Interpellations policières : "C'est un manque de formation"

Après les annonces de Christophe Castaner lundi, concernant la déontologie des forces de l'ordre, les fonctionnaires ont le sentiment d'avoir été "lâchés". Reçus depuis hier à Beauvau, les syndicats doivent évoquer le manque de formation continue sur les techniques d'interpellations.  

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"On a l’impression d’avoir été lâchés en plein vol. Tout ça pour céder à des agitateurs. On est tous écœurés. Les collègues se sentent salis. Comme si nous étions tous des fascistes et des racistes dans la police, c’est dégueulasse", lâche Patrice Ribeiro. Ce qui a mis en colère ce commandant de police, représentant chez Synergie Officiers, ce sont les propos tenus lundi par le ministre de l’Intérieur sur la déontologie des forces de l’ordre. Et il n'est pas le seul. "En une seule conférence de presse, M. Castaner a réussi l’exploit de se mettre tous les policiers à dos, à faire l’unanimité contre lui. Les 100 000 flics de France attendaient un soutien de la part du gouvernement. Mais pas ça", confirme Grégory Joron. Ce CRS, secrétaire général du syndicat Unité SGP police, s’interroge notamment sur les mesures annoncées pour lutter contre le racisme dans la police. "Qu’est-ce que ça veut dire une "suspension systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d'actes ou propos racistes" ? Si les faits sont avérés, il n’y a pas de débat, le policier doit être suspendu. Mais s’il s’agit de soupçon, il a le droit, comme tout le monde, à la présomption d’innocence. Les policiers ne sont pas des sous-citoyens."

Doit-on arrêter de procéder à des interpellations ?

Une annonce qui a fait grincer des dents les fonctionnaires de police, tout comme l’abandon de la technique d’interpellation de contrôle de tête, dite de "l’étranglement", jugée trop dangereuse par le ministre de l’Intérieur. Une technique apprise en formation initiale à l’école de police et qui n’est "problématique" que lorsqu’elle est "mal utilisée" affirme de son côté Christophe Korell, ancien officier de la Police Judiciaire. "C’est un problème de formation." Les policiers expliquent en outre que cette méthode, peu utilisée, reste indispensable dans certains cas. "Il y a des personnes qui ne veulent pas se laisser interpeller. Pour pouvoir les immobiliser, il n’y a pas d’autre moyen que de les plaquer au sol avec les mains neutralisées. C’est là que le rapport poids / puissance a toute son importance, indique Patrice Ribeiro. Si on ne peut plus la mettre en pratique, doit-on arrêter de procéder à des interpellations ?"

Dans une lettre envoyée au ministre de l'Intérieur et publiée sur sa page Facebook, le syndicat Alliance a demandé "la création immédiate d’une commission de travail validant une nouvelle méthode. Une fois la nouvelle méthode définie, nous demandons la substitution progressive en fonction des actions de formations dispensées auprès de l’ensemble des policiers". Ce syndicat juge aussi que les pistolets à impulsion électrique (PIE), que Christophe Castaner a décidé de généraliser, "ne remplaceront pas la méthode supprimée, mais doivent être considérés comme un outil d’intervention supplémentaire". 

Le problème de la formation initiale et continue

Mais pour d'autres syndicats, l’utilisation du PIE (Pistolet à impulsion électrique) n’est pas la solution. Car il s’agit d’une arme, certes non-létale, mais d’une arme quand même. "Lorsqu’on utilise les tasers, les personnes tombent. Qui dit qu’elles ne vont pas se fendre le crâne sur le trottoir ? Et puis, lorsque les personnes ont des pathologies, cela peut aussi poser problème", pointe du doigt Patrice Ribeiro. "Il y a le même risque que pour le LBD avec 0,3 % de blessures. Il va forcément y avoir les mêmes polémiques. On irait dépenser des dizaines de millions d’euros pour les ranger au coffre dans 6 mois ? Il y a eu 5000 tirs en deux ans. 5 blessés et possiblement un mort. On demande une expérimentation sur ce dispositif qui n’a jamais été généralisé", énumère quant à lui Grégory Joron de SGP.  Les policiers mettent aussi en avant le problème de formation. Aujourd’hui, le taser n’équipe que 15 000 policiers et gendarmes. C’est moins de 7% des effectifs. Il faut une habilitation et son utilisation n'est pas enseignée dans les écoles de police.

Rebâtir la confiance en partant du terrain

Christophe Castaner a indiqué qu’une formation serait obligatoire chaque année pour continuer à travailler sur la voie publique. Mais c’est sans compter sur le problème des effectifs alors que les missions des policiers sont de plus en plus exigeantes en temps et en complexité. "Sous Nicolas Sarkozy, on a fermé des écoles de police. Et on a perdu des milliers de policiers et de formateurs. Aujourd’hui, les policiers n’ont plus le temps de faire des stages pour faire évoluer leur carrière ou se spécialiser. Auront-ils plus le temps de faire ces formations ?" s'interroge Christophe Korell qui note également un problème dans l'apprentissage initial. Auparavant il fallait près de 12 mois pour former un policier. Désormais un gardien de la paix est censé être opérationnel au bout de 9 mois de formation dont un stage de 3 mois. "C’est un problème. On a voulu faire de la place dans les écoles de police mais il aurait fallu au contraire allonger ces formations." Aujourd’hui à la tête de l’association "Agora des citoyens, de la police et de la justice" dont le but est de faciliter le dialogue entre policiers et population, "rebâtir la confiance en partant du terrain", Christophe Korell regrette que la prévention ait été oubliée du discours du Premier Ministre. "A un problème politique, on répond par des tasers et des caméras. La seule police au monde qui utilise ces méthodes, ce sont les Etats-Unis. Ça fait rire jaune. Il faut changer la manière de faire car il ne s’agit pas simplement d’un rapport de force. Il faut du dialogue, et c’est comme ça que l’on va s’en sortir." 

Pour tenter de calmer la colère des forces de l’ordre, Christophe Castaner a commencé à recevoir à tour de rôle les organisations syndicales des gardiens de la paix et des officiers depuis hier et jusqu'à aujourd'hui. Elles préviennent pour leur part qu’elles ne relâcheront pas la pression. Ce jeudi les policiers ont déjà manifesté leur colère en jettant leurs menottes par terre. 

 

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