"En 20 ans, je n'ai jamais vu ça" : les agriculteurs d'Île-de-France au bord de la crise politique et sociale

Depuis 25 ans, la pluie n'est jamais autant tombée en France qu'en ce mois de septembre 2024. La récolte attendue est catastrophique et fait monter la colère des agriculteurs d'Île-de-France. Alors qu'une nouvelle mobilisation approche, ils dénoncent des politiques incohérentes et toujours pas à la hauteur depuis un an.

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"Le sol est bien trop humide, je n'ai pas encore réussi à arracher toutes les pommes de terre", constate Daniel Evin, agriculteur et maraîcher bio à Dourdan (Essonne). Selon le porte-parole de la Confédération paysanne, "cette moisson est catastrophique pour les céréaliers". La Chambre d'agriculture d'Île-de-France estime que la diminution des rendements oscille entre 30 % et 50 % dans la région. Les graines d'hiver n'ont pas encore été semées et "la moisson toujours pas finie", rappelle Alexandre Rueche. "Nous sommes ballottés par la météo, les nerfs en prennent un coup", s'inquiète cet exploitant d'une "grande culture" biologique dans les Yvelines.

Le mois de septembre 2024 est un tournant climatique en France. "En 20 ans, je n'ai jamais vu ça", jure Alexandre Ruech. Ces 30 jours sont devenus les plus pluvieux depuis 25 ans avec un excédent de près de 60% par rapport à la normale. Du 9 au 17 septembre, les températures ont parfois été jusqu'à 5°C inférieures à la normale.

Une météo aux conséquences désastreuses. L’année 2024 accentue déjà le déficit des exploitations agricoles. La Chambre d'agriculture d'Île-de-France l'estime entre 500 et 800 euros par hectare. Ce qui équivaut à plus de 83 000 euros par exploitation pour une ferme moyenne de 127 ha. 

Une politique au point mort

"On ne peut pas attribuer le problème de la météo à la politique, mais on fait face à un manque d'anticipation sur 20-30 ans. Depuis plus d'un an, je ne peux plus me projeter", s'inquiète Alexandre Rueche.

Avec le report du projet de loi agricole et la reprise des négociations sur le MERCOSUR, la FNSEA, syndicat dont il fait partie, appelle à une nouvelle mobilisation à la mi-novembre. "Je ne crois plus aux politiques de droite comme de gauche. Aucun des camps n'offre de stratégie. On a besoin d'une politique ambitieuse pour attirer des jeunes à reprendre les exploitations", assure l'agriculteur.

Il faut d'abord maintenir les exploitations bio existantes avant d'investir dans des aides à la conversion.

Alexandre Rueche, exploitant d'une "grande culture" dans les Yvelines

Le manque de cohérence dénoncée peut s'illustrer à travers l'exemple du bio. Porte-parole de la Confédération paysanne, Daniel Evin s'alarme de "la baisse des aides aux bios alors que les prix s'effondrent". Alexandre Rueche, lui, dénonce des "aides à la conversion vers le bio alors qu'il faudrait déjà maintenir les exploitations existantes". Pour la première fois depuis deux décennies, la part de surfaces cultivées en bio a baissé en 2023. Une tendance qui "pourrait s'accentuer en 2024", alerte Daniel Evin qui demande également une "trajectoire pour sortir des pesticides".

Un ras-le-bol commun

Sur ce point, les agriculteurs s'accordent sur les lacunes de l'Etat. La "directive nitrate" enclenchée en septembre est "un casse-tête à interpréter" pour Alexandre Rueche qui dénonce une "politique schizophrénique" qui demande plus de "performances, de résilience et de qualité" mais qui éloignent les agriculteurs de leurs champs. "Les agriculteurs font face à toujours plus de paperasse, mais le résultat est le même depuis 25 ans ", relève Daniel Evin.

La demande de simplification rassemble autant que la non-signature du MERCOSUR. Accusé d'ouvrir la porte à une concurrence déloyale, ce traité de libre-échange entre l'Europe et les pays d'Amérique Latine pourrait être validé par Bruxelles malgré l'opposition française. "Une position de façade" pour Alexandre Rueche qui rappelle l'épisode du glyphosate. En novembre 2023, la France s'est abstenue lors du vote qui a autorisé ce pesticide pour dix années supplémentaires.

Rien de nouveau sous le soleil

"Les engagements pris seront tenus, ils sont tenus dès aujourd’hui", a répété la ministre de l'Agriculture Annie Gennevard sur Sud Radio ce mercredi. Le projet de loi d’orientation agricole, dont le parcours parlementaire a été interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, "reprendra son parcours au Sénat avant fin de l’année". La réforme des retraites agricole basée sur les 25 meilleures années d'activités "sera mise en œuvre au 1er janvier 2026", a-t-elle également ajouté.

De quoi calmer les craintes des agriculteurs ? "Pour l'instant, rien n'a changé depuis un an", souffle Daniel Evin qui relève simplement l'allégement des normes environnementales européennes. Une mesure qu'il n'a pas revendiquée.

En désaccord sur ces normes, la Confédération paysanne ne répondra pas à l'appel à la mobilisation de la FNSEA pour la mi-novembre. "On va entrer dans une période électorale qui peut modifier tout le paysage syndical", rappelle Alexandre Rueche qui alerte sur les "formes de calcul" qui accompagnent cette échéance.

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