Amandine jihadiste par manque d'amour

Au dernier jour de son procès, la « revenante » Amandine L. a été interrogée sur les raisons de sa conversion et surtout de son départ vers la Syrie pour rejoindre le groupe Etat Islamique. Sa personnalité fragile témoigne de ces « proies » faciles utilisées par les recruteurs de l’organisation terroriste. Elle a été condamnée à 10 ans de réclusion criminelle.

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Amandine L. l’influençable.

Gothique, bimbo puis voilée.

Ses cheveux longs encadrent son visage. Aujourd’hui, Amandine L. parle. Enfin difficilement, les propos souvent entrecoupés de larmes. Et ses réponses sont parfois déconcertantes dans la bouche d’une femme de 32 ans.

  • Pourquoi s’être convertie à l’islam ?

Amandine L. explique : « J’ai eu une mauvaise expérience en prenant de la drogue. J’ai cru que j’allais mourir. Je me considérais comme un miracle de Dieu ». Lorsqu’elle se convertit en 2013, elle se voile aussitôt relève l’expert psychiatre pour qui « c’est une façon de trouver une structuration qui lui faisait défaut », et poursuit : « elle a eu un look gothique, bimbo puis de femme voilée, cela n’a pas plus de consistance que cela ». « A travers ma conversion, je voulais me mettre dans un bon comportement », avance Amandine L.

  • Pourquoi Partir en Syrie ?

« Je vadrouillais à droite, à gauche », dit l’accusée

« quand j’ai vu cette vidéo où les gens de Daesh s’enlaçaient, j’ai trouvé cela beau sans penser que c’était des terroristes »

Elle se cherche une famille de substitution. Pour les psychiatres qui l’ont entendue à plusieurs reprises, Amandine L. est objectivement naïve et influençable : « Quand elle voit des hommes s’enlacer à l’issue d’une fête, cela suffit pour elle pour penser qu’elle va vivre un islam dans la convivialité et le partage ».

Recherche de look. Recherche d’affection. Recherche de mari.

Elle se cherche un mari pour quitter ses parents puis un mari pour partir en Syrie. Abou Merguez, le jihadiste rencontré sur les réseaux sociaux lui décrit la Syrie comme un « paradis ». Elle décide de partir. Debout, les mains croisées devant elle, elle raconte comment et pourquoi, en un mois, elle décide de se marier avec Yacine Rettoun, rencontré sur internet. « Il m’a dit, tu vas vivre le rêve, avoir de l’argent et j’y ai cru malheureusement », ajoute t’elle. « C’est son statut de combattant qui vous a attiré ? », questionne le président. « Non. Sa beauté. Il était beau, je voyais que ça jusqu’au jour où il a levé sa main sur moi ».

Les contrastes de l'accusée. 

A Raqqah, Amandine L. voit les executions, a l’interdiction de sortir sans son mari. Mais elle n’a pas d’argent. Enfin si, le salaire versé par le groupe Etat Islamique à leurs membres : 50 dollars mensuels pour elle et son mari, 25 dollars par enfant. Elle a besoin de cet argent.

Daesh fournit le gîte. Des logements volés aux Syriens. Elle murmure : « j’ai honte ». Son mari lui donne une Kalachnikov en dot. Elle s’entraine à tirer par « obligation », assure t’elle.

« Un jour, je voulais partir, un jour je voulais rester »

L’accusation insiste sur son refus de quitter la Syrie et le groupe EI malgré les nombreuses opportunités qu’elle a eues.

Son souhait de revenir en France à plusieurs reprises est établi dans le dossier confirme le président. Mais faut-il y voir un désengagement ou une nécessité face aux bombardements croissants subis par Daesh ? « Un coup je voulais partir, un coup rester, j’étais une personne instable (…) Si je ne pars pas de suite, c’est que je ne voulais pas être mécréante ».

