Greffée aux États-Unis, une Francilienne réclame en justice le remboursement des soins par la CPAM de Paris

Laura Nataf a été greffée des deux mains aux États-Unis en 2016 car elle jugeait ce type d'opération alors impossible en France. Elle poursuit la Sécurité sociale devant la cour d'appel de Paris pour obtenir le remboursement de sa facture de plus d'un million de dollars.

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Âgée alors de 19 ans, Laura Nataf, a été amputée des quatre membres en 2007 après un choc septique (qui empêchait la bonne circulation de son sang).

Elle bénéficie d'abord de prothèses, mais elles "ne remplaceront jamais les mains parce que ça a un aspect qui est robotique et qui n'est pas forcément agréable. Même si l'on fait beaucoup avec les prothèses, ce que j'avais comme fonction, c'était une pince", raconte la jeune femme à Allodocteurs.fr.

En 2013, elle est inscrite sur la liste des patients en attente de greffe, dans le cadre d'un programme de recherche de l'hôpital Georges-Pompidou à Paris (AP-HP). Mais un an plus tard, aucune donneuse compatible n'est trouvée. Les autorités sanitaires ne reconduisent pas l'autorisation du programme et Laura est radiée de la liste, a expliqué son avocate, Valérie Sellam Benisty.

Son chirurgien, Laurent Lantieri, lui propose alors de se faire opérer aux États-Unis et médiatise l'affaire, fustigeant une "surcharge administrative et bureaucratique" et déplorant le manque de financement "pour faire ces innovations" en France.

Un tribunal lui donne raison en première instance

En février 2016, la Sécurité sociale envoie un refus de prise en charge. Mais la jeune femme se fait malgré tout opérer en août à l'hôpital Penn Medicine de Philadelphie, qui lui adresse l'année suivante une facture de 1,13 million de dollars.

Les mains, ça fait tout. C'est tellement important pour la vie de quelqu'un que ça m'a complètement anéanti sur le moment

Laura Nataf

Depuis, Laura Nataf demande à la sécurité sociale de prendre en charge le coût de cette opération. En première instance en juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a annulé le refus de prise en charge et condamné la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris à payer les deux tiers de la somme, mais cette dernière a fait appel.

L'audience devait avoir lieu ce jeudi mais a été renvoyée au mois de janvier 2023. L'avocate de la jeune femme a demandé un report pour lui permettre de répondre aux conclusions de l'avocat de la CPAM, envoyées trop tardivement selon elle. Contactée, la CPAM de Paris n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Radiée des listes d'attente

Dans son courrier de refus de prise en charge aux États-Unis, "le médecin-chef de la Cnam (...) a dirigé Mme Nataf vers un programme expérimental ouvert aux Hospices civils de Lyon portant sur l'allogreffe bilatérale de mains et d'avant-bras, qui lui aurait permis d'obtenir les soins nécessaires en France et l'assurance d'une prise en charge", a avancé la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) auprès de l'AFP.

"Mme Nataf n'a pas fait le choix de recourir à cette option. Nous estimons, à ce titre, que le refus de prise en charge opposé est valablement motivé", a ajouté l'établissement public.

"C'est complètement faux" de dire que "Laura aurait pu être opérée dans les mêmes conditions en France", estime au contraire Me Sellam Benisty en rappelant sa radiation de la liste d'attente.

La France, pionnière des greffes

La France a été la pionnière de ce type d'opérations, avec la première greffe d'une main réalisée en 1998 aux Hospices civils de Lyon (HCL) par Jean-Michel Dubernard sur un patient néo-zélandais victime d'un accident de tronçonnage.

En 2000, nouvelle première mondiale, avec la greffe des deux mains et d'une partie des avant-bras, sur un peintre en bâtiment de 33 ans amputé après s'être gravement blessé dans l'explosion d'une fusée artisanale.

Mais jusqu'en 2016, seuls six autres patients ont ensuite bénéficié de cette double greffe, autorisée au cas par cas dans le cadre du programme des Hospices Civils de Lyon (HCL).

Cette année-là, "les greffes ont été suspendues en France faute de financement des projets de recherche, du fait du manque de donneurs et de contraintes économiques", assure l'avocate. "Le monde médical est unanime sur l'infaisabilité d'une telle greffe en France durant la période qui occupe cette affaire."

En 2017, suite notamment au cas de Laura Nataf, la France a entrepris de mieux définir le cadre juridique et financier de ce type de greffes.

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