Alors qu’une forte concentration de virus a été repérée dans les eaux usées de Paris au pic de l’épidémie, la CGT s’inquiète d’un risque potentiel d’infection et demande une "protection oculaire supplémentaire" pour les agents qui descendent dans les conduits.
Pendant le pic de l’épidémie de coronavirus, une "forte concentration de SARS-CoV-2" a été constatée dans les eaux d'égouts en amont des stations d’épuration, selon le bilan des dernières analyses menées par Eau de Paris. L’étude, que France 3 Paris Île-de-France s’est procurée, concerne les eaux usées et non pas le réseau d’eau potable ou le réseau d’eau non-potable utilisée pour nettoyer les rues de la capitale. Au-delà de simples traces, le document révèle la présence de particules virales intègres et donc "potentiellement infectieuses", avec une concentration du virus à plus de 106 unités de génome par litre le 11 avril dernier.
S’il n’y a pas eu à ce stade de cas de transmission, la présence du virus dans les selles humaines de personnes infectées a été démontrée et des chercheurs d’Eau de Paris ont même réussi par ailleurs à corréler les traces laissées par les malades dans les eaux usées et l'évolution de l'épidémie. Mais dans les conduits d’égouts, quel risque représente la présence du virus pour les égoutiers ?"Il y a un vrai doute sérieux concernant l’infectiosité", s’inquiète Julien Devaux, membre de la direction de la CGT FTDNEEA (Filière Traitement des Déchets Nettoiement Eau Egouts Assainissement). Un danger potentiel supplémentaire pour les agents, qui "sont déjà exposés à un milieu biologique très important" et qui "sont confrontés à des activités dures physiquement" en temps normal, comme l’explique le syndicaliste. L’espérance de vie des égoutiers est en effet de 17 ans inférieure par rapport à la population, selon un rapport de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) publié en 2016.Il y a un vrai doute sérieux concernant l’infectiosité
Un équipement suffisant face au coronavirus ?
Depuis le 16 mars, un effectif global de 34 personnes environ a été mobilisé au cours du confinement, selon Olivier Fraisseix, directeur de la propreté et de l’eau de la Ville de Paris. "D’habitude, il y a parfois 300, 400 agents mobilisables selon les jours, explique-t-il. On a directement mis en place un plan de continuité. Et on a drastiquement réduit nos activités aux tâches essentielles, donc la quasi-totalité des interventions ont été stoppées et les descentes en égouts n’ont été retenues que si la situation était urgente. Aujourd’hui, le plan de reprise d’activité est en cours, et les agents ne redescendent pas encore massivement." Julien Devaux confirme qu’"une bonne partie des effectifs sont restés confinés". "Mais des agents ont continué à descendre, précise-t-il. Une urgence, ça peut être une cave inondée, mais aussi aller chercher des clés perdues dans une plaque d’égout. Parce que les gens ont besoin de rentrer chez eux, d’autant plus avec le contexte de confinement."Olivier Fraisseix, qui reconnaît que "l’équipement n’a pas changé" avec la crise sanitaire, estime que "Covid ou pas, les égouts restent un milieu d’hyper-vigilance et les interventions exigent de toute façon une protection absolue". "C’est un métier compliqué, admet-il. Mais de tout temps, les égouts transportent tout un tas de cochonneries. Donc les agents doivent être équipés de la tête aux pieds avant de descendre, compte tenu du danger. Ils marchent beaucoup, il fait chaud et sombre… Mais en général le job ne consiste pas à nager. Il y a certes des contacts avec l’eau mais beaucoup de tâches sont effectuées complètement au sec. On compte une chute d’agent par an."Covid ou pas, les interventions exigent de toute façon une protection absolue
Une nouvelle étude lancée
D’après le directeur de la propreté et de l’eau de la Ville de Paris, "l’équipement a été largement renforcé depuis une dizaine d’année" : "Le masque avec le filtre, les lunettes intégrées… Il n’y avait pas tout ça avant. On est à l’affut de toutes les nouvelles technologies qui peuvent permettre le maximum de protection, sans trop contraindre les déplacements." Du côté des syndicats, Julien Devaux reconnaît une "vraie prise en compte" la dernière décennie mais regrette de "ne plus être entendu" avec "un revirement de politique depuis un ou deux ans". Surtout, la CGT réclame une "protection oculaire supplémentaire" pour couvrir complètement les yeux : "On sait, avec la pandémie, que ça peut être une voie de contamination possible. Notre demande n’est pas extraordinaire." Olivier Fraisseix indique que des nouvelles lunettes de protection "qui collent aux yeux" ont été commandées. Et d'ajouter : "Notre grande difficulté, c’est que certains agents ne mettent pas toujours la totalité de l’équipement à disposition."Une nouvelle étude a en tout cas été lancée pour étudier les risques liés à la présence du virus. "Il s’agit d’une grande enquête épidémiologique dans la durée avec notre partenaire Eau de Paris, et l’Anses", détaille Olivier Fraisseix, qui évoque une possible participation de l’Institut Pasteur. "Les prélèvements sont effectués par les égoutiers pour le laboratoire d’Eau de Paris, indique Julien Devaux. Différents points du réseau sont concernés, notamment sous les hôpitaux et les Ehpad." Il espère que les recherches permettront de "savoir précisément si les personnes qui évoluent dans les égouts sont en danger".