« Est-ce de l’opportunisme ? », demande le président à l’experte psychiatre. « Même pas, elle a besoin d’attention, quelqu’un qu’elle trouve beau, c’est une question de contingences, pas plus de réflexion ». Amandine L. : « le psychiatre a raison. Je m’attache à une image. Le physique est primordial pour moi ». Son avocate Maître Marie Dosé lui demande : « malgré les coups de votre premier mari, malgré le fait que vous étiez violée par le second, vous restez ? ». « J’avais besoin d’amour », elle marque un silence et reprend : « Le QPR (quartier de prise en charge de la radicalisation, ndlr) m’a appris à réfléchir. Je sais que ce que j’ai fait est mal, que ce schéma est dangereux, destructeur, aujourd’hui je suis dans la voie de la guérison, pas encore guérie... » et éclate en sanglots.

Amandine susurre à son avocate. Sur ses lèvres, on peut décrypter « je n’y arriverai pas ».

Au fil de l’interrogatoire, le président de la cour d’assises spécialement composée et ses assesseurs montrent quelques signes d’agacements en levant les bras : « vous n’aimez pas votre second mari, vous avez des rapports sexuels non consentis avec lui, dites-vous, mais sur les photos envoyées à votre famille, vous semblez épanouie «, silence. Amandine L. acquiesce de la tête « je ne peux pas l’expliquer, j’étais dans la haine, j’étais radicalisée ».

Haine. Radicalisée. Mécréante. Trois mots qui reviennent comme un refrain pendant ces deux jours de procès.

 Membre à part entière de Daesh

Pour le Parquet National Anti-Terroriste, Amandine L.  n’est pas qu’une femme victime de violences conjugales ou influençable. En profitant de l’organisation du groupe Etat Islamique, elle en était membre à part entière.

Pour subvenir à ses besoins, elle perçoit un salaire de Daesh.

Lorsqu’elle est blessée lors d’un bombardement et qu’elle accouche, la structure de santé EI la prend en charge.

Elle a également recours aux réseaux de collecteurs de fonds de l’organisation terroriste, au même titre que les autres jihadistes, afin de percevoir les fonds envoyés par ses parents.

Sur des clichés envoyés à ses parents, elle apparait entièrement voilée portant une arme longue ainsi qu’une arme automatique.

Considérée comme une veuve martyr, elle bénéficie d’une prise en charge financière « en qualité de membre de Daesh et veuve d’un martyr, Amandine L. percevait une allocation de l’état islamique », une somme mensuelle de 37,5 dollars précise l’avocat général « Elle a une Kunya (nom de guerre d’un jihadiste), un numéro de matricule. 

« Oui j’ai voulu me faire exploser, mourir en martyr parce que j’avais peur des flammes de l’enfer »

reconnait-elle devant Benjamin Chambre, l’avocat général.

« J’ai du mal à avouer ma radicalisation et à avoir été associée à ces gens-là » murmure t’elle entre deux sanglots. Le président l’interrompt « c’est inquiétant, cela signifie que vous n’assumez pas »  et l’accusée de répondre « Je déteste la personne que j’étais, vous avez raison d’avoir peur, cette personne me fait peur » ! Dans la salle, deux chercheurs habitués des procès antiterroristes relèvent la tête. Peu courant d’entendre ces propos dans le box des accusés.

L’avocat général requiert onze ans de réclusion criminelle assortis d’une peine de sûreté des deux tiers et d’un suivi socio-judiciaire de trois ans.

 

500 enfants nés de femmes françaises en Syrie

Amandine L. accouche d’un petit garçon le 2 Mars 2017.

« C’est le déclic », affirme-t-elle à la barre « Je ne pouvais pas l’élever là-bas ».

Elle fuit Raqqah et se rend aux forces kurdes le 4 Mai 2018. Elle sera détenue avec son fils dans plusieurs camps de femmes et d’enfants du groupe Etat Islamique avant d’être rapatriée en France le 9 décembre 2019.

Elle est depuis en détention provisoire et souhaite poursuivre la réflexion engagée avec les intervenants du Quartier de Prévention de la Radicalisation.

Après quatre heures de délibéré, la cour d'assises spécialement composée a reconnu Amandine L. coupable de tous les faits reprochés. "La cour a considéré que vous aviez fait beaucoup d'efforts mais vous avez besoin de faire des efforts et d'être accompagnée",  a déclaré le président à l'accusée.

Elle est condamnée à 10 ans de réclusion criminelle assortis d'une peine de sûreté des deux tiers et d'un suivi socio-judiciaire de sept ans. Amandine L. a remercié la cour avant que la séance soit levée.

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