Le maire (LR) du VIème arrondissement Jean-Pierre Lecoq a remis au premier adjoint à la maire de Paris Emmanuel Grégoire, le rapport final de la Mission d’information et d’évaluation (MIE) qu’il a présidé sur la santé à Paris.
Créée à il y a un plus d’an l’initiative du groupe municipal Changer Paris (Républicains, Centristes et Indépendants) – et composée de plusieurs élus de différents partis politiques siégeant au Conseil de Paris – cette mission avait notamment pour objectif de faire un état des lieux du système de santé de la capitale. Les travaux de cette mission se sont déroulés du 13 janvier au 13 juillet 2022 avec de nombreuses auditions (AP-HP, ARS…) et des visites de terrain.
Le rapport issu de cette MIE propose 71 préconisations afin d'améliorer le système de la santé à Paris : de la médecine de ville à l’hôpital, en passant par les Ehpad, les urgences, et la santé environnementale. Il sera présenté lors du prochain Conseil de Paris en octobre 2022. Nous avons interrogé Jean-Pierre Lecoq pour en savoir plus.
Comment s’est organisée et déroulée cette MIE ces derniers mois ?
Jean-Pierre Lecoq : J’ai eu l’idée, au sortir de la crise sanitaire, de proposer à Rachida Dati, qui l’a ensuite proposé à Anne Hidalgo, d’établir une MIE sur la santé à Paris au cours des dix dernières années. J’ai souhaité qu’on prenne un champ d’action suffisamment large pour que les problèmes de l’hôpital – qui ne sont pas nés avec la crise sanitaire – soient justement appréhendés dans leur globalité et sur une durée suffisamment longue. Cette MIE a été votée à l’unanimité, et s’est déroulée pendant six mois.
Tous les jeudis, nous avons auditionné et posé des questions à un certain nombre de praticiens, d’acteurs associatifs, de personnes qui évolue dans le monde de la santé, des médecins libéraux, des chirurgiens. Nous avons aussi organisé des tables rondes avec trois ou quatre personnes qui débâtaient entre elles sur un sujet déterminé à l’avance et auxquelles les membres de la MIE pouvaient leur poser des questions. Nous avons également fait 12 visites dans des hôpitaux, d’associations spécialisées, auprès du préfigurateur du campus santé numérique qui doit prendre place sur le site du Val-de-Grâce... Les professionnels (de santé, ndlr) ont été entendus, écoutés, et nous ont fait part de leurs problèmes spécifiques.
Quel état faites-vous du système de santé parisien ?
Jean-Pierre Lecoq : Aujourd’hui, le système de santé français est dans une situation très difficile, à Paris comme en province, avec certes des caractéristiques différentes. Ce n’est pas uniquement le produit de la crise sanitaire. Celle-ci a été la vague supplémentaire qui a achevé de fragiliser un système de santé qui avait déjà été fragilisé au cours des dix ou douze dernières années. J’en prends ma part, comme politique. On doit tous en prendre notre part. On n’a pas suffisamment pris au sérieux les cris d’alarme d’un certain nombre de syndicats, de praticiens hospitaliers qui ont été prononcés au cours des dernières années.
Il y a une fuite des soignants, et surtout, on n’arrive pas à recruter. Tous les métiers de la santé au sens large (sanitaire, social, hygiène mentale…) sont en tension. Les professionnels libéraux parisiens ont aussi été atteints par la crise Covid. S’ajoutent à cela les conditions économiques. Quand vous avez un doublement du prix du mètre carré à Paris en quinze ans, ça se répercute sur les loyers des logements comme des cabinets médicaux. Le constat est le suivant : on a une démographie médicale en berne, beaucoup de difficultés à rencontrer des jeunes médecins, des jeunes médecins qui ne veulent plus travailler comme auparavant et qui n’ont peut-être plus les moyens de s’installer à Paris, une Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) terriblement fragilisée par le manque de personnel.
Quels sont les secteurs les plus en difficulté ?
Jean-Pierre Lecoq : Parmi les secteurs en grande difficulté, il y a celui de la santé mentale, qui était déjà au bout du bout et mal traitée en France avec insuffisamment de moyens. La crise sanitaire est arrivée par-dessus. C'est d'ailleurs assez inquiétant. On va déguster les effets et conséquences de la crise Covid pendant des années. On a des gens qui sont excessivement fragilisés en ce moment mais qui ne sont pas forcément identifiés et surtout qui ne seront pas traités.
L'AP-HP également. Avec un nombre considérables de lits fermés, beaucoup d'aides-soignants qui s'en vont, une démotivation des équipes, et une technostructure qui est très prégnante.
Un troisième secteur en difficulté, celui de la médecine libérale. Je pense que c'est tout le système qui est à repenser : les études/formation, le type de carrière (solo ou en centre...) avec beaucoup des jeunes médecins qui ne veulent plus travailler comme leurs ainés, et le numérus clausus (qui dépend du ministère de la Santé).
Peut-on faire une synthèse des 71 préconisations issues de la MIE ?
Jean-Pierre Lecoq : C’est difficile. Ces préconisations embrassent tous les sujets : le secteur hospitalier, la médecine libérale, la santé environnementale, le recrutement… Ce sont des réformes de bon sens qui ont d’ailleurs suscité une adhésion transpartisane. Il y a cependant un sujet où nous ne sommes pas tombés d’accord : celui du crack. Sur ce sujet, on a énoncé certaines choses, mais je pense que cela ne pourra se faire que par une action conjointe de Paris, de la Région, de l’État et aussi de la police pour démanteler certaines filières.
Mais le système (de santé) est à bout, et la crise Covid l'a terriblement fragilisé. Il faut agir sur tous les curseurs, ce qui est possible. Mais si on se contente de mesurettes ou de mesures sorties de leur contexte, on n'aura rien.
Le bilan de la MIE
Le groupe Changer Paris a relayé sur son compte Twitter, le bilan du travail réalisé dans le cadre de la MIE.