Trois projets phares marquent ses années parisiennes : en 1962 à Saint-Germain-des-Prés, en 1985 avec l'emballage du Pont-Neuf et en 2021, avec le projet posthume de l'Arc de Triomphe. La capitale a accueilli les grands moments de la carrière de Christo.
Les premières œuvres de Christo dans la ville sont des structures temporaires, des colonnes ou des accumulations de barils. Des créations réalisées en grande partie dans l’atelier de l’artiste à Gentilly, dans le Val-de-Marne. " Je trouvais que les barils de pétrole ressemblaient déjà à des sculptures", expliquait-il, " Les taches d’huile, les couleurs délavées, la rouille, les bosses – Je les trouvais fascinantes, très belles, car elles faisaient “vraies”."
Avec le "Rideau de fer" installé à Saint-Germain, l'artiste débute son histoire parisienne. A cette époque, en réaction à l’édification du Mur de Berlin en 1961, Christo et sa femme Jeanne-Claude imaginent de barrer une des rues les plus étroites du centre de Paris avec un mur constitué de 89 barils. Érigé dans la nuit du 27 juin 1962, le Mur provisoire de tonneaux métalliques – Le Rideau de fer, rue Visconti à Paris constitue la première intervention de l'artiste dans l’espace public parisien.
A l’automne 1961, Christo envisage d’empaqueter un édifice public parisien
Dès 1961, Christo et Jeanne-Claude ont pour projet d’empaqueter un bâtiment public de la ville (salle de concert, salle de conférence, prison, parlement...). Le projet "de draper" l’École militaire avait été évoqué puis ensuite abandonné et c'est seulement en 1985, une vingtaine d'années plus tard, que l'empaquetage du Pont-Neuf sera réalisé.
"Empaqueter": ce terme, il le préférait à "emballer". Il évoquait mieux à ses yeux la société de consommation qu'il dénonçait. "Christo adore le travail de conviction : il aime apostropher les gens, ferrailler au propre comme au figuré. A la limite parfois, on se dit qu'il est un peu déçu quand il a l'impression que les choses se passent un peu facilement", commentait en mars dernier Serge Lasvignes, le président du Centre Georges-Pompidou.
Américain d'origine bulgare, l'homme revendiquait son engagement politique. "De par ses origines, il avait une très forte conscience politique. C'était important pour lui de faire une intervention dans l'espace public", explique Sophie Duplaix, commissaire de l'exposition "L'arc de Triomphe empaqueté" qui débute ce mercredi au Centre Pompidou.
Christo et Jeanne-Claude
"Cette exposition s'appelle Christo et Jeanne-Claude, les deux noms doivent rester indissociables", souligne Sophie Duplaix, commissaire de l'exposition, qui évoque un duo "très amoureux". "Ils semblaient ne faire qu'un", Jeanne-Claude jouant un rôle de premier plan pour la communication et la mise en œuvre des projets artistiques.Christo et Jeanne-Claude vivent à Paris entre 1958 et 1964. Christo avait fuit la Bulgarie communiste pour se rendre à Prague en 1956. Il parvient à s’échapper du bloc soviétique en 1957 en passant dans un premier temps par Vienne, puis par Genève, pour finalement s’établir en mars 1958 à Paris, où il rencontre Jeanne-Claude à l’âge de 23 ans. Malgré sa formation classique à l’Académie des Beaux-Arts de Sofia, il travaille la surface, les textures, l’empaquetage d’objets durant ces années parisiennes. Par la suite, il commence avec Jeanne-Claude à développer les projets temporaires monumentaux pour lesquels ils sont désormais célèbres.
1985 : Le Pont-Neuf "empaqueté"
1985, restera une année particulière pour Christo. Vingt ans après son premier coup d'éclat de la rue de Sévigné. L'artiste installe 40 000 m2 de tissu, des kilomètres de cordes. Des plongeurs, des cordistes, toutes sortes de métiers sont à la manœuvre sous l'œil médusé des Parisiens. Christo mène a bien ce projet monumental. En septembre 1985, le Pont-Neuf apparaît aux yeux des visiteurs totalement drapé dans une toile grège. Pendant 15 jours, la foule va arpenter le pont transfiguré.
Le projet, explique Sophie Duplaix, "commence dès 1975 et va se décliner avec toutes les tractations menées avec les politiques". Le maire de Paris à partir de 1977, Jacques Chirac, était "favorable à l'idée" mais "extrêmement réservé par rapport à son électorat". Jeanne-Claude saura jouer de ses entrées dans les milieux gaullistes.
Des oeuvres éphémères
Comme toutes les œuvres temporaires de Christo et Jeanne-Claude, poursuit Sophie Duplaix, "le Pont-Neuf empaqueté a été présenté pendant une durée très brève" du 22 septembre au 6 octobre 1985. Cette réalisation a nécessité un dispositif technique et humain colossal, sans compter les dix années de négociation auprès des politiques et des riverains.
2021 : L'Arc de Triomphe "empaqueté"
Décédé le 31 mai dernier, Christo se disait "impatient de travailler à nouveau à Paris, trente-cinq ans après que Jeanne-Claude et moi-même avons emballé le Pont-Neuf", raconte Sophie Duplaix. Ils souhaitaient la poursuite de leur projet après leur disparition. Ce sera chose faite à l'automne 2021.Un projet qui leur tenait à cœur. Déjà en 1962, Christo projettait d’empaqueter l’Arc de Triomphe sur la place de l’Étoile. En 2021, 25 000 mètres carrés de tissu recyclable en polypropylène argent bleuté et 7 000 mètres de corde rouge seront installés. Ce projet monumental, verra finalement le jour soixante ans après sa conception.
L’Arc de Triomphe empaqueté (Projet pour Paris, place de l’Étoile-Charles de Gaulle) sera visible pendant 16 jours, du samedi 18 septembre au dimanche 3 octobre 2021. Comme tous les projets artistiques de Christo et Jeanne-Claude, l’Arc de Triomphe empaqueté sera entièrement autofinancé grâce à la vente des études, dessins, collages de l'artiste. Il ne bénéficiera d’aucun financement public ou privé, rappelle le Centre Pompidou.
"Tous nos projets temporaires ont un caractère nomade, transitoire, ils sont en perpétuel mouvement", avait expliqué Christo, "Ces œuvres ne sont visibles qu’une fois dans une vie mais restent gravées dans les mémoires. Cet aspect est essentiel dans notre démarche et rappelle un principe résolument humain : rien ne dure éternellement et c’est là toute la beauté de la vie".