Le groupe spécialisé dans le travail temporaire ainsi que deux anciens directeurs sont jugés ce jeudi pour discrimination à l'embauche et fichage à caractère racial. L’association SOS Racisme, alertée par un ex-salarié chargé du recrutement dans une agence parisienne à Montparnasse avait porté plainte en 2001.

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La procédure a duré 22 ans. Adecco, en tant que personne morale, Olivier Poulin, ancien responsable de l'agence ayant fait l'objet de la plainte, et Mathieu Charbon, ancien directeur de secteur, sont jugés devant la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris ce jeudi, pour des faits commis entre 1997 et 2001. Ils sont accusés de discrimination et fichage "en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie", avait précisé la chambre de l'instruction en 2018.

En mars 2001, une information judiciaire avait été ouverte à Paris après une plainte de SOS Racisme. L'association avait été alertée par un ex-salarié en charge du recrutement dans une agence parisienne d'Adecco d'un classement des candidats avec un code "PR IV", pour spécifier les personnes de couleur. Selon l’employé, ce code visait à octroyer ou à refuser certaines missions, comme commis de salle ou chef de rang dans des restaurants, à ces candidats, lorsque l'entreprise cliente réclamait "un BBR" ("Bleu-Blanc-Rouge") ou "non PR IV".

L’agence en question, Adecco restauration Montparnasse, spécialisée dans l'hôtellerie, travaillait notamment avec le ministère des Affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits.

Adecco s'est défendu tout au long de la procédure en assurant que le code "PR IV" concernait des personnes ne "sachant pas ou peu lire, ou compter, ou rencontrant des difficultés d'adaptation au poste", et que "toutes les personnes se voyant attribuer ce critère n'étaient pas noires".

Une longue procédure et de nombreux rebondissements

"C'est un vieux dossier" mais il est "tellement actuel", a déclaré Slim Ben Achour, avocat des parties civiles, à l'AFP. "Il s'agit de l'éternel combat pour l'égalité humaine", a-t-il souligné.

"Nous attendons du procureur et des juges qu'ils prennent en compte la gravité des atteintes à la dignité humaine", a indiqué de son côté Samuel Thomas, président de la Maison des potes et ancien vice-président de SOS Racisme, à l'origine de la procédure. Les deux associations et d'anciens intérimaires avaient obtenu le renvoi en correctionnelle d'Adecco en février 2021, après de nombreux rebondissements.

En 2010, la chambre de l'instruction avait infirmé une première décision du juge d'instruction d'abandonner les poursuites, ordonnant de nouvelles auditions et confrontations. En janvier 2017, sept ans plus tard, un juge d'instruction avait rendu un non-lieu, considérant que "l'existence et le recours" à un classement spécifique des "intérimaires de couleur noire (...) n'avaient pas pu être clairement déterminés". 

Cette décision avait été à nouveau retoquée par la chambre de l'instruction, un an plus tard. Puis en novembre 2020, le parquet général avait encore requis l'abandon des poursuites, mais la chambre n'avait pas suivi leurs arguments et ordonné un procès.

"Si des progrès considérables ont été réalisés ces vingt dernières années en France, la lutte contre les discriminations est un combat de longue haleine", a réagi auprès de l'AFP un porte-parole d’Adecco, précisant "condamner et sanctionner tous les comportements pouvant être contraires à la loi et aux valeurs" du groupe.

L’entreprise avait déjà été condamnée en France pour discrimination à l'embauche en 2007, avec sa filiale Ajilon (ex-Districome) et le fabricant de produits de beauté Garnier. L’affaire concernait une consigne de recrutement portant uniquement sur des animatrices de vente "BBR" lors d'une campagne en 2000.

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