Grève dans les crèches et mobilisation des professionnels de la petite enