"Capitale(s)" : l’histoire du street art parisien graffée sur les murs de l’hôtel de ville

L’hôtel de ville de Paris accueille à partir du samedi 15 octobre une exposition conçue comme un panorama du street art sur 60 ans. Banksy, Invader, Miss.Tic, C215… L’événement rassemble 70 artistes.

Graffs, pochoirs, collages, toiles, créations hors-les-murs, archives… L’exposition "Capitale(s)", dédiée à l’art urbain et sa scène parisienne, présente plus d’une centaine d'œuvres au sein de la salle Saint-Jean de l’hôtel de ville. Environ un tiers des créations ont été réalisées in situ, spécialement pour l’événement.

"Paris est probablement l’une des scènes les plus dynamiques au niveau mondial. Il y a des milliers et des milliers d'artistes. Paris est l’un des berceaux de l’art urbain - avec New York bien sûr, où le graffiti est né dans les années 1970 - mais c’est également l’un de ses terreaux les plus fertiles", souligne le collectionneur Nicolas Laugero Lasserre, l’un des quatre commissaires de l’expo, par ailleurs collectionneur et cofondateur du musée Fluctuart.

"Parmi les artistes les plus connus qui ont investi Paris, on pense évidemment à Banksy, dont l’exposition montre les œuvres qu’il a réalisées à Paris en 2018. On présente aussi une œuvre originale", explique Nicolas Laugero Lasserre.

"Les premières bombes, les premiers marqueurs, les premiers stickers"

"Il y a également Invader, qui fait vivre ses personnages, ses 'space invaders', dans toute la ville. Il envahit la capitale depuis plus de 20 ans maintenant, et est venu ici nous présenter sa map : une carte de toutes les œuvres qu’il a posées dans Paris", poursuit le commissaire.

"On pense aussi à JR, avec ses collages, ses portraits, qu'il va coller dans la rue. Et dans la branche graffiti, je pense évidemment à JonOne, un des artistes parmi les plus importants de cette scène urbaine, mais aussi à des pionniers comme Bando", note Nicolas Laugero Lasserre.

Au cœur de l’expo, le commissaire est "particulièrement fier du travail d’archivage qui a été mené par Arcanes, un centre de ressources du graffitis, à l’étage de la salle". "On retrouve les premières bombes, les premiers marqueurs, les premiers stickers. Je suis heureux d’avoir montré cette mémoire", se félicite-t-il.

L’origine du street art parisien, avec Jérôme Mesnager et Miss.Tic

La visite de "Capitale(s)" débute par une œuvre du plasticien Jacques Villeglé. "Ce qui est fascinant, c’est qu’avec quelques autres artistes, il a eu l'idée dans les années 50 de créer un mouvement qui consistait à prélever des affiches de la rue pour les coller sur des toiles. Ce mouvement s'est appelé les affichistes, les nouveaux réalistes", détaille Nicolas Laugero Lasserre.

"Il prélevait des affiches lacérées, comme celles qui tombent en lambeaux parfois dans les couloirs du métro... Pour nous, c'est l'une des origines du mouvement de l’art urbain. Je ne peux pas dire que c'est le premier street artiste, ça serait impropre. Mais c'est l'un des précurseurs : il fait entrer la rue sur la toile, dans le musée. Il est décédé il y a quelques mois, il avait 95 ans. C'est un artiste présent dans les plus grands musées aujourd’hui", ajoute le commissaire.

"Plus véritablement, le mouvement du street art démarre dans les années 80, avec l’artiste Jérôme Mesnager. On retrouve encore ses petits bonhommes blancs dans Paris, depuis 40 ans. Il y a aussi la fameuse artiste Miss.Tic, qui a aussi disparu cette année. Elle faisait ses pochoirs avec ses phrases et ses jeux de mot toujours empreints de poésie, sur les rues de la ville", poursuit Nicolas Laugero Lasserre.

"On peut également citer le pochoiriste Jef Aérosol, mais aussi Speedy Graphito, Mosko, ou les VLP, Vive La Peinture. Tous ces artistes ont décidé à cette époque d’aller poser leurs œuvres dans la rue", raconte le commissaire.

"Le street art fait partie de l'ADN de Paris"

Pour ce qui est de la nouvelle génération d’artistes exposés, on trouve notamment une œuvre de Madame. "J'ai pris du bois de récupération et des matériaux pauvres. J'aime les choses abîmées qui montrent les traces du temps, de l'usure. Ici, je n'ai pas voulu fabriquer une œuvre comme je le fais dans la rue, ou comme je le fais en atelier. C'est un trait d'union entre les deux. En atelier, je fais des petites pièces intimes manipulables avec des mécanismes, des sortes de petites boîtes de Pandore. Dans la rue, je fais de grands aplats. Ce sont les deux espaces emblématiques de ma démarche", souligne-t-elle.

Originaire de Tours, l’artiste vit à Paris depuis 15 ans. Elle réalise des collages dans les rues de la capitale. "Je colle en plein jour et en très grand format. Le street art fait partie de l'ADN de Paris. A Tours, c'est plus compliqué, ça reste beaucoup moins longtemps", explique Madame.

"Un mur dans l'espace public, c'est énormément de boulot, ajoute-t-elle. Je dois faire une maquette en amont, et je n'imprime jamais deux fois le même mur, parce que c'est très contextuel. Dernièrement, j'ai tendance à moins poser de collages dans l'espace public mais j'essaie d'y aller régulièrement. Je continuerai toujours à le faire, parce que ça justifie ma démarche, ça lui donne du sens et du fond."

"On a essayé d'être la mémoire de ce mouvement"

D’ailleurs, exposer des œuvres de street art comme dans un musée ne risque-t-il pas de tuer l’esprit du mouvement ? "L'essence du street art et du graffiti, c'est dans la rue, pour tous. En parallèle, ces artistes ont un travail d'atelier et créent des œuvres qui peuvent être vendues. Donc l'un complète l'autre", défend Nicolas Laugero Lasserre.

"Le travail de rue, c'est le travail intègre, puriste, à la portée de tous, ajoute le commissaire. En parallèle, le travail d'atelier permet aussi aux artistes de vivre de leurs créations. Ici, nous rendons hommage à cette scène. Je ne crois pas que ça soit sa mort. Au contraire, c'est une reconnaissance. L'institutionnalisation, ça permet de rendre hommage et d'immortaliser surtout. Finalement, ces murs peints dans la ville vont disparaître. Peut-être que les traces de cette exposition, les photos et les œuvres d'atelier vont, elles, rester. On a essayé d'être la mémoire de ce mouvement."

A noter que l’événement, accessible uniquement sur réservation, est gratuit. L’exposition est prévue jusqu’au 11 février 2023 au 5 rue de Lobau (IVe arrondissement).

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