Trouver une place d'hébergement d'urgence après avoir accouché, c'est le parcours du combattant pour de nombreuses mamans SDF en Seine-Saint-Denis. À Stains, un tiers des lits sont occupés par ses femmes sans solutions. Certaines patientes restent jusqu'à trois mois après leur accouchement dans les locaux.
À la clinique de l'Estrée, à Stains, Amina a la musique du 115 en tête. Elle en fait même parfois des cauchemars. Depuis son accouchement, la jeune femme appelle tous les jours le numéro pendant des heures pour trouver une place d'hébergement d'urgence, en vain.
Son fils a déjà un mois et demi et elle ne sait toujours pas où dormir à la sortie de la maternité : "Après l'accouchement, je me suis dit 'qu'est-ce que je vais devenir ? Qu'est-ce que je vais faire ?' Je me sentais mal à l'aise d'avoir un enfant alors que je n'avais pas encore d'endroit confortable pour l'accueillir. Je me demande parfois si je pourrais sortir d'ici un jour, avoir une vie meilleure, aller travailler, arriver à la maison, prendre mon bébé et le sentir chez moi".
L'épreuve du 115 et les interminables heures d'attente
Depuis un an et demi, dans cette clinique, un tiers des lits est régulièrement occupé par des femmes sans domicile fixe et souvent sans papiers. L'assistante sociale appuie leurs démarches mais elles prennent du temps. Une des patientes a mis trois mois avant de trouver un hébergement d'urgence car elle n'était pas considérée comme prioritaire par le 115.
Une situation loin d'être inhabituelle selon Théodora Delye, l'assistante sociale d'Amina : "Elle n'a pas de solution, elle n'a pas d'hébergement mais elle est ici et donc, elle n'est pas totalement dans la rue. Plus le bébé grandit, moins il est prioritaire parce qu'on va privilégier les bébés qui viennent de naître plutôt qu'un bébé qui a déjà trois mois".
La clinique de l'Estrée accueille toutes les femmes sans conditions de ressources. La structure a un accord avec l'hôpital de Saint-Denis. La maternité publique libère des places en envoyant à Stains les bébés prématurés et ses parturientes.
Un manque de suivi qui peut entraîner des tragédies
Sur les deux sites, une maman sur trois est SDF et leur suivi médical est complexe : "On a déjà eu des patientes en totale rupture de suivi qui, par manque de moyens, pensaient qu'elles ne pouvaient pas accéder aux échographies ou à une consultation. Ce sont des patientes qui arrivent et parfois, c'est déjà trop tard ou ce sont des patientes avec un bébé décédé dans leur ventre", alerte Anne-Sophie Biseux, sage-femme.
La précarité des mères serait l'un des facteurs majeurs de la précarité infantile. Selon l'INSEE, en juin 2023, le département de la Seine-Saint-Denis se distingue avec un taux de 5,4 enfants décédés sur mille. Un résultat plus d'un point au-dessus de la moyenne francilienne.