PORTRAIT. Le cambrioleur aux doigts d'or face à la justice

De Lady Di à Picasso, Abdelatif Redjil, surnommé le "serrurier" ou l'"homme aux doigts d'or" est jugé au tribunal Judiciaire de Nanterre pour avoir commis 24 cambriolages en 5 mois en 2021. Portrait d'un multirécidiviste, as du fric-frac, à l'itinéraire peu banal.

Des cinq prévenus, c'est le seul à comparaître détenu. Dans le box, à 67 ans, l'homme ressemble davantage à un paisible retraité qu'à un voyou multirécidiviste, as de la cambriole. Petite barbe grise, lunettes rondes juchées sur le bout de son nez, Abdelhatif Redjil, Zouz pour les intimes, écoute les débats avec l'air détaché de celui ayant l'habitude de l'exercice. Profession : casseur professionnel.

Son casier judiciaire fait de lui l'un des cambrioleurs les plus brillants de sa génération. Sa signature : pas de trace, pas de casse, pas de bruit. D'où ses surnoms, "le serrurier", ou  "l'homme aux doigts d'or"

Pourtant ce n'est pas uniquement son doigté qui le met dans la lumière mais une rencontre improbable. 

Lady Di, Picasso et la croisée des destins

Dans la nuit du 30 au 31 août 1997, Abdelhatif Redjil se trouve près du pont de l'Alma à Paris. Au même moment, la voiture transportant la princesse Diana s'encastre dans un poteau. Selon ses dires, l'homme s'approche de la princesse, lui prend la main et tente de la rassurer. Ses propos, notre bon samaritain va les réitérer devant la Haute Cour de Justice de Londres en 1997, ajoutant que la princesse répétait "My God, my god".

Dix ans plus tard, et l'affaire fait grand bruit : deux toiles de Pablo Picasso sont volées dans l'appartement parisien de la petite fille du peintre. Dans la nuit du 26 février 2007, des malfaiteurs se sont introduits dans l'appartement, désert. Pas d'effraction, aucune empreinte, montant du butin : 50 millions d'euros. Un vol net, sans bavure qui vaudra cinq ans de prison dont deux ans avec sursis à Abdelhatif Redjil.

Au total, le sexagénaire aura passé 20 ans sous les verrous pour ses multiples vols : "Mon parcours est exécrable, je n'ai eu qu'une vie de délinquant, je faisais des cambriolages parce que j'aimais voler", déclare le prévenu à la présidente de la 16ème chambre du Tribunal Correctionnel de Nanterre. 

L'homme aux doigts d'or

C'est un peu par hasard que les policiers mettent un nom derrière une série de cambriolages ayant eu lieu dans la région en 2021. Entre juin et octobre 2021, pas moins de 24 cambriolages sont commis dans des appartements des Hauts-de-Seine et des Yvelines. Leur point commun ? C'est la serrure du logement qui est ciblée et les casses ont tous lieu alors que les occupants sont en vacances. Le 24 Juin, au cours d'un banal contrôle routier, les policiers prennent le voleur non pas la main dans le sac mais dans le coffre... de sa voiture ! Fausse carte d'identité, postiches, matériel d'effraction haute précision. Bref le parfait équipement du cambrioleur.

Rien ne résiste à monsieur Redjil

Avocat des parties civiles

"Rien ne résiste à monsieur Redjil", proclame un avocat des parties civiles, "y compris cette serrure Héraclès, mes clients n'en croyaient pas leurs yeux." Si Héraclès était un demi-dieu, la serrure, elle, nommée ainsi car réputée inviolable, n'a pas résisté au savoir faire de l' "homme aux doigts d'or".

Patient et minutieux, le prévenu explique : "Ce n'est pas le nombre de points qui compte, c'est la serrure", et il développe "le piston était mal adapté". Le cambrioleur dit avoir mis au point "un forceur". "Quel est cet objet ?" demande la présidente. "C'est une ébauche de clé qu'il faut limer là où il faut ". La cour n'en saura pas plus, secret de fabrication !

En cinq mois, Abdelatif Redgil va ainsi multiplier les fric-frac avec un " bénéfice de 60 000 à 80 000 euros", estime-t-il dans le box. Le mode opératoire est bien rodé : repérage des appartements laissés vides en période de vacances, ciblage des serrures, un complice sonne à la porte. "S'il n'y a personne, il me téléphone et redescend faire le guet", précise le prévenu "et moi je monte".  

"32 ans de prison ferme prononcés qui n'ont servi à rien"

Maître Olivier Ducombs, avocat de la défense

Décrit comme " le pivot de ces vols" par le procureur, le "serrurier" est un récidiviste. "Que faire pour vous décider à arrêter cette activité ? ", demande l'accusation. "J'ai une très forte préoccupation sur la récidive", pointe-t-il. Et de souligner que le prévenu démontre un "aspect de prédation et d'appropriation du travail de l'autre". Il requiert 5 ans de prison assortis d'un maintien en détention.

Une récidive reprise paradoxalement dans la plaidoirie de la défense. "On a cet engrenage qui fait que si on ne l'arrête pas, il continue", déclare son avocat Maître Olivier Ducombs "Il vous a parlé de ce passé peu glorieux, c'est plus de 32 ans de prison ferme prononcés qui n'ont servi à rien". Incarcéré à la maison d'arrêt d'Osny, Abdelatif Redjil "n'est pas un caïd " affirme son conseil, "il rase les murs, ne va pas en promenade".

Jugé aux côtés de quatre autres prévenus dont son épouse, et l'un de ses frères, le sexagénaire a prononcé ses "regrets" vis-à-vis des victimes de ses vols.

Ce mercredi soir, la cour a suivi les réquisitions du parquet et a  condamné Abdelatif Redjil à 5 ans de prison avec maintien en détention.

             

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