C’est l’été : comment vous sentez-vous dans votre corps ?

Elles sont douze, douze femmes qui témoignent de leur rapport à leur corps. Autant de déclarations de répulsion, d’incompréhension ou d’amour à une enveloppe que l’on dit charnelle. La youtubeuse Léa Bordier a rassemblé ces témoignages dans une bd chorale à ne pas manquer.

Comme 12 lettres à un inconnu qui leur est cher ou chair … Le corps pour une femme peut être son ennemi intime ou son meilleur allié, comme en témoignent les 12 personnes qui se livrent sans détour dans Cher Corps, un roman graphique paru chez Delcourt/Mirages, juste avant l’été.

Ici pas de conseils pour maigrir

Depuis trois ans déjà, la parisienne Léa Bordier publie des témoignages vidéo sur sa chaine youtube avec succès : 65 000 abonné(e)s et plus de 4,5 millions de vues cumulées. Chaque inconnue filmée répond à cette question : "comment définirais-tu ton rapport au corps aujourd'hui ?" Elle a déjà tourné une soixantaine de vidéos.
"Cher corps est né d’une nuit d’insomnie. J’ai eu l’envie soudaine de faire parler des femmes de leur rapport au corps. Ces corps, bien différents de ceux que l’on voit dans les magazines depuis notre enfance, racontent des histoires intimes susceptibles de résonner en chacun."
Pour cette version BD, elle a en sélectionné dix plus deux récits inédits, précise-t-elle dans le quotidien  20 Minutes. "Celui de Sophie, présente le 13 novembre 2015 au Bataclan et qui a reçu deux balles dans le corps, et celui de Léna, 14 ans, parce que je n'ai pas encore de témoignages de mineures sur ma chaine."

Des femmes âgées de 14 à 71 ans

Ce qui frappe à la lecture, c'est la diversité des thèmes abordés avec une grande sincérité. L'album s'ouvre avec Marie-Paule, 71 ans : "On ne parlait pas de rapport au corps dans la famille, ça ne se faisait pas." Pendant son adolescence, la seule lecture à sa disposition pour en apprendre un peu plus au sujet du corps et de la notion de plaisir : Madame de Sévigné ! Alors, quand à 15 ans elle embrasse pour la première fois un garçon, elle a tout de suite après peur de tomber enceinte. Cela finit par arriver quelque temps avant sa majorité. Devenue depuis une militante affirmée, elle s'est battue pour le droit des femmes à la contraception et à la reconnaissance de l'IVG.
Aujourd'hui, cette septuagénaire reste surprise quand un jeune homme inconnu lui propose un verre ou bien qu'un autre en passant lui adresse ce compliment : "Vous êtes superbe".

"J'avais 11 ans et je me faisais draguer par des hommes de 40 ou 50 ans."

Pour Léa, 14 ans, le rapport au corps se révèle très différent. C'est dès le CE2 qu'elle s'est retrouvée confrontée à la naissance de sa féminité. A son entrée au collège, elle doit déjà porter un bonnet C. Alors le regard des adultes sur la fillette change, certains hommes l'imaginent déjà en Lolita : "Je détestais ça. Je ne répondais pas ; à chaque fois je baissais la tête et je filais." Après de nombreuses épreuves, elle est devenue une ado qui a "rattrapé son corps, et ça se passe bien".

Des témoignages forts

La liste des récits à la première personne pourrait laisser penser à une sélection parfaite où chaque âge de la vie - et chacune des souffrances éprouvées - se devrait d'être représenté : Mathilde, 33 ans, doit vivre avec un corps qui ne correspond absolument pas aux canons esthétiques de l'ultra minceur véhiculés par la mode et la publicité ; Camille, 22 ans, est née avec une infirmité cérébrale moteur ; Blaise, 23 ans, a du mal à se reconnaître dans sa nouvelle féminité.
Pourtant, il n'en est rien. La dessinatrice Sibylline Meynet magnifie ainsi le récit tout en pudeur de Lucie, 26 ans. La jeune femme a la peau de l'avant bras brûlée. Elle décide de la masquer avec un tatouage car elle souhaite se souvenir des belles choses qu'elle a connues et plus de celles qui ont marqué sa chair et meurtri son âme.

"Je veux me souvenir de la nouvelle personne que je suis devenue, qui n'est plus celle avec ces marques."

Karensac, Eve Gentilhomme, CY … onze autres artistes illustrent ces récits, chacune dans l'univers graphique qui lui est propre. Rien de caricatural ou de stéréotypé dans la démarche collective, car chaque femme témoigne de ce qui lui est le plus intime. Chacune d'elles devient dès lors une pièce de la mosaïque d'ensemble. Le choix d'un roman graphique choral permet de replacer les parcours de vie dans leur contexte et les dessins aident à trouver la bonne distance pour ne pas placer le lecteur en position de voyeur.
Au final, tous ces témoignages constituent autant d'étages parcourus grâce à l'ascenseur émotionnel que constitue ce roman graphique. Léa Bordier espère que, comme pour ses vidéos, "cet album aidera des femmes  - et des hommes, qui sait ? – à mieux appréhender leur corps et ses éventuels problèmes physiques." Comme elle l'explique dans l'hebdomadaire Les Inrocks, la réalisatrice, adepte des réseaux sociaux depuis longtemps, en connaît les vertus et les limites. Elle sait aussi que chaque récit qu'elle diffuse participe à aider celle qui le regarde.

Ainsi le témoignage d'Emma, 22 ans, évoquant son viol et la procédure de plainte qui s'ensuivit, "a incité des jeunes filles à m'écrire pour dire que la vidéo leur avait donné le courage de parler de leur agression à leurs proches … ou dans un commissariat".

Une démarche sur les réseaux qu'elle prolonge à travers son nouveau projet sur France.tv Slash, Entre Meufs. Cette websérie a pour but de dédramatiser certains sujets considérés comme tabou, par exemple les règles, le plaisir solitaire, les poils ou célibat. Une série internet, une chaine youtube et maintenant un roman graphique Cher Corpsautant d'occasions d'explorer tout l'été la psyché féminine.
 
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