"C'est un symbole pour moi, je suis toujours Charlie" : 10 après l'attentat de Charlie Hebdo, les Parisiens se souviennent

Ils sont étudiants, retraités, professeurs ou kiosquiers. Tous anonymes, "esprit Charlie" ou non, ils nous racontent leur 7 janvier 2015, jour de l'attentat contre le journal satirique dans lequel onze personnes ont été tuées.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Le jour d’après : Halgurd, kiosquier

Ancien journaliste en Irak, Halgurd s’est réfugié en France et est devenu kiosquier il y a plus de 12 ans. Son premier kiosque était situé en plein cœur de Paris, dans le 3e arrondissement, tout près du métro Arts et Métiers. C’est là qu’il a vu, le lendemain de l’attentat, affluer "plus de 150 personnes." "Je n’avais jamais vu ça. Tout le monde était triste et me demandait Charlie Hebdo, mais je n’avais pas suffisamment de stock, donc les gens enregistraient leurs noms pour avoir un exemplaire", se souvient-il. Il a alors fait le choix d’exposer la une en grand à l’arrière de son kiosque, comme un hommage. "Je me souviens des discussions, juste après. Pour ou contre Charlie Hebdo. Il y avait ceux qui critiquaient le journal, qui nous reprochaient aussi de le vendre. On m’a dit que c’était provocant, que c’était mal de se moquer des religions… Pour moi, on devrait absolument soutenir les journalistes et la liberté d’expression." Aujourd’hui, son commerce est situé place de la Nation. Quelques personnes lui achètent encore le journal satirique, mais bien moins qu’il y a 10 ans.

Pour moi, on devrait absolument soutenir les journalistes et la liberté d’expression.

Ancien journaliste en Irak, Halgurd

D'origine kurde, âgé de 40 ans, il ne comprend toujours pas comment a pu survenir une telle violence dans la capitale française. "Je viens d’une zone en Irak où il y avait beaucoup de guerres. Mais un attentat comme ça à Paris… c’était un choc énorme pour moi. Ça l’est encore aujourd’hui."

La tendresse et la colère : Régine, retraitée

Elle arrive doucement, appuyée sur sa canne, dans le kiosque d’Halgurd. Régine est une fidèle de Charlie Hebdo et chaque mercredi, c’est ici qu’elle vient pour l’acheter. "Ça fait 40… même 50 ans que je les lis ! Je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’ils disent mais j’ai beaucoup de tendresse pour les gens de ce journal. Je l’achète même plus régulièrement qu’avant, par amitié, par solidarité."

Comment peut-on empêcher quelqu’un de parler, empêcher d’écrire, d’être ce que l’on veut être.

Régine, professeure retraitée

Régine était enseignante à l’université, elle a toujours ressenti de la colère contre les atteintes à la liberté d’expression notamment. "Comment peut-on empêcher quelqu’un de parler, empêcher d’écrire, d’être ce que l’on veut être… Et c’est l’impossibilité d’agir face à cela qui angoisse la militante que je suis. On ne peut rien contre la bêtise. Il y a encore des attentats, des agressions, et finalement, c’est toujours la colère qui me hante", raconte-t-elle calmement. L’octogénaire repart du kiosque comme elle est arrivée, toujours souriante et avec son journal sous le bras. 

A lire aussi : Attentat contre Charlie Hebdo : une attaque à la Kalachnikof en plein Paris

La peur encore présente : Claire, retraitée

Croisée dans la rue, Claire marche d’un pas déterminé. Des attentats de janvier 2015, elle retient l’injustice. "Rétrospectivement, ça me marque encore plus maintenant. Il y a 10 ans, j’ai pensé 'ça fait mal et peur'. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus peur", explique-t-elle. "Avec tout ce qui se passe dans le monde… Les choses ont évolué vers quelque chose qui ne me rassure pas."

J’ai un peu de mal avec le 'on peut rire de tout'

Claire, retraitée

L’ancienne technicienne de plateau au théâtre se définit comme féministe, elle s’intéresse à la politique et discute d’ailleurs beaucoup de ces sujets-là avec ses enfants. "J’ai un peu de mal avec le 'on peut rire de tout'. Ça me semble compliqué. Mais on peut parler de tout, on peut tout évoquer et tout critiquer en tout cas." Elle n’achète jamais Charlie Hebdo et se justifie dans un éclat de rire : "Je trouve que leurs dessins ne sont pas très jolis !" Mais Claire est très attachée à la pluralité des médias et au droit de critiquer. "Ils ont vraiment leur place dans le paysage médiatique, même si c’est un peu radical. Leur côté antireligieux par exemple, ça nous fait du bien."

Avec des yeux d’enfants : Vittorio et Flore, étudiants en école de théâtre

Attablés à un café du 13e arrondissement en plein après-midi d’hiver, les deux amis de 19 ans discutent. Pour eux, alors enfants en janvier 2015, les souvenirs sont flous. "J’avais 10 ans, je ne savais pas ce qu’était un attentat à l’époque, et c’est à ce moment-là que j’ai appris ce que ça voulait dire", débute Flore. "Je ne comprenais pas non plus ce qu’il se passait", continue Vittorio. "Je m’en souviens comme une période sombre. C’était la première fois que mes parents prenaient vraiment la peine de m’expliquer les événements dans le détail."

C’était la première fois que mes parents prenaient vraiment la peine de m’expliquer les événements dans le détail.

Vittorio, étudiant

Le père de Flore est policier. Le climat qui régnait chez elle début 2015 était donc forcément spécial, mais aussi anxiogène. "On regardait les infos en boucle, c’était assez effrayant. Même à l’école, il y avait les minutes de silence, la maîtresse nous en avait parlé… Les tueurs étaient en cavale et on avait peur", se remémore-t-elle. Et d’ajouter : "Maintenant, on sait que ça arrive ce genre de choses, on y pense encore beaucoup, parfois quand on se balade devant des lieux où ça s’est passé." Vittorio, lui, évoque l’avenir. "Continuer encore, à critiquer, à écrire et à dessiner même si les menaces existent toujours, moi je trouve ça beau" conclut-il.

A lire aussi : Revue de presse : nous sommes Charlie

Toujours l'esprit Charlie : Benjamin, professeur des écoles

Il y a 10 ans, Benjamin était étudiant en sciences de l’éducation. Il a appris la nouvelle des attentats par une alerte sur son téléphone. "J’étais avec des amis et ça nous avait pas mal bouleversés", se souvient-il. "C’était pour nous la première en France, une telle atteinte à la liberté d’expression, et qu’il y ait autant de morts, ça nous avait beaucoup touchés."

Encore maintenant,c’est un symbole pour moi, je suis toujours Charlie

Benjamin, enseignant

Pour rendre hommage et pour chasser la peur ressentie après ces trois jours d'attentats, de Charlie Hebdo à l'Hyper Cacher, il s’est rendu à la grande manifestation organisée partout en France le 11 janvier 2015. "J'étais à Paris et je me rappelle des transports en commun bondés, il y avait énormément de monde partout. Les gens chantaient spontanément la Marseillaise. Ça faisait du bien de voir tant de personnes, c’était un moment d’émotion partagée", relate le trentenaire, dans une esquisse de sourire. Il conclut : "Encore maintenant, c'est un symbole pour moi, je suis toujours Charlie. Quoi qu’on pense de ce journal, pouvoir critiquer les religions, c'est un droit, il faut continuer à le faire et il faut continuer à rendre hommage à ces gens-là."

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information