Accident de scooter lors d’une course-poursuite avec la police : les familles des adolescents et des témoins contredisent la version policière

Sept jours après la collision d’un scooter avec une voiture de police dans une rue du XXe arrondissement de Paris, les familles des trois adolescents blessés et des témoins ont décidé de prendre la parole ce jeudi matin lors d'une conférence de presse. Ils dénoncent "une tentative d'assassinat" et remettent en cause la version policière de l'accident.

Les familles des trois adolescents en sont intimement persuadées. Leurs enfants, frères et neveux ont été volontairement percutés jeudi dernier par la police alors qu'ils circulaient à scooter dans le XXe arrondissement de Paris.

Ce matin, ils étaient réunis chez leur avocat Arié Alimi avec des témoins de la scène pour demander à ce que "la lumière soit faite sur cette affaire". "On ne souhaite pas faire la guerre à la police, on veut juste connaître la vérité," a demandé la sœur de Salif, 13 ans, sorti de l'hôpital hier, et de Safyatou, 17 ans, plongée dans un coma artificiel depuis l'accident.

Deux versions s'opposent

Car depuis le drame, deux versions s'opposent. Celle des fonctionnaires présents ce soir-là et celle des témoins et des adolescents. Selon la préfecture de police, il est un peu moins de minuit, jeudi 13 avril, lorsqu'une patrouille de police entreprend de contrôler un scooter qui circule à l’angle de la rue de Bagnolet et de la rue de Lesseps, dans le XXe arrondissement de Paris. Sur le véhicule, il y a trois adolescents dont l'un qui ne porte pas de casque. "Le conducteur refuse de s’arrêter et pour échapper au contrôle, emprunte une rue à contresens avant de perdre la maîtrise de son scooter".

Les témoins, une habitante d'un immeuble voisin, un couple circulant à vélo et une livreuse, ont une autre lecture des faits. Présente ce matin, la livreuse affirme notamment avoir vu "les policiers essayer de pousser le scooter avec la portière de leur voiture, ce qui n’a pas marché. Tout de suite après, ils ont percuté le scooter, mais volontairement, d’un coup sec avant de se remettre droit." La livreuse explique avoir ensuite vu les corps des enfants "voltiger" pour retomber à terre. "C'était un truc de fou, ils ne bougeaient plus (...) Ça se voyait qu’ils étaient mal-en-point." Selon elle, les policiers sortent alors du véhicule, immobilisent le jeune Salif, soulèvent Safiatou par les aisselles et lui enlèvent son casque. "J’ai mis en garde les policiers en leur disant de ne pas enlever le casque car ils les avaient déjà assez mis en danger. Ils pouvaient aggraver les choses mais ils l'ont quand même fait." Toujours selon cette femme, un équipage de la Bac venu en renfort, attrape le dernier passager, Ilan, et le force à se mettre au sol. "Il expliquait qu'il avait mal, c’est pour ça qu’il ne se laissait pas faire. On l’entendait crier. J’en suis encore choqué aujourd’hui de ce qui s’est passé."

Une volonté de dissimulation manifeste selon l'avocat

La livreuse indique également que les policiers auraient ensuite tenté de dissuader les témoins de se rendre au commissariat pour faire leur déposition, en leur demandant de rentrer chez eux. "Je suis restée sur place, les autres sont partis. Et j’ai eu des discussions avec des policiers qui me disaient que ça ne s’était pas passé comme nous l'avions vu. Mais je ne suis pas folle."

Finalement rappelés dans la nuit, les témoins vont livrer aux enquêteurs leur version des faits, une version "contraire" à celle des policiers. "Le lendemain, je suis entendue au service des accidents. Alors que j'avais signé mon PV d'audition, une fonctionnaire m'a demandé d'effacer la vidéo que j'avais faite lors de l'accident. Comme je refusais, elle m’a menacée en me disant que ça allait mal finir pour moi et que j’allais partir en garde à vue." La vidéo a depuis été transmise à l'IGPN qui a ouvert une enquête ce lundi sur les conditions dans lesquelles ce choc serait intervenu. 

Pour leur avocat, Arié Alimi, spécialisé dans les violences policières, il s'agit de faits "d'une gravité extrême". "Une voiture de police qui percute volontairement des mineurs en sachant pertinemment qu’ils peuvent en mourir. En en mettant en joue avec un revolver, semble-t-il. Je crois qu’on a passé toutes les limites admissibles." L'avocat fustige "une volonté de dissimulation manifeste", en cherchant à détruire des preuves, en organisant une procédure qui vise à criminaliser les enfants eux-mêmes. D'après lui, les policiers ont demandé aux familles de ne pas se rendre à l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale. "On remercie les témoins, les gens du quartier, et les familles qui se sont réunis et ont compris ce qui était en train de se dérouler. C’est-à-dire, l’étouffement d’un scandale absolu." 

"On voyait bien que sur les scooters, c’était des enfants"

Lundi dernier, les familles se sont pourtant rendues à l'IGPN pour porter plainte pour "tentative d'assassinat". D'après Arié Alimi, les fonctionnaires qui les ont reçus n’étaient pas au courant de l'affaire "alors que le ministère public avait déclaré qu'une enquête avait été ouverte depuis jeudi ou vendredi (...) Ce qui veut dire que le procureur de la république de Paris a probablement participé à la dissimulation."

Alors qu'une enquête est désormais ouverte, tous regrettent que le ministère de l'Intérieur ne se soit toujours pas manifesté. "Sans ces nombreux témoins, je n’aurais jamais su la vérité plus de 24 heures après", regrette la mère d'Ilan dont le fils a été placé en garde à vue alors qu'il était blessé. "On ne comprend toujours pas pourquoi la police a continué de les poursuivre alors qu’ils auraient pu s’y prendre autrement. Il y a des témoins qui disent qu'on voyait bien que sur les scooters, c’était des enfants, regrette la sœur de Salif et Safyatou. On veut juste la vérité."

 

 

 

 

 

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