Premier rassemblement des agriculteurs ce mercredi près du ministère de l'Economie et des Finances. Des représentants de la Confédération paysanne et des membres du collectif national Stop CETA-Mercosur ont manifesté leur opposition au projet de traité de libre-échange entre l'UE et des pays d'Amérique latine.
"On va faire venir en très grande quantité à des droits de douane nuls ou très bas de la viande bovine, des volailles et d'autres produits venant d'Amérique du Sud. Ils arriveront ici sur notre marché à des prix très en dessous de ce qu'on peut faire", proteste Laurence Marandola, porte-parole nationale de la Confédération paysanne.
Ce mercredi midi, des drapeaux de la Confédération paysanne et du collectif national Stop CETA-Mercosur qui regroupent une quarantaine d'associations et de syndicats flottent sur cette place à Bercy qui fait face au ministère de l'Economie et des Finances.
Tous ici souhaitent que la France s’oppose définitivement et fermement à la signature de l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne qui est, selon eux "de nature à détruire un grand nombre de paysannes, de paysans, de fermes en France, en Europe et de par le monde."
"Ça va être tout simplement un massacre pour l'élevage"
Le traité de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), négocié depuis plus de 20 ans, prévoit des quotas d'importations dans l'Union européenne sans droit de douane ou à taux réduit pour la viande bovine, la volaille, le sucre, le maïs ou encore l'éthanol. En cas d'accord, l’UE pourra en échange exporter des produits pharmaceutiques, des voitures...
Ce projet de traité est désavoué par le gouvernement français qui affirme refuser le texte "en l'état" alors que l'Union européenne semble déterminée à signer d'ici à la fin de l'année. Le Premier ministre Michel Barnier a fait valoir mercredi la position du gouvernement français, lors d'un déplacement à Bruxelles, où il a rencontré notamment la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen.
Devant Bercy ce midi, Aurélie Trouvé, député LFI de Seine-Saint-Denis ne mâche pas ses mots. "Ça va être tout simplement un massacre pour l'élevage, un massacre pour les éleveurs, un massacre aussi pour la sécurité alimentaire", alerte l'élue par ailleurs, présidente de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale.
"Nous ne pouvons pas vérifier les conditions sanitaires environnementales de production de viande bovine, par exemple au Brésil et dans les pays d'Amérique du Sud. Nous en sommes incapables. Donc, ça va vouloir dire forcément une concurrence déloyale et délétère", précise Aurélie Trouvé.
Libre échange et concurrence
Aline Aurias, cultivatrice de plantes à tisanes et d'arômes à Gometz-le-Châtel dans l'Essonne, drapeau de la Confedération paysanne en main, dénonce le principe d'un accord de libre-échange dans le secteur agricole. L'exploitante évoque les difficultés que connaissent déjà dans son département, des éleveurs ovins après un accord signé en juin 2023 entre la Nouvelle-Zélande et l'Union européenne.
"Je pense à ces éleveurs ovins qui ont des exploitations extrêmement vertueuses et qui se retrouvent en concurrence avec des produits de Nouvelle-Zélande qui sont vendus deux fois moins cher", explique-t-elle.
"Moi dans ma filière, je me bagarre au quotidien avec les transformateurs, les revendeurs pour leur faire comprendre la vraie qualité, mais c'est un temps de travail monstrueux d'aller les voir, de leur faire goûter les produits. Quand vous êtes éleveur dans une filière longue, vous ne pouvez pas aller voir chaque responsable de magasin pour faire goûter votre agneau !"
Joint au téléphone, Daniel Evain, maraîcher et céréalier à Dourdan dans l'Essonne, trésorier de la Confédération paysanne d'Île-de-France anticipe ce que feront les consommateurs si l'accord UE- Mercosur parvenait à être signé.
"Les consommateurs vont toujours aller au moins cher et ils vont acheter des produits avec des antibiotiques, avec des hormones de croissance. Et par contrecoup, ça va poser des difficultés de vente dans nos exploitations", déplore-t-il. "On a des coûts de production qui sont plus élevés pour des raisons à la fois sociales, mais aussi environnementales et sanitaires. Il faut faire comprendre aux gens que l'alimentation à un certain coût. À la fois pour avoir de la qualité, mais aussi pour protéger l'environnement", ajoute Daniel Evain.
Devant le ministère de l'Economie et des Finances, la porte-parole de la Confédération paysanne, Laurence Marandola, a indiqué que le troisième syndicat agricole de France n'appellerait pas à rejoindre la mobilisation appelée lundi 18 novembre par l'alliance majoritaire de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA), bien qu'ils s'entendent sur leur opposition à l'accord avec le Mercosur. "Nous serons mobilisés la semaine prochaine, mais avec nos propres modes d'action."