Plusieurs associations spécialisées dans l'addictologie ont déposé jeudi des recours pour faire annuler l'arrêté du préfet de police interdisant les regroupements de consommateurs de crack dans la capitale et en Seine-Saint-Denis, estimant que cela entrave leur travail.
Pour les associations d'aide aux toxicomanes, Oppelia, SAFE, Addictions France, Gaïa et Fédération addiction, cet arrêté interdisant le regroupement de consommateurs de crack, reconduit chaque mois depuis avril 2023, est "une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental à la protection de la santé et au droit à la vie". Elles ont déposé un recours en urgence et un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris.
Il s'agit d'"une tentative 'd'invisibilisation' (...) qui ne peut pas ne pas être mise en relation avec l'accueil prochain des Jeux olympiques", accusent ces associations dans le document transmis à la justice et dont l'AFP a obtenu une copie.
Des décès qui "auraient pu être évités"
Dans ce contexte, ces acteurs médico-sociaux constatent une dégradation de leurs conditions de travail, car ils ont de plus en plus de mal à avoir accès à la population ciblée en raison de leur dispersion.
Oppelia Charonne, la structure parisienne d'Oppelia, a relevé notamment quatre décès entre septembre et décembre 2023 qui "auraient peut-être pu être évités s'il y avait eu un meilleur accompagnement", a estimé son directeur Abdou N'Diaye.
On comprend bien le contexte, faire en sorte que Paris soit lisse et propre pour les Jeux olympiques, mais là on touche des choses qui méritent prudence.
Bernard Basset, président d'Addiction France
Le "nerf de la guerre" dans la lutte contre le crack, "c'est l'accès aux soins", a martelé Jean-Pierre Couteron, le président d'Oppelia. "On comprend bien le contexte, faire en sorte que Paris soit lisse et propre pour les Jeux olympiques, mais là on touche des choses qui méritent prudence", a jugé Bernard Basset, président d'Addiction France.
Une nouvelle réunion fin mars
Les responsables associatifs ont demandé plus de concertation avec les autorités, estimant que cette politique répressive à court terme n'était pas la solution. "La problématique du crack à Paris vient toucher énormément de facteurs. Il est nécessaire qu'on puisse avoir des espaces pour en discuter, pour en faire un projet commun, pour confronter les points de vue mais surtout pour trouver des solutions ensemble", a insisté Naïra Meliava, directrice générale d'Oppelia.
Associations, Ville de Paris, préfectures de police et de région Île-de-France, ainsi que l'agence régionale de santé se réunissent régulièrement sur le sujet. La prochaine réunion aura lieu le 22 mars. L'éradication du crack à Paris, un dérivé fumable et très addictif de la cocaïne, est l'une des priorités du préfet de police Laurent Nuñez depuis sa nomination en juillet 2022.