Encore actifs ou retraités : ces centenaires qui souhaitent garder leur autonomie

En 2023, 30 000 Français ont 100 ans ou plus, soit trois fois plus qu'en 1970. Un chiffre en constante augmentation qui soulève différentes problématiques comme l'accès aux soins, le maintien à domicile ou encore la fracture numérique. Rencontre avec quatre centenaires franciliens qui comptent rester autonomes le plus longtemps possible.

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Christian Chenay est un senior pour le moins atypique. Pour lui, pas de débat sur l'âge de départ à la retraite car à presque 102 ans, ce Val-de-Marnais continue d'exercer en tant que médecin. Une décision prise au moment de son départ officiel à la retraite, comme il le raconte : "Lorsque j'ai eu 65 ans, j'ai décidé de continuer mon activité de médecin généraliste car il n'y avait pas assez de médecins à Chevilly-Larue, c'était devenu un désert médical".

Aujourd'hui, Christian Chenay reçoit ses patients quelques heures par jour dans son cabinet, même s'il confie privilégier les téléconsultations. "Je sers un peu de bouche-trous à Doctolib", s'amuse le centenaire.

"Quand on vieillit, il faut garder une activité physique et intellectuelle"

Pour le plus vieux médecin de France, son activité professionnelle a contribué à sa bonne santé. "Quand on vieillit, il faut garder une activité physique et intellectuelle, ce qui protège de la perte de cognition. Si je n'avais pas continué à exercer, je me serais investi davantage dans l'une de mes passions", témoigne le docteur Chenay. "J'ai de la chance d'être encore en bonne santé, c'est pourquoi j'arrêterai d'exercer le jour où la mémoire flanchera", poursuit-il.

En France, la population est vieillissante. Selon l'INSEE, d'ici 2040, plus d'un quart des Français auront 65 ans ou plus. Pour Christian Chenay, ces chiffres invitent à penser ou repenser la place des seniors dans notre société. "Quand on voit qu'il manque des personnes dans tous les secteurs, il faudrait pouvoir 'utiliser' les personnes âgées. Je pense notamment dans des activités de bénévolat", explique cet ancien radiologue qui accepte son âge avec philosophie : "C'est assez passionnant d'avoir une longue carrière comme la mienne car j'ai la chance d'avoir suivi des vies entières".

La perte d'autonomie, une étape difficile de la vieillesse

À 100 ans et demi, Anne Galey, elle, n'est pas de cet avis : "J'ai horreur qu'on me dise que c'est un bel âge". Érudite et au caractère bien trempé, cette Parisienne de toujours n'aime pas son âge, au point d'avoir refusé une distinction proposée par la Ville de Paris à tous les centenaires. "Je n'ai rien d'une vedette, si j'ai cet âge-là, ce n'est pas de ma faute, c'est venu comme ça. Mais maintenant c'est trop, ce n'est pas un cadeau", confie-t-elle. Très attachée à son indépendance, Anne Galey a le sentiment d'être devenue une charge pour son entourage : "C'est difficile de vieillir car on perd ses capacités petit à petit et on a tout le temps besoin de quelqu'un."

Pour celle, qui, à 24 ans, parcourait toute seule l'Amérique latine, il était impensable de quitter son domicile du XIe arrondissement, même après avoir fait une mauvaise chute il y a trois mois. "Je connais des gens qui sont dans des EPHAD et qui y sont très heureux, mais personnellement je n'aurai pas voulu. J'aime beaucoup la solitude et garder mon autonomie était essentiel, même après mon retour de l'hôpital", insiste-t-elle. Depuis peu, la centenaire est donc accompagnée au quotidien, du lever au coucher, par Nadia Benzaourou, auxiliaire de vie Ouihelp.

En plus de ses nombreuses lectures, Anne Galey pratique une activité sportive : "Je fais du yoga depuis 40 ans, et je continue encore aujourd'hui. C'est très important, il faut bouger tout le temps. Et le yoga me permet de bouger sans vraiment bouger."

L'une des grandes difficultés des seniors aujourd'hui concerne l'accès aux soins. Si Anne Galey confie ne pas rencontrer de difficultés particulières à Paris, ce n'est pas le cas de tous les seniors franciliens.

Allier aide, autonomie et amis

A Domont, dans le Val-d'Oise, Jeannine Leboulk souffle ce 4 mai sa 100e bougie. Accompagnée de sa fille Marie-Claude lors de cette journée spéciale, elle affirme vivre un véritable parcours du combattant lorsqu'il s'agit de se soigner. "C'est une catastrophe, tous les médecins sont partis à la retraite, et pendant des mois je n'ai trouvé personne pour soigner maman", confie sa fille.

Si la situation a finalement réussi à se résoudre, ce n'est pas sans compter sur Jeannine Leboulk elle-même : "Savez-vous que j'ai un super-pouvoir ? Je sais arrêter le feu". Avec ce don de coupeur de feu qu'elle a découvert à 70 ans, elle a pu se soigner après une brûlure à l'épaule.

Née à Paris et élevée en Auvergne jusqu'à ses sept ans par une nourrice, cette ancienne employée de banque est aujourd'hui encore hantée par des souvenirs de guerre. "J'ai deux souvenirs marquants. Je me souviens d'une fois où un Allemand m'a fait monter tout un étage avec sa mitraillette dirigée vers moi. Mais je me souviens surtout d'être allée nager quelques fois à la piscine de Drancy, et d'avoir vu des Juifs, les avoir entendus crier…", raconte-t-elle, encore émue par ce souvenir.

Depuis six ans, elle vit dans cette résidence autonome, ce qui lui permet d'allier autonomie et sociabilité. "Je ne serai pas restée seule car j'aime avoir du contact avec les gens, car j'ai encore toute ma tête !", s'amuse cette grand-mère hyperconnectée. Depuis son smartphone ou son ordinateur, elle reste en contact avec ses trois filles et ses petits-enfants : "Je pense que ça m'aide beaucoup à bien vieillir de pouvoir avoir ces contacts réguliers".

Trois étages plus bas, réside l'un de ses amis de la résidence autonome, le père Thomas. Il a vécu à Paris de sa naissance en 1922, jusqu'à ses 17 ans et son entrée au séminaire. Très engagé auprès des personnes handicapées, le père Thomas a effectué de nombreux voyages.

À 100 ans, il apprécie son grand âge : "J'ai des amitiés en haut et en bas. Et toutes ces amitiés me soutiennent et m'aident à vivre très heureusement". Aujourd'hui, la foi, la lecture et la marche occupent une place importante dans le quotidien du père Thomas, ce qui l'aide selon lui à bien vieillir. "Il m'est devenu difficile de marcher, mais c'est normal à mon âge ! Je ne peux plus gambader comme lorsque j'étais scout", s'amuse l'aumônier, qui continue d'officier tous les mois à la résidence Hélène Moutet.

Alors que le nombre de personnes atteignant les 100 ans ou plus devrait continuer à augmenter, selon les scénarios de l'INSEE, l'autonomie et le bien vieillir des centenaires sont encore peu abordés par les autorités. Ainsi, 6% des femmes et 2% des hommes nés en 1940 devraient atteindre les 100 ans dans les prochaines années. Pour les personnes nées en 1970, le chiffre pourrait, un jour, atteindre les 20%.

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