"Rue des Archives" nous plonge dans la mémoire de l'audiovisuel. Cette semaine, coup de projecteur sur les grands ensembles de la région parisienne. Des banlieues comme Sarcelles, Créteil, Massy, Argenteuil dont le visage va changer dans les années 60.
De la ville horizontale aux cités verticales... Les années 60 marquent un bouleversement dans le paysage de la région parisienne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, se pose bien sûr la question de la reconstruction. Il faut également loger les enfants du baby-boom. Et dans une période de croissance économique, les travailleurs venus en France doivent trouver un toit.
La solution passe par les grands ensembles. Des quartiers dont la construction sera pilotée dès les années 50 par le ministère de la Reconstruction et le Service d’aménagement de la région parisienne (SARP), en Île-de-France.
Première génération de constructions : Sarcelles, autour de 1955... "Un projet dans lequel la Caisse des dépôts va beaucoup investir", explique Thibault Tellier, professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po Rennes. "Progressivement, on va se rapprocher d'un modèle de 'ville nouvelle', avec une attention sur le cadre de vie plus soutenue." Ainsi en est-il à Créteil : entre le quartier du Mont-Mesly et Créteil-Soleil, deux générations de grands ensembles se succèderont dans ce qui est aujourd'hui la préfecture du Val-de-Marne.
Barjavel, Godard... Le regard méfiant des artistes
Au micro de l'ORTF en 1964, une jeune femme raconte avoir quitté son logement parisien de deux pièces à Ménilmontant, où elle logeait "à neuf" personnes, pour un quatre-pièces dans le grand ensemble de Massy. Même enthousiasme pour cet habitant de Sarcelles en 1972 : "J'aime bien parce que c'est une place qui me rappelle une place du midi", dit-il alors que se joue une partie de pétanque.
Un point de vue loin d'être partagé par certains intellectuels, en cette période d'intense construction. Interviewé en 1972, l'écrivain René Barjavel se dit certes convaincu que l'être humain peut vivre partout. "L'Homme est un animal extraordinairement plastique." Mais pour l'auteur de Ravage, "Sarcelles et les grands ensembles qui lui ressemblent (...) sont des constructions théoriques. Ça n'a pas été conçu pour l'Homme (...) On a considéré l'Homme comme un élément de statistique".
Des grands ensembles qui serviront de décor au film "Deux ou trois choses que je sais d'elle", de Jean-Luc Godard, tourné à La Courneuve en 1966. A cette époque, "on s'interroge sur ce nouveau modèle urbain qui est représenté largement par le béton", ajoute l'historien.
Vers les villes nouvelles
Les villes nouvelles sont une nouvelle rupture dans l'urbanisation de la région parisienne. Le virage est pris dans les années 70. "En région parisienne, les villes nouvelles ne doivent pas relancer une urbanisation périphérique, mais structurer une banlieue préexistante, assurer à ses habitants aussi le droit à la ville", déclare Olivier Guichard, ministre de l'Equipement, à l'Assemblée nationale, en 1973. Une façon de marquer la différence entre villes nouvelles et grands ensembles.
"On va essayer de ramener de la nature notamment, par des lacs artificiels, de la végétation..."
Thibault Tellier, professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po Rennes"Rue des Archives" - 17 mars 2023
Pour construire les villes nouvelles, une attention plus grande est donnée au "cadre de vie et aux aspirations des habitants eux-mêmes", conclut l'auteur de "Humaniser le béton" (éd. L'Harmattan, 2022). Evry, Sénart, Saint-Quentin-en-Yvelines, Cergy, Marne-la-Vallée en sont une illustration. Une nouvelle tentative, pour amener de la vie au milieu du béton.
? "Rue des Archives", c'est chaque vendredi, à 11h50, sur France 3 Paris Île-de-France. Retrouvez l'intégralité du numéro #21, consacré aux grands ensembles urbains en région parisienne.