Demandée dans le volet civil de l'affaire, une expertise sur les canalisations de gaz qui ont explosé en janvier 2019 vient d'être rendue. Ses conclusions mettent en cause pour la première fois l'état du tuyau. Les victimes réclament toujours la vérité sur ce drame.
Ce nouvel élément pourrait rebattre les cartes de la responsabilité dans l'affaire de la rue de Trévise. Une longue expertise menée par un spécialiste de la rupture mécanique révèle que l'affaissement du sous-sol et la fuite d'eaux usées du 6, rue de Trévise, scénario privilégié jusque-là, ne seraient pas les seuls facteurs à avoir mené à la terrible explosion.
Les conclusions de ce rapport, que France 3 Île-de-France a pu consulter, confirmant une information du Parisien, indiquent que "le tube a, en fait, subi une corrosion avancée qui a conduit à générer des entailles significatives dont la profondeur atteint parfois un tiers de l’épaisseur du tube, voire plus". Comprendre : il était fragilisé.
L'expertise a été commandée par l'assureur du syndicat de copropriété qui gérait l'immeuble dans le volet civil de l'affaire. GRDF, chargé de l'entretien de cette infrastructure de gaz, se trouve désormais dans le viseur. Au pénal, la Mairie de Paris et le syndic Cipa sont déjà mis en examen. La première pour ne pas avoir suffisamment surveillé l'affaissement des sous-sols, le second pour avoir tardé à réparer la fuite d'eaux usées. Car dans ce volet, une autre expertise a établi que la canalisation s'était brisée sous son propre poids, après un affaissement provoqué par l'infiltration d'eau.
Les victimes craignent le non-lieu
"Nous espérons vraiment que la juge d'instruction (au pénal) prendra en compte ce nouvel élément révélé par les experts du civil", explique Linda Zaourar, qui préside l'une des associations de victimes. Elle est pourtant consciente qu'une nouvelle mise en examen risquerait de générer de nouvelles contre-expertises et de retarder le procès. "Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur une telle révélation. Ce que nous voulons c'est une date de procès le plus vite possible mais surtout, notre crainte principale, c'est le non-lieu. N'importe quel élément du dossier qui viendra l'étayer est le bienvenu." Linda Zaouar assure que les ex-résidents veulent aller le plus loin possible afin de lever tous les doutes. Ce 12 janvier 2019, 4 personnes ont perdu la vie, 66 ont été blessées, et plus de 400 riverains ont été sinistrés.
D'autant que quatre ans après, la situation s'enlise. D'après Linda Zaouar, présidente de Vret (association Victimes et Rescapés de l'Explosion de gaz rue de Trévise), sur les 20 millions d'euros débloqués par l'accord-cadre d'indemnisation des victimes, seuls 2 millions ont été distribués. Les trois immeubles sont toujours interdits d'accès. Des personnes blessées rencontrent toujours des difficultés à faire reconnaître leurs médecins-conseils et à se faire rembourser des frais médicaux. Des habitants, qui vivent en dehors de leurs logements inaccessibles, peinent à payer leurs traites sans dédommagements de leurs loyers... Bref, le processus, géré par plusieurs assurances, est long et laborieux.
Contactée, l'entreprise GRDF gestionnaire du réseau de gaz et filiale d'Engie, n'a pas souhaité réagir précisant que l'enquête était toujours en cours.