Comment va se passer le déconfinement à Paris et dans sa région ? Entretien avec Anne Hidalgo, maire de la capitale, qui craint un retour massif de la voiture dans la capitale. Elle n'envisage pas pour l'instant l'instauration d'un péage urbain.
Avec la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, beaucoup de Franciliens pourraient être tentés d'éviter les transports en commun et de prendre leur véhicule personnel. Une situation que veut éviter Anne Hidalgo qui rappelle que la pollution atmosphérique, générée par les véhicules thermiques, tue aussi de nombreuses personnes, particulièrement en Île-de-France. Tour d'horizon de ces questions avec la maire de Paris. Un entretien réalisé par Bertrand Lambert pour Parigo.
La voiture est considérée comme une bulle protectrice face au virus, cela ne va pas être simple de convaincre les Franciliens de la laisser au garage ?
Je comprends ce besoin de protection, cette anxiété qu'il peut y avoir de nombreux Franciliens de reprendre le métro, le RER, les transports en commun. Il faut qu'il y ait des messages très clairs sur les masques et le fait qu'Île-de-France Mobilités et les opérateurs de transports vont pouvoir aussi fournir des masques. Car il y aura une obligation pour tous ceux qui emprunteront les transports en commun.La voiture peut apparaître comme une bulle dans laquelle on est protégé. Le problème est que la voiture pollue, elle émet des particules. Nous savons qu'il y a un lien assez fort entre la pollution, notamment aux particules, et la propagation du coronavirus. Il y a eu beaucoup d'études scientifiques qui ont été faites sur ce sujet-là. Nous savons aussi que la pollution atmosphérique liée pour l'essentiel dans notre agglomération au trafic automobile génère une mortalité et beaucoup de maladies. La voiture n'est pas non plus une solution.
Une fois que l'on a dit cela, évidemment qu'il faut offrir des alternatives à tous ceux qui viennent de loin et qui doivent venir pour travailler dans Paris. C'est pourquoi j'ai souhaité que l'on puisse proposer des parkings relais gratuits à différentes portes de la capitale pour permettre à chacune et chacun de faire ce premier trajet. Une fois arrivé à Paris, il y a plusieurs possibilités dont les bus, le vélo. Le bus me paraît important. On a demandé à IDF Mobilités d'accroître la fréquence des bus. C'est un milieu moins confiné que le métro. Des alternatives en termes de pistes cyclables avec des continuités sur l'ensemble du réseau métropolitain pour permettre de se déplacer pas simplement à l'intérieur de Paris.
Nous savons qu'il y a un lien assez fort entre la pollution, notamment aux particules, et la propagation du coronavirus.
Imaginons que ces voitures affluent. Est-il envisageable d'instaurer un filtrage dans Paris ou vers l'A86, quelque chose qui ressemble à un péage urbain ?
S'il y avait une aggravation de la crise sanitaire par une augmentation de la pollution liée à un trafic non-contrôlé, il faudra bien sûr que l'on prenne des mesures supplémentaires. Les mesures alternatives dont j'ai parlé vont convaincre beaucoup de gens. Par exemple déjà à l'intérieur de Paris. Je pense que les Parisiens sont convaincus qu'il faut qu'ils optent pour d'autres modalités de déplacement que leur véhicule qu'ils n'utilisent que très peu.Pour ceux qui viennent de plus loin, il faudra évidemment que cette discussion puisse avoir lieu avec eux, avec l'autorité de la région Île-de-France, avec le préfet qui a en charge aussi ce déconfinement pour que l'on ne vienne pas aggraver la situation. Si la situation est trop critique, évidemment que je les solliciterai.
S'il y avait une aggravation de la crise sanitaire par une augmentation de la pollution liée à un trafic non-contrôlé, il faudra bien sûr que l'on prenne des mesures supplémentaires.
Est-ce que cette crise n'est pas l'occasion d'enfin lancer les contrôles automatiques des vignettes Crit'Air aux portes de Paris ?
Oui bien sûr, mais en même temps, dans la phase dans laquelle nous sommes. Les services publics, même s'ils reprennent, ils vont être quand-même encore au ralenti car nous avons une partie de nos agents qui sont soit en télétravail soit des personnes qui ont été touchées par le coronavirus et qui sont dans une situation fragile. Donc nous ne sommes pas encore dans une situation où tous les services publics qui pourraient intervenir pourront le faire.Je constate que ce qui était jusqu'alors un sujet qui pouvait être un sujet relativement polémique, tout d'un coup, est devenu très consensuel. Plus personne ne remet en question le fait que la pollution a un impact sur la santé, le fait qu'il faut aller très vite vers un modèle de déplacement différent. C'est le cas pour Paris et cela doit être le cas pour l'agglomération.
Pour passer à ce type de contrôle, et notamment au contrôle aussi à distance, il faut quand-même un certain nombre d'aménagements techniques.
Je constate que ce qui était jusqu'alors un sujet qui pouvait être un sujet relativement polémique, tout d'un coup, est devenu très consensuel.
La Fédération des motards en colère s'étonne qu'on ne parle jamais des deux-roues comme solution de déplacement après le confinement. Pour vous, est-ce qu'ils doivent être favorisés à partir du 11 mai ?
Pas du tout, je pense que les deux-roues motorisés, si ce sont des véhicules électriques ou partagés, oui cela peut-être une solution. Mais si c'est chacun sa moto thermique, ce n'est vraiment pas une solution. D'ailleurs on a vu la limite de l'usage qui a été, c'est vrai, un élément de repli d'un certain nombre d'automobilistes.Il faut aller vers des mobilités qui soient les moins polluantes possible, ce n'est pas le cas des deux-roues thermiques. Et des mobilités le plus partagés possible.
Vous avez annoncé 50 km de nouvelles pistes, mais si on les compare aux 1 000 km qui existes, ce n'est que 5% de plus finalement.
On peut faire mieux, toujours, c'est vrai. Mais on a fait beaucoup dans le mandat 2014-2020 puisque nous avons aujourd'hui 1 000 km de pistes cyclables à Paris, ce qui est bien. On va aller encore au-delà. Et des pistes bidirectionnelles avec des possibilités de traverser Paris Nord/Sud et Est/Ouest avec un réseau de pistes cyclables sécurisées de nouvelle génération. On a d'ailleurs vu à quel point c'était performant, y compris pendant les grèves de la SNCF et de la RATP.Avez-vous été freinée par la préfecture de police qui est parfois réticente à ce type d'aménagements ?
Il y a un certain nombre d'aménagement sur lesquels ils ont freinés ou émis des avis négatifs. Mais grosso modo, dès lors que l'on était sur une politique appuyée par le gouvernement, il y a plutôt eu un travail coopératif. Mais l'urbanisme tactique nécessite quand-même de changer des sens de circulation, d'installer des feux transitoires pour réguler les nouveaux déplacements.Une des options que l'on a sur un certain nombre de voies parisiennes, c'est de prendre la voie de bus, de la réserver aux vélos et de déporter sur la chaussée les bus avec des voies réservées mais qui vont prendre l'espace de la voiture individuelle. Ces 50 km, cela peut paraître peu au regard des 1 040 km déjà existants, mais faites dans un temps record, sur des voiries toujours complexes. Il y a aussi eu un travail avec nos voisins pour la continuité des voies.
Il y a aussi eu un travail avec nos voisins pour la continuité des voies.
Est-ce que les pistes cyclables temporaires seront amenées à durer ?
Peut-être. Je pense que dans une grande partie de ces aménagements, nous allons montrer que le vélo est réellement une alternative notamment sur les déplacements domicile-travail pour un très grand nombre de Franciliens.Je pense que pour un certain nombre d'aménagements qui vont être engagés, soit vont préfigurer des propositions comme la rue de Vaugirard pour le mandat qui suivra même si l'élection n'est pas terminée évidemment. Mais je pense qu'un certain nombre d'aménagements qui bien sûr, s'avèreront tellement pertinents que personne ne voudra revenir dessus. Ce sont des aménagements transitoires et nous demanderons l'avis et on prendra note de l'expérience de la ville. C'est évidemment une préfiguration de la ville de demain. C'est une ville dans laquelle il y a forcément moins de véhicules individuels et une mobilité plus partagée.