BD : rencontre avec Zerocalcare, un Romain à Paris

Son quartier, c’est son poumon vital. Depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne l'auteur de BD Zérocalcare a toujours vécu à Rebibbia, un quartier populaire de Rome. Il est donc venu en apnée à Paris pour présenter ses deux derniers albums Kobane Calling et Au-delà des décombres.

Comme Zerocalcare, l'auteur de BD italien, nous le confie au début de son entretien dans un français impeccable, son niveau de stress est au maximum. Non pas du fait de se retrouver face à un journaliste - il a fini par s’y habituer ! - mais parce que cela fait déjà 48 heures qu’il a quitté son quartier de Rebibbia à Rome. "Toute ma famille maternelle est française, mais déjà je n’ai jamais vécu à Paris. Et même être en France, cela me fait me sentir encore plus loin, mais si j'étais à Milan ce serait la même chose."
Regarder la vidéo de notre rencontre chez son éditeur près de BastilleSa plus grand peur : qu’il se passe quelque chose d’énorme en son absence ! Un événement dont on parlerait encore des années après et que lui n’aurait pas vécu en direct, avec ses amis, sur place. Cette phobie a même un nom en anglais sur les réseaux sociaux : FOMO - Fear Of Missing Out (angoisse de manquer quelque chose).

D’ailleurs à chacune de nos pauses, il reprend son smartphone pour vérifier - au cas où …

De toute façon, moi j'ai du mal à quitter Rome, même si c'est pour aller dans la ville d'à côté.

Il est comme ça le dessinateur Zerocalcare, tel que l’on peut l’imaginer à la lecture de la dizaine d’albums publiés en Italie. Depuis 2011, Zerocalcare enchaîne les albums autobiographiques. Avec Star Wars, Disney, ou Olive et Tom, il mixe la pop culture à son quotidien à travers les mangas, les jeux vidéos ou les dessins animés. Il a aussi pris l'habitude de dessiner sa conscience sous la forme d'un tatou, un compromis entre un ami imaginaire et Jiminy Cricket. Il nous confie : "Moi j'ai décidé de faire des trucs autobiographiques, parce que tout ce que je faisais avant, j'avais l'impression que ça ne marchait pas, que je n'avais pas assez de fantaisie et que je n'arrivais pas à écrire des histoires convaincantes. Au bout d'un moment, je me suis rendu compte que la seule chose que je savais un peu faire, c'était que j'avais développé un langage qui me permettait de retravailler ce que je vivais. Et ça, j'arrivais à le raconter, avec un filtre qui était un peu rigolo."

Une édition augmentée et une intégrale

Cinq de ses albums ont été traduits en français. Au-delà des décombres, l’intégrale des deux tomes parus précédemment, vient de sortir aux éditions Cambourakis, ainsi qu’une version augmentée de son plus grand succès en France, l’album qui l’a fait connaitre : Kobane Calling, vendu à 35 000 exemplaires. Dans cette album, Zerocalcare aborde aussi l'actualité. Il s'agit du récit de son voyage au Rojava. Pour les italiens, il est même devenu le spécialiste de cette région autonome kurde en Syrie. Il confirme : "J'ai gardé des contacts étroits avec la communauté kurde. Je n'étais pas allé là-bas tout seul comme un reporter. J'étais dans un collectif qui cherchait à aider la résistance kurde. On fait des réunions chaque mardi soir avec la communauté kurde. Toutes les réunions commencent par le récit de ce qui s'est passé pendant la semaine, comment les troupes ont avancé, tout ce qui se passe là-bas."

Au-delà des décombres

Avec Au-delà des décombres, Zerocalcare renoue avec ses amis de jeunesse. Comme il le reconnaît lui-même, même si sa vie personnelle est à la dérive, sa vie professionnelle le met à l’abri du besoin. Comme cela fait longtemps qu’il n’a pas vraiment pris des nouvelles de ceux avec qui il est passé à l’âge adulte, il décide de les revoir. Ces nombreux mois sans nouvelles lui font découvrir ce qu’il nomme "un champ de ruines" : la précarité de l’enchainement de petits boulots pour des diplômés d’études supérieures ; la difficulté de fonder une famille quand on dépend pour survivre du salaire de ses parents.

Tu veux bien me raconter ce que tu deviens, c'est quoi ta vie maintenant ?
Je me suis rendu compte que ce je notais, c'étaient vraiment des décombres.

Le tableau de l’Italie en crise qu’il dessine s’avère bien terrible, bien éloigné de l’image carte postale de la Dolce Vita. Les jeunes Italiens d’aujourd’hui, comme leurs grands-parents et arrière-grands-parents, reprennent bien malgré eux le chemin de l’exil à Paris ou ailleurs - pour s’inventer un avenir qu’ils espèrent meilleur.
Zerocalcare conclut : "Je me disais que j'aurais dû le raconter plus tôt, parce que ce ne serait pas seulement ma vie. Mais c'est en fait même un bout de mon pays, parce que ce n'est pas seulement eux, c'est toute l'Italie qui vit comme ça."

Zerocalcare est un pseudo

Il s'agit d'une référence au produit anti-calcaire pour les fers à repasser ! Il a choisi ce pseudo vers 17 ans en regardant une publicité à la télévision alors qu'il avait besoin de trouver un autre nom que le sien. Un choix qui lui a permis de se faire connaitre mais qu'il regrette un peu quinze plus tard quand il s'agit de l'expliquer.
Pour l'année prochaine, il envisage de publier une version animée de son personnage qui pourrait être diffusée sur une chaine mondiale de vidéo à la demande en streaming. Zerocalcare a découvert que l'animation est encore plus chronophage que dessiner une BD. Regardez ses premiers essais (en italien populaire de Rebibbia) le récit d'une soirée ordinaire devant la télé berlusconienne avec sa mère. Il la représente habituellement en Dame Gertrude, une référence à Robin des Bois, le dessin animé de Walt Disney.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité