Alors qu’un immeuble situé dans le quartier du Val-de-Grâce s’est effondré mercredi suite à une explosion, le sinistre rappelle le souvenir d’un autre drame : celui de la rue de Trévise, en janvier 2019. Des victimes continuent d'appeler à "tirer les leçons" de la catastrophe.
La forte explosion qui a détruit mercredi la façade d’un immeuble de la rue Saint-Jacques, dans le 5e arrondissement, a fait ressurgir le douloureux souvenir de la rue de Trévise. "J'entends les cris, la panique et la douleur. Je remonte quatre ans quand moi aussi j'étais parmi les blessés graves dans l'explosion de gaz de la rue de Trévise et je ne voulais pas mourir", a confié Angela Grignano, une victime du drame survenu dans le 9e arrondissement, dans un tweet publié mercredi, deux heures et demie après la détonation rue Saint-Jacques.
Le 12 janvier 2019, un immeuble de la rue de Trévise est soufflé par une explosion provoquée par une fuite de gaz. Bilan : quatre décès, dont deux pompiers, 66 blessés, et 400 sinistrés. "Je prie pour les blessés de l'explosion d'aujourd'hui et j'espère qu'il n'y aura pas de morts", ajoute Angela Grignano dans son message.
"Combien d’explosion encore pour prendre conscience que les équipements (...) ne sont pas suffisamment sécurisés ?"
Suite au sinistre qui s’est déclaré mercredi, le Vret, l'association des Victimes et rescapés de l'explosion de la rue de Trévise, souligne le nouveau "choc" pour les personnes concernées. "Combien d’explosion encore pour prendre conscience que les équipements et installations au gaz ne sont pas suffisamment sécurisés ?", réagit l’association sur Twitter, en appelant à "légiférer" sur la question.
D’après un premier rapport d’expertise datant de décembre 2019, un affaissement du sol, sous le trottoir devant le porche du 6 rue de Trévise, a entraîné la rupture d'une canalisation de gaz, et une accumulation de gaz naturel à l'origine de l'explosion. Ce premier rapport pointe du doigt des "manquements" du service de voirie de la mairie de Paris, concernant la réfection du trottoir, et n’incrimine pas GRDF, le distributeur de gaz.
En mai 2020, le rapport définitif des experts relève de nouveau un "défaut de vigilance" de la mairie. Le syndic de copropriété du bâtiment, qui aurait tardé à réparer la fuite d'un collecteur d'eaux usées (qui aurait joué un rôle dans l'affaissement du sol), est également mis en cause. La mairie et le syndic de copropriété ont ensuite été mis en examen pour homicides et blessures involontaires et destruction, dégradation ou détérioration par l'effet d'une explosion ou d'un incendie.
Mais l'enquête a depuis été relancée. Alors que la Ville de Paris a obtenu une contre-expertise sur les origines du sinistre, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a décidé de recourir à un collège d'experts plus spécialisés. Cette contre-expertise doit d'ailleurs être remise le 30 juin prochain.
"Comment tirer des leçons de l’explosion rue de Trévise ?"
Du côté des victimes, ces derniers se battent depuis quatre ans avec les assurances pour tenter d’obtenir une indemnisation. En janvier 2022, Anne Hidalgo - accusée par des victimes d’avoir fait traîner le dossier - a fait adopter un accord-cadre qui permet cette indemnisation avant l'issue judiciaire. En novembre 2021, le Conseil de Paris a voté le provisionnement de 20 millions d'euros pour le fonds d'indemnisation.
Mais selon Dominique Paris, présidente de l'association Trévise Ensemble, "le gestionnaire et les assureurs font tellement tout pour ne pas payer que fin mai 2023, pas même un million d'euros a été versé". "On ne sait pas quand on rentrera", a-t-elle expliqué à l’AFP mercredi soir, alors que la réhabilitation des trois immeubles concernés par le sinistre continue.
Quant au Vret, l’association appelle à "tirer des leçons de l’explosion rue de Trévise". "Quatre ans après, les victimes (font) face aux assureurs qui ne veulent toujours pas reconnaître les préjudices et indemniser", déplore l’association, qui invite à "mettre l’humain au cœur de la prise en charge", "dans la durée".
Linda Zaourar, rescapée et présidente du Vret, appelle par ailleurs à ne "pas minimiser le suivi psychologique dans ce genre de cas", dans un entretien à franceinfo. Elle souligne aussi l’importance du relogement.
"Des lits de camp ont été installés dans la mairie du 5e arrondissement, pour les victimes qui n'ont pas pu rentrer chez elles. Mais je pense qu'une chambre d'hôtel n'aurait pas coûté grand-chose à la mairie de Paris. Faire dormir les victimes, qui sont déjà souvent en état de choc sur des lits de camp dans la mairie, moi, ça me choque… On n'a pas eu des lits de camp pour les victimes de la rue de Trévise, mais si vous voulez, ce sont des attentions particulières qui font qu'à un moment, si on met l'humain au cœur, on arrive forcément à mieux soigner les blessures", indique-t-elle.
Pour ce qui est de l’explosion rue Saint-Jacques, qui a fait une cinquantaine de victimes au total dont six blessés graves, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité". "Une aide juridique et psychologique" est proposée aux personnes sinistrées, indique la mairie de Paris. "En outre, 40 personnes ont pu être prises en charge par la cellule d'urgence médico-psychologique de la Ville de Paris, qui maintient ce dispositif d'aide", ajoute la mairie.