce qu’on va jouer dans des salles à moitié vides, ce qui est normalement ce que redoutent le plus les compagnies ?", se demande la comédienne.
Des inquiétudes aussi sur la saison 2021-2022
Pour Frédéric Constantin, la création théatrale sera impactée à long terme. "Les répercussions seront énormes pour la saison 2021-2022. Il y a eu beaucoup d’annulations, tout ne pourra pas être reporté", s’inquiète le metteur en scène qui doit débuter une création au théâtre de La Colline en septembre. "On va pouvoir répéter la pièce mais si on ne peut la jouer qu’en mars 2021 est-ce que les acteurs seront toujours disponibles ?", s’interroge -t-il.Des animations culturelles cet été
Emmanuel Macron a aussi invité les artistes à passer du temps dans les écoles cet été. Une proposition qui a surpris Madalena Constantin, comédienne. "Ça me rappelle un peu ces gens qui parfois me disent : vous êtes comédienne alors faîtes nous rire ! Aller dans les écoles, ce sont des choses que l’on fait déjà, mais c’est toujours dans le cadre d’un projet artistique", poursuit-elle. "Faire de la garderie, ce sera non !"Les annonces d'Emmanuel Macron pour la culture :
- Une prolongation de douze mois, "jusqu'à août 2021"pour les droits des intermittents du spectacle à l'assurance chômage
- Un fonds d'indemnisation temporaire pour les tournages annulés
- La création d'un "fonds festivals" (musique, danse, théâtre, cirque, cinéma...), "en lien avec les collectivités territoriales". Le Centre national de la musique, créé en 2020, bénéficiera d'une enveloppe de 50 millions d'euros pour "accompagner les acteurs de la musique"
- Le lancement d'un "grand programme de commandes publiques" visant notamment les "jeunes créateurs de moins de 30 ans", avec l'ambition d' "inventer une saison hors norme"
- Un appel aux artistes à participer à de l'animation culturelle. Emmanuel Macron a invité le monde de la culture à "réinventer" un "été différent" et "apprenant" pour les "millions de jeunes" qui ne partiront pas en vacances