Jean Castex devrait proposer de décaler d'une semaine le scrutin des régionales et des départementales au 20 et 27 juin prochains. Mais la situation sanitaire dans deux mois, permettra-t-elle la tenue du scrutin ?
Depuis le début de la campagne de vaccination, le 27 décembre 2020, au moins 1 655 779 personnes en Ile-de-France ont reçu une dose d'un vaccin contre la Covid-19. 464 245 personnes ont déjà reçu une deuxième dose et 124 169 personnes ont un rendez-vous prévu cette semaine pour recevoir une seconde dose.
La vaccination poursuit sa progression en Île-de-France précise l'ARS. Au 11 avril 2021, la couverture vaccinale à une dose s’établissait à 13,49 % en population générale tous âges confondus et à 65,58% chez les 75 ans et plus.
Toujours d'après les chiffres fournis par l'agence régionale de la santé à ce jour, les indicateurs épidémiologiques de circulation du SARS-CoV-2 en Île-de-France se maintenaient à un niveau très élevée et la pression hospitalière, très soutenue dans la région, ne montrait pas, à ce stade, de fléchissement, précise-t-elle.
D'après le calendrier fixé par le gouvernement, les personnes âgées de plus de 55 ans, avec ou sans comorbidités, peuvent se faire vacciner depuis hier. À partir de la mi-juin Emmanuel Macron a déclaré que "tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés".
L'exécutif ne cache pas vouloir miser sur la généralisation de la vaccination pour soutenir sa volonté de maintenir le scrutin. L'arrivée, à compter du 19 avril, du vaccin Janssen, qui du fait de sa dose unique, devrait contribuer à accélérer davantage la couverture de la population, était un argument supplémentaire dans ce sens. Or la suspension par Johnson & Johnson du déploiement du vaccin en Europe, à la suite de cas de thromboses, laisse présager un ultérieur retard.
Comment peut-on savoir aujourd'hui ce que sera le niveau de l'épidémie fin juin ?
Une difficulté à se projeter dans deux mois
Le professeur Gilbert Deray n'est pas convaincu par la solution qui consiste à maintenir la tenue des élections en juin. Sur Franceinfo ce mardi matin, le chef du service de néphrologie à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris s'est insurgé. "Je ne comprends pas comment on peut déjà nous indiquer qu'il y aura des élections en juin. Je ne comprends pas comment on peut parler de déconfinement alors que l'épidémie n'est absolument pas contrôlée. Comment peut-on savoir aujourd'hui ce que sera le niveau de l'épidémie fin juin ?", interroge-t-il
"Je ne sais pas quand on devrait voter, mais ce que je sais, c'est que les annonces actuelles sont très prématurées. Ces annonces devraient être décalées à un instant où l'épidémie est sous contrôle. Quand on aura une vraie tendance, et pas une prédiction, à ce moment-là, on pourra mettre en place les procédures qui permettent de déconfiner, mais aussi la tenue des élections".
Le professeur Gilbert Deray s'inquiète particulièrement de la progression des variants brésiliens et sud-africains sur notre territoire. Ils représentent "environ 5% des cas en France. Cela démarre petit mais après cela peut être fulgurant, exponentiel", explique-t-il.
Les maires en faveur du vote
Du côté politique, les maires ont été sollicités via les préfets pour savoir si les conditions préconisées par le Conseil scientifique leur semblaient réunies pour tenir les deux scrutins les 13 et 20 juin prochains. Plus de 24 000 maires (soit 69% de l'ensemble des édiles en France) ont répondu à cette consultation lancée par le gouvernement vendredi soir. Sur ces 24 000 maires, 13 513 (soit 56%) se sont déclarés favorables au maintien du scrutin en juin. 9 812 (40%) se sont dit opposés et 4% n'ont pas répondu, selon les résultats communiqués par le ministère de l'Intérieur.
Favorable au maintien du scrutin en juin, la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse (Libre !, ex-LR), a fustigé le gouvernement. " C’est compliqué pour le gouvernement de dire qu'il rouvre les terrasses le 15 mai et ferme les bureaux de vote le 15 juin". L'objectif derrière tout cela, "c'est de priver les Français de leur droit de vote". D'après elle, "c'est inconstitutionnel de reporter après la présidentielle ce rendez-vous avec les Français, et c'est pour cela que Gérard Larcher a annoncé sa volonté de saisir le Conseil constitutionnel si le gouvernement continuer dans cette voie du report forcée".
Valérie Pécresse affirme qu'il "y a plein de possibilités pour faire un vote zéro risque. Le Sénat y travaille avec l'idée par exemple de faire un bureau de vote unique dans les petites communes de moins de 5000 habitants, d'autoriser les maires à organiser le vote en extérieur s'il fait beau".
Le Conseil scientifique émet une série de recommandations
Si fin mars, le Conseil scientifique a refusé de trancher sur la décision d'un report ou d'un maintien des élections en juin, il a toutefois émis une série de recommandations : la campagne devra suivre "un protocole adapté" et "l'usage de moyens dématérialisés", comme internet ou des "numéros verts", sera "encouragé au maximum". Les candidats devront si possible être vaccinés et testés régulièrement.
Concernant le jour du vote, "il est désormais recommandé de solliciter des personnes vaccinées", "c'est-à-dire des personnes plus âgées", pour tenir les bureaux. Le vote pourrait se dérouler "en extérieur" et la tenue du scrutin "obligera à un nettoyage strict" des écoles mobilisées.
Le Conseil recommande également d'étaler au maximum le vote, quitte à déroger provisoirement au couvre-feu éventuel, et de réserver "une plage horaire privilégiée pour les personnes vulnérables, par exemple de 9h à 12h". Enfin, il demande de recourir au maximum au vote par procuration et "regrette" que le vote par internet ou par correspondance n'ait pu être rendu possible.
Un débat consultatif prévu mardi et mercredi
La question du report des élections d'une semaine doit faire l'objet d'un débat suivi d'un vote ce mardi 13 avril à l'Assemblée nationale et mercredi au Sénat.
Le Premier ministre Jean Castex a annoncé lundi qu'il défendrait ce choix à l'occasion d'un débat consultatif sur la question, à l'Assemblée nationale et au Sénat, et ce, sur la base de l'article 50-1 de la Constitution. Le débat consultatif sera suivi d'un vote et, si le report l'emporte, un projet de loi devra être voté par le Conseil des ministres, puis soumis au Parlement.