Le gouvernement veut assouplir les règles du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les petites surfaces, nombreuses en Île-de-France. Trop contraignant, le DPE empêcherait aujourd'hui de nombreux propriétaires de louer leur bien. Les professionnels de l'immobilier voient un assouplissement nécessaire, la Confédération nationale du logement dénonce un recul.
Le compte à rebours à commencer pour les logements considérés comme des passoires thermiques : à partir du 1er janvier 2025 la location des appartements ou maisons classés G sera interdite. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé des "mesures de simplification" et notamment un mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) plus juste pour les surfaces inférieures à 40m2.
Dès cette semaine, les propriétaires vont pouvoir se rendre sur le site de l'Ademe et recalculer leur DPE. Ils devront cependant attendre le 1er juillet 2024 pour que le correctif entre officiellement en vigueur.
Les studios ou les chambres de bonne sont-ils vraiment plus énergivores ?
Si on regarde les chiffres publiés par l’Observatoire national de la rénovation énergétique, ce sont les plus petites surfaces les plus mal classées : près de 34% des logements de moins de 30 m2 ont une étiquette F ou G, contre 13% des habitations de plus de 100 m2. A Paris, 66% du parc locatif privé est classé E, F ou G. Comment expliquer ces mauvais chiffres ? Les petites surfaces consomment plus d’énergie et émettent plus de gaz à effet de serre proportionnellement à leur surface.
Grâce à ce nouveau mode de calcul, les propriétaires pourraient voir le bilan énergétique de leur bien s'améliorer en passant de l'étiquette G à F. Les logements pourraient ainsi être remis dans le circuit de la location. Certains parlent déjà d'un DPE "version light," reste à savoir quelles seront les nouvelles modalités.
La région est particulièrement concernée. Benjamin Lefebure et Souheil Yansi, les deux cofondateurs d'une société spécialisée dans l'investissement locatif en Île-de-France estiment qu'"il y a 540.000 logements de moins de 40 m2 à Paris et on en dénombre 1 million 200 mille en Île-de-France."
Une annonce attendue par les professionnels de l'immobilier
Loïc Cantin, le président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) déclare auprès de nos confrères des Echos : "Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement cette disposition, réclamée par les professionnels depuis plus d'un an." Benjamin Lefebure, à la tête de la société Les Secrets de l'Immo concède : "C'est un assouplissement de circonstance : pour faire un appel d'air notamment sur Paris et l'Île-de-France." Souheil Yansi, associé, tempère "C'est une modification des calculs sur un segment précis du marché. Cela ne modifie pas la contrainte, c'est un moyen de décaler et de gagner un peu de temps, entre 5 et 8 ans."
Cela ne modifie pas la contrainte, c'est un moyen de décaler et de gagner un peu de temps, entre 5 et 8 ans.
Souheil Yansi, cofondateur des Secrets de l'Immo
Comme d'autres professionnels de l'immobilier, ils estiment que les travaux de rénovation énergétique sont parfois plus compliqués dans des studios ou des petits appartements : "Ce sont des contraintes notamment liées à la perte de surface. Les travaux d'isolation par exemple vont rendre la surface logeable moins importante. Et puis cela peut impliquer beaucoup de travaux induits."
Pour la CNL, des mesures au détriment des locataires
La Confédération nationale du logement (CNL), qui représente les locataires, a vivement réagi à ces modifications. Pour son président, Eddie Jacquemart "Ce n'est pas une bonne nouvelle. C'est un recul pour la planète, c'est également un recul au niveau sociétal."
Les jeunes actifs, les couples, les étudiants avec un emploi qui sont souvent les occupants de ces petites surfaces ne verront pas leurs factures de chauffage s'alléger et leur confort s'améliorer. Eddie Jacquemart pointe les autres mesures annoncées par le ministre. L'interdiction de location s'appliquera sur les nouveaux baux. Dans le cas d'un renouvellement de bail, si les travaux ont été votés, un sursis de 2 ans pour les effectuer sera accordé. "Le locataire qui va rester va continuer à subir la mauvaise qualité du logement et à chauffer la rue", déclare Eddie Jacquemart.
C'est presque une assignation à résidence sans travaux !
Eddie Jacquemart, président de la Confédération Nationale du Logement
Pendant les travaux de rénovation le locataire sera peut-être contraint de déménager mais le président de la CNL imagine déjà les difficultés pour les occupants : "Si je suis locataire d'un bien mal classé et si je refuse de partir, une clause exonératoire a été annoncée. Or on sait qu'en Île-de-France - une zone particulièrement tendue en matière de logement - une fois que les locataires ont un logement, ils le gardent. C'est presque une assignation à résidence sans travaux !"
A la Confédération Nationale du logement, on formule une proposition pour financer les travaux de rénovation car selon l'association il y a urgence. "Quand le bien est mal classé, on fait faire un devis pour améliorer le logement, ensuite on consigne une partie des loyers à la Caisse des dépôts pour atteindre le montant des travaux."
Les deux associés des Secrets de l'Immo se montrent prudents, ils attendent d'en savoir plus sur les modalités de ce diagnostic de performance énergétique : "Il faut se méfier de ce genre d'annonce et ne pas considérer que c'est un acquis. Il faut tout de même prévoir des travaux, cela reste pour les propriétaires un investissement sur le long terme. Et puis on ne sait pas si cette mesure ne sera pas contestée."
Ils attendent de connaître les données plus précises mais ils estiment qu'à Paris 40.000 petits logements pourraient être concernés et retourner à la location, dans une ville où il est de plus en plus difficile de se loger.