Les bibliothécaires sont confrontés depuis plusieurs mois à l'obligation pour le public de fournir un pass sanitaire pour accéder à leurs établissements. Ils demandent sa suppression pour garantir un accès à la culture pour tous.
Clotilde Simon travaille dans une grande bibliothèque des Hauts-de-Seine qui emploie 60 personnes dont 40 bibliothécaires. "Si je suis en grève aujourd'hui c'est parce que je veux accueillir tout le monde dans ma bibliothèque. Ce n’est pas possible de faire une discrimination dans l'accès à la culture". "En fait", avoue-t-elle, "ça me pose problème déontologique, les médiathèques sont un lieu qui doivent rester accessible à tous, c'est un lieu primordial pour la culture, la formation ou les loisirs".
Un préavis de grève national a été déposé ce mercredi
Dans les établissements culturels accueillant du public, comme les cinémas ou bibliothèques, la présentation du pass sanitaire est devenue obligatoire fin juillet. Depuis le 30 septembre, cette obligation est élargie au plus de 12 ans.
"Demander un pass sanitaire aux enfants à partir de 12 ans, c’est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" poursuit la bibliothécaire. "Avec cette mesure, on s'attaque aux droits de l’enfant et on n'est pas censé le priver d'un droit qui me semble fondamental".
"Accueillir tous les publics"
Comme au départ de la pandémie, les bibliothécaires grévistes rassemblés ce mercredi devant la médiathèque de Romainville ne comprennent pas pourquoi le public peut entrer librement dans un centre commercial alors que l'accès aux bibliothèques est soumis au pass. "Ce qu’on veut, c’est la suppression de l'obligation de montrer son pass sanitaire pour rentrer dans une bibliothèque et que cette obligation soit levée pour tous ou au moins pour les enfants", explique une bibliothécaire, présente au rassemblement.
Ce filtrage a aussi des conséquences sur la fréquentation des bibliothèques, constate Clotilde Simon : "dans notre établissement on a une baisse de fréquentation depuis cet été et surtout ce que l'on note, c'est une baisse de fréquentation des animations et ça nous attriste". Elle insiste sur la difficulté d'amener un public toujours large à fréquenter des bibliothèques. "Alors qu'on fait beaucoup d’efforts pour faire venir tous les publics, avec cette histoire de pass, on a peur qu’il ne revienne plus. C’est très difficile de conquérir un public", souffle-t-elle.
Même constat d'impuissance pour Olympe Crocq, directrice de bibliothèque à Bondy en Seine-Saint-Denis : "On vit des situations ubuesques", raconte-t-elle, "parfois un père arrive avec sa petite fille et comme il n'a pas de pass sanitaire, on lui dit qu'il ne peut pas entrer". "Quand c'est une petite fille de trois ans, il ne peut pas lui dire d'y aller toute seule et donc ils restent à la porte de la bibliothèque", poursuit-elle. "Ça me fend le cœur de savoir que certains ne peuvent plus venir à la bibliothèque faute de pass".
Depuis la fin de l'été, de nombreuses voix se sont fait entendre pour demander la suppression du pass à l'entrée des bibliothèques. Une pétition initiée par une bibliothécaire et envoyé au Premier ministre a recueilli près de 10.000 signatures. Fin septembre, une tribune publiée dans le journal Libération dénonçait une grave atteinte aux droits culturels des citoyens et rappelait le rôle fondamental des médiathèques comme premier réseau culturel de proximité pour lutter contre les fractures culturelles et sociales.