Derrière les graffitis "Câline-moi", un Parisien sort la nuit embrasser les arbres de la capitale

La nuit dans la capitale, Séverin sort en pyjama « câliner » les arbres, signant « après chaque rituel » avec des graffitis inscrits à la craie jaune autour des troncs. Si ce « câlinage » vert peut sembler insolite, ce Parisien décrit une « stratégie de survie ».

Si l’on tentait un bond dans le futur, peut-être les rues de Paris s’approcheraient du paysage triste, déshumanisé et ultra-pollué d’une dystopie de science-fiction comme Blade Runner. Par chance, il reste encore aujourd’hui encore un peu de verdure dans la capitale et Séverin, un « Parigot » comme il se présente, a décidé de les « câliner ».

« Je sors de chez moi, la nuit, en pyjama et avec un long manteau noir », raconte Séverin, qui préfère rester anonyme par souci de discrétion et non par « posture artistique ». Reste ensuite à embrasser le tronc : « Je me mets en position rectiligne, les pieds bien fixés au sol, et je l’enlace avec force. Il ne s’agit pas de juste le toucher, je le serre et je le ressens vraiment dans chacun de mes organes. »

Une centaine d’arbres « câlinés » en quelques mois

Depuis quelques mois, Séverin a embrassé « une centaine d’arbres », en commençant d’abord à proximité du périphérique. Depuis près de trois semaines et une dizaine de troncs enlacés, le « câlineur » a décidé de « signer après chaque rituel », non pas directement sur le bois, mais avec des graffitis « Câline-moi » inscrits à la craie jaune de façon circulaire au sol.
Si ce « câlinage » vert pourrait paraître insolite aux yeux de certains, Séverin explique que tout est parti d’un constat partagé d’après lui par de nombreux Parisiens : « La nuit, j’ai besoin de me détendre, tout simplement, et mon moyen à moi, c’est de câliner des arbres. Je travaille beaucoup en tant qu’employé, 45 heures par semaine, et je commence très tôt et finis très tard. »

« Quand je câline l’arbre, je reçois de la joie, de l’amour »

« A force de passer deux heures par jour dans les transports, et de ne même pas voir la lumière du jour au travail, j’ai ressenti un sentiment d’hostilité, poursuit-il. C’est une stratégie de survie, presque instinctive. Quand je câline l’arbre, je reçois de la joie, de l’amour, de la reconnaissance… Ça rafraîchit mon esprit, et je rentre me coucher. »
Derrière les graffitis jaunes, il décrit une « approche sensorielle » : « L’idée est d’inviter les autres habitants à, eux aussi, câliner un arbre et ainsi prendre conscience de leur environnement. Suggérer plus qu’inviter, d’ailleurs : je veux créer des interactions, des connexions entre mes voisins. »

« Une dame m’a dit une fois d’"aller faire ça en forêt" »

« Avec les effets d’Internet sur notre société, la gentrification qui transforme peu à peu les quartiers en musées », entre autres, le « câlineur » déplore l’ambiance qui règne selon lui à Paris ces dernières années : « Je constate beaucoup moins de discussions entre les gens, dans les cafés par exemple. Adresser la parole à quelqu’un semble presque suspect aujourd’hui. C’est peut-être le sens naturel des choses après tous, mais je me sens un peu décalé et je ne pense pas être le seul. »
En attendant que son message prenne racine, Séverin veut simplement continuer sa « démarche nocturne » : « J’aimerais bien faire ça aussi en journée, mais j’ai peur que des remarques me dérangent. J’ai déjà tenté, et une dame m’a dit une fois d’"aller faire ça en forêt", ça m’a bloqué. » Des Parisiens ont en tout cas déjà commencé à photographier ses graffitis (ici, ici ou encore ) : « Si ça peut susciter l’envie chez eux de câliner l’arbre, tant mieux ».
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