La région Île-de-France distribue 1 000 masques à chaque pharmacie de la région. Ils sont destinés aux patients vulnérables. Une décision qui risque de mettre "en difficulté l'approvisionnement des personnels de santé", selon l'Ordre des pharmaciens.
Depuis une semaine, les 3 600 pharmacies franciliennes reçoivent 1 000 masques chirurgicaux livrés par la région Île-de-France. "On a commencé par la Seine-Saint-Denis car c'est l'épicentre de l'épidémie. C'était normal que l'on commence par-là", explique Farida Adlani, vice-présidente (Modem) en charge de la Santé au conseil régional.
Ce stock de masques (FFP1) est issu d'une commande de 30 millions de masques faite à la Chine par la région Île-de-France. La grande nouveauté est que ces masques livrés par la région sont désormais accessibles aux patients dits Covid + (c'est-à-dire diagnostiqués Covid-19), aux personnes ayant une maladie chronique ou aux malades atteints de polypathologies.
"Cela nous met en difficulté car on ne peut pas répondre à la population entière. Cela risque de créer des confusions dans les pharmacies puisque lorsque l'on parle de "maladie chronique", ce n'est pas très détaillé", regrette Bruno Maleine, Président du conseil régional de l'Ordre national des pharmaciens d'Île-de-France.
Selon une notice de l'Agence Régionale de Santé (ARS) de l'Île-de-France, ces patients peuvent ainsi bénéficier de six masques par personne et par semaine, uniquement sur présentation d'une ordonnance médicale.
"4 millions de patients fragiles"
Cette dotation venant de la région représente au total 3,6 millions de masques donnés aux pharmacies. Le chiffre peut paraître impressionnant, mais il ne représente qu'une goutte d'eau face aux besoins en Île-de-France."En faisant un calcul rapide, nous avons à peu près 4 millions de patients fragiles dans la région. Il faudrait donc 12 millions de masques par jour pour tous les équiper. Je m'interroge sur l'utilité de fournir des masques à la population dans ces conditions-là", s'interroge Bruno Maleine.
Ce pharmacien reste ainsi sceptique sur cette mesure. "Ce qui me paraît surprenant est que l'on va à l'encontre de la doctrine du ministre de la Santé (qui donne pour consigne de réserver les masques pour les professionnels de santé, ndlr). Le risque est que l'on mette en difficulté l'approvisionnement des personnels de santé."
Sur les masques pour les soignants : cette semaine pour la première fois, nous importons beaucoup plus de masques que nous n’en consommons. Ces chiffres nous permettent d'envisager un élargissement de la politique de distribution des masques dans les prochaines semaines. #COVID19 pic.twitter.com/y5TlkSaJ4Q
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) April 19, 2020
Demande de la population
Pourtant, la demande du côté de la population existe bien. "Presque toutes les personnes qui entrent dans la pharmacie demandent des masques", raconte une pharmacienne du XIIIe arrondissement de la capitale."En tant que professionnel, on aimerait pouvoir donner une réponse concrète à la population. Les masques étant réquisitionnés par l'État, on ne peut pas en vendre. On aimerait bien avoir une réponse précise du ministère pour pouvoir la relayer", poursuit-elle.Farida Adlani assure quant à elle que la région ne vient pas concurrencer l'État sur ce terrain : "On ne dénonce pas une politique, on additionne nos forces. Il y avait un manque de masques, on participe à l'effort de guerre." Prochaine étape : "on va équiper les petits commerces de bouche", assure l'élue.