Le projet de construction d’une gare du futur Grand Paris Express menace les jardins partagés d’Aubervilliers. Les jardiniers demandent à la Société du Grand Paris de revoir son projet à la baisse. Retour sur trois ans de luttes et d’affrontements.

Cela ressemble à un point final. Ou presque. Vendredi, les locataires des parcelles maraîchères rencontraient les représentants de la Société du Grand Paris concernant la construction de la future gare "Fort d'Aubervilliers". Rien n'a filtré. Le dossier est sensible. La décision finale sera annoncée début juin. 

Car depuis trois ans, les « Jardins des Vertus d’Aubervilliers » cristallisent les tensions locales et l'attention des médias. Ce havre de paix s'est transformé en un champ de bataille urbanistique entre aménageurs, jardiniers et militants écologistes. L’avenir des 26 000 m2 de ces terres est conditionné par la construction d’un centre aquatique et d’une gare de la future ligne 15 Est du Grand Paris Express.

Dans une ville carencée en espace vert (moins de 10 m2 par habitant), la destruction de ces potagers datant de 1935 soulève l’inquiétude. Mais la cité séquano-dionysienne peut-elle vraiment se priver de nouvelles infrastructures « d’intérêt public » dans un quartier qui ne cesse de voir sa population croître ? Vertigineux dilemme posé aux acteurs de ce dossier. 

Acte I : Un centre aquatique taille XXL

Les jardins ne doivent pas perdre un mètre… La promesse faite par l’ancienne maire communiste Meriem Derkaoui aux locataires n'aura duré qu'un temps. Ce 30 juin 2020, deux jours après sa défaite aux municipales, l’ancienne maire communiste signe contre toute attente, la construction d’un centre aquatique sur une partie des parcelles. L’ambitieux projet prévoit la construction de bassins, d’un solarium, d’une salle de sport et même d’un restaurant pour 33,6 millions d’euros. L’infrastructure financée en partie par des subventions (dont 10 millions d’euros de la Solideo) servira de piscine d’entraînement pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

C’est sans compter sur la mobilisation des jardiniers et des associations écologistes locales. Sous la bannière « Des potirons, pas du béton », ils sont plusieurs centaines à se rassembler au début du printemps 2021 pour défendre les 4000 m2 menacés. L’établissement public Grand Paris Aménagement promet de relocaliser les terres perdues dans l’espace boisé voisin du Fort d’Aubervilliers. Une hérésie pour les jardiniers ! Des recours gracieux sont intentés auprès de la mairie. "Trop tard", répond Karine Franclet qui a hérité de ce projet contracté par l'ancienne majorité municipale ! La maire (UDI) d'Aubervilliers estime que dénoncer ce marché public entraînerait le paiement de pénalités à hauteur de "4,7 millions d'euros". Elle rappelle que cet équipement est "essentiel" dans un département où un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en sixième.

Le 10 février 2022, la cour administrative d’appel de Paris invalide le plan local d’urbanisme qui rend constructible 4000 m2 de jardins ouvriers. Selon les juges, cette disposition représente une atteinte à la biodiversité et reste contraire au schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF). La copie est revue à la baisse. Dans la nouvelle mouture du plan local d’urbanisme intercommunal, le solarium est supprimé. Une victoire amère pour les jardiniers et les militants écologistes car la décision judiciaire n'est pas suspensive : 4000 m2 de parcelles sont détruites. Elles doivent être restituées sous forme d'espaces verts. 

 Acte II : Un projet de gare contesté

Février 2023, nouveau rebondissement. La commissaire menant l’enquête publique sur la construction de la future gare du Grand Paris Express rend un avis négatif. Deux mois plus tard, l’intercommunalité "Plaine commune" tient compte de cet avis et modifie le plan local d’urbanisme. L’emprise de la future gare débordera désormais sur 2300 m2, et non sur les 5000 m2 initialement prévus. Une nouvelle victoire pour Dolorès Mijatovic, l'une des porte-paroles du collectif : "On remercie la SGP avec qui on a pu échanger. Ils sont ouverts et à l'écoute. On note un vrai changement d'attitude par rapport à Grand Paris Aménagement (NDLR : maître d'œuvre de la piscine). On n’est pas contre l’arrivée d’une gare. On est aussi usager. Mais on estime que l’on peut trouver d’autres solutions comme creuser un tunnelier et enfouir la gare. Cela permettrait de ne pas détruire les parcelles. Évidemment cela coûte plus cher."

La retraitée est devenue l’un des visages de cette lutte. "2300 m2 détruits, ça reste trop ! " remarque la présidente de la société des jardiniers d’aubervilliers qui s’est adjoint l’aide d’un architecte pour étudier le projet. "On est prêt à négocier quelques jardins détruits. Mais pas 2300 m2 ! " Avec les autres membres du collectif, elle réfléchit à déposer un recours contre le PLUI devant le tribunal administratif. Un nouveau bras de fer pourrait commencer. « Le dernier ! », plaisante Dolorès Mijatovic. Les travaux de la gare doivent débuter en 2024.

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