Elle était pressentie pour intégrer le gouvernement de Michel Barnier. Annie Genevard, députée Les Républicains (LR) de la 5e circonscription du Doubs, réélue en juin dernier, se voit confier ce samedi 21 septembre le ministère de l’Agriculture. Portrait d'une femme de droite ayant la politique dans le sang.
Qui l'aurait cru, le 7 juillet 2024. Ce soir-là, Annie Genevard (Les Républicains), 68 ans, vient d'être élue députée de la 5e circonscription du Doubs pour la 4e fois consécutive. Arrivée de peu en tête au 1er tour, l'ancienne maire de Morteau dans le Haut-Doubs a senti la montée du Rassemblement national dans son fief. Et fait figure de rare satisfaction dans les rangs des Républicains, parti dont elle est vice-présidente, miné par les dissensions internes et minoritaires à l'Assemblée nationale. Pourtant, deux mois plus tard, Annie Genevard est la nouvelle ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt, succédant à Marc Fesneau.
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La rumeur courait depuis plusieurs jours, c'est désormais officiel. C'est elle que le Premier ministre Michel Barnier a choisie pour siéger rue de Varenne. Le nom d'Annie Genevard avait pourtant tourné il y a quelques semaines pour le poste de ministre de l'Education. Logique pour elle, l'ancienne professeure de français, certifiée de lettres classiques. Finalement, c'est sur l'agriculture qu'elle devra plancher. Elle en connaît aussi une facette, elle qui a grandi et fait ses classes dans le Haut-Doubs, forteresse de la production du fromage, le comté.
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Annie Genevard est la troisième femme à devenir ministre de l’Agriculture. Avant elle, Edith Cresson le fut de mai 1981 à mars 1983 sous le gouvernement du socialiste Pierre Mauroy. Christine Lagarde a également occupé ce portefeuille de l’agriculture, un mois seulement en 2007, sous le gouvernement de François Fillon.
Une enfance rythmée par la politique
Était-ce peut-être un signe ? Annie Genevard était présente début septembre aux Terres de Jim, plus grand rassemblement agricole d'Europe, organisé cette année en Franche-Comté. Tout sourire, bottes aux pieds, entourée des pontes des syndicats agricoles. Le Premier ministre l'avait-elle déjà contacté ? Probable. Et même logique, dirions-nous, cette nomination venant consacrer une carrière politique entamée il y a 30 ans dans son Haut-Doubs natal.
Née en 1956 à Audincourt (Doubs), Annie Tharin (son nom de jeune fille), vit une enfance rythmée par la politique. On peut même dire qu'elle l'a dans le sang. "Dans ma famille maternelle, il y avait toute sortes de tendances, notamment très à gauche" confiait-elle il y a quelques années à France 3 Franche-Comté. "J'ai été baignée enfant dans ce mélange politique où on discutait, avec des débats assez vifs". C'est vers la droite républicaine qu'elle se tournera néanmoins, marchant dans les pas de sa mère, Irène.
La politique, au nom de la mère
Irène Tharin. Ce nom mérite que nous y revenions. Députée du Doubs et maire de Seloncourt, à une époque où les femmes étaient marginales dans le milieu politique, cette figure maternelle a façonné le parcours de sa fille, devenue Annie Genevard après son mariage en 1983. C'est dix années plus tard que la ministre de l'Agriculture, alors professeure de français, se lance pleinement dans la politique : élection au conseil municipal de la ville de Morteau, et adhésion au RPR (ancêtre des Républicains).
Les premières pierres d'une ascension consciencieuse. Dès 2002, Annie Genevard succède à Jean-Marie Binétruy pour devenir maire de Morteau. Et décide de baser sa politique sur un ancrage local fort, qu'elle revendique et travaille. D'où sa large réélection en 2008, avec 63 % des voix au premier tour, à la mairie de Morteau.
Petit à petit, Annie Genevard prend de l'ampleur et devient une personnalité politique nationale. Elle entre à l'Assemblée nationale en 2012, en succédant, encore, à Jean-Marie Binétruy. Fonction qu'elle ne quittera plus, étant élue sans discontinuer dans la 5e circonscription du Doubs en 2017, 2022 et 2024.
Une ascension chez Les Républicains et à l'Assemblée
Dans le même temps, elle gravit les échelons de son parti, le RPR, devenu ensuite l'UMP, puis LR. Secrétaire nationale de l'UMP à l'animation des fédérations en 2014, porte-parole en 2016, chargée de la partie "éducation" du programme du candidat François Fillon à la présidentielle de 2017, jusqu'à devenir "numéro 2" du parti en 2021, avec un poste de vice-présidente. Elle est également en première ligne pour gérer la "crise Eric Ciotti". Lorsqu'en juin dernier, ce dernier annonce une alliance LR-RN, Annie Genevard fait partie des cadres le désavouant. À la suite de cet épisode, elle est élue présidente par intérim des LR.
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Du galon, la députée du Doubs ne s'est pas contentée d'en prendre dans son propre parti politique. Dans l'Hémicycle, Genevard monte jusqu'au perchoir en devenant en 2017 première vice-présidente de l'Assemblée nationale. Conseillère politique de Valérie Pécresse en 2022, Annie Genevard parvient à organiser une visite de la candidate LR chez elle, dans le Doubs.
En 2021, Annie Genevard s'est positionnée contre les drapeaux étrangers lors de certains mariages civils et avait évoqué des "danses venues d'ailleurs". "Certaines familles, françaises ou non, d'origine étrangère, au moment des mariages, parfois dans la salle des mariages, dans l'hôtel de ville, sur la place de l'hôtel de ville, brandissent des drapeaux étrangers, ou manifestent par des danses, des spectacles, les traditions qui sont les leurs", avait-elle déclaré. En 2017, après l'élection d'Emmanuel Macron, elle s'était également positionnée contre un projet d'opposition "constructive" qui aiderait la majorité présidentielle pour voter certains projets de lois.
Sans faire de bruit et sans polémique, mais avec une force de travail saluée par ses pairs, tous bords politiques confondus, la Comtoise Annie Genevard coche aujourd'hui en entrant au gouvernement une des seules cases manquantes sur son CV politique. Et sur celui de sa mère.
Ministre en appartenant à la 4ᵉ force politique française
Elle aura profité, comme d'autres personnalités LR, d'une situation inédite sous la Vᵉ République, où le Premier ministre l'ayant choisie ne fait pas partie du groupe politique ayant remporté les dernières élections législatives. Loin de là, les Républicains n'étant que la 4ᵉ force politique dans l'Hémicycle.
La Doubiste aura su jouer avec cette situation, et saisir une chance qui ne se représentera sans doute pas dans sa carrière politique. Son quotidien s'inscrira maintenant dans la capitale, à traiter des questions agricoles. Saura-t-elle pacifier un domaine sous tension en France, entre colère des agriculteurs et régulation du loup ? Réponses dans les prochaines semaines.