Le Grand Soir, ce n’est pas pour demain à la librairie Quilombo

Un demi-siècle après Mai 68, dans un contexte social marqué par les grèves et le blocage de nombreuses universités, peut-on s’attendre à vivre un nouveau Mai 68 à Paris ? A Quilombo, l’une des rares librairies anarchistes de la capitale, on évite toute fausse joie.

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Ni Dieu ni maître, quand on entre à Quilombo : on fait plutôt face à des étagères pleines à craquer. Dans la libraire, cachée dans une petite rue du 11ème arrondissement, à deux pas de la place de la Nation, on trouve en tout pas loin de 5.000 références.

Au hasard, on peut tomber sur Une histoire populaire des Etats-Unis du pacifiste américain Howard Zinn, ou encore Qu’est-ce que la propriété ? de Pierre-Joseph Proudhon et Etatisme et Anarchie de Mikhaïl Bakounine, pour les publications les plus connues. Bref, une bonne dose d’écrits historiques sur l’histoire de l’anarchisme et des mouvements révolutionnaires.
 

Noir et vert

« Quilombo est né il y a 15 ans d’un groupe de militants antifascistes, raconte Jacques Baujard, qui gère aujourd’hui la boutique. La librairie a d’abord été plutôt liée au Scalp, la « Section carrément anti-Le Pen » : un réseau anti-FN, si on peut dire. A l’époque, l’idée était de créer un lieu où serait réunie toute la littérature de critique sociale. »

Béret sur le crâne, le libraire précise que l’équipe a connu une évolution politique au fil des années :

On s’est au fur et à mesure rapproché de courants qu’on qualifierait aujourd’hui d’anti-industriels, anti-numériques, plutôt liés à l’écologie radicale.

Logique – vu son engagement libertaire –, l’association est autogérée : toutes les décisions sont prises en commun, sans hiérarchie entre les membres de l’équipe.
 

Des clients fidèles, mais une situation précaire

Devant les dizaines de bouquins exposés, on croise un public assez jeune. « En général, les gens qui rentrent nous connaissent bien, on n’est clairement pas installé dans une rue passante, explique Jacques Baujard. Il y a quelques habitants du quartier qui viennent plutôt par sympathie, des militants qui veulent nous soutenir… A côté de ça, on envoie tous les ans notre catalogue à 5.000 personnes, partout en France. Alors quand ils passent sur Paris, ils viennent nous voir, histoire de prendre des nouvelles. »Mais avec deux fois moins de fréquentation qu’une librairie généraliste, faire vivre la boutique reste tout sauf une chose facile :

La librairie en général, c’est une situation précaire... Alors une librairie spécialisée comme nous, c’est encore plus compliqué. On fonctionne beaucoup sur le bénévolat : il y a actuellement deux salariés et cinq bénévoles qui tournent pour les permanences. Ceci dit, on reste une librairie importante pour une cinquantaine d’éditeurs indépendants, et des maisons centrées sur la critique sociale comme L’échappée et Nada.

 

Qui sème la misère, récolte vraiment la colère ?

50 ans après Mai 68, le libraire reste critique face à l’anniversaire et l’opportunisme de certains éditeurs : « Déjà en 2008, je pensais que tout avait été édité et réédité sur Mai 68. Force est de constater que cette année, l’édition a encore trouvé plein de livres à vendre, parfois assez improbables. Ils surfent un peu sur la vague contestataire. C’est la grande force du néolibéralisme : récupérer tout ce qui a trait à la marge, qui s’oppose à lui, et le retourner pour en faire un produit commercial. »

Nanterre, Tolbiac, la Sorbonne… Alors que les blocages se sont multipliés dans les universités de la région parisienne, et que les mouvements de grève s’accumulent, Jacques Baujard reste, lui, critique et pessimiste :

Je vois mal comment un nouveau Mai 68 serait possible. Le techno-libéralisme est de plus en plus puissant, et face à lui, le milieu associatif se sclérose et implose. On n’est pas du tout dans une stratégie offensive, comme les militants de Mai 68. C’était vraiment la grande époque où l’on luttait pour des avancées sociales. Aujourd’hui, on est plus dans une stratégie de repli, de recul. Le but, c’est de conserver ses acquis. Et même ça, on le voit aujourd’hui avec les cheminots, c’est extrêmement difficile.

Dans la librairie, on évite donc tout faux espoir de révolte. Décidément, noir c'est noir à Quilombo.
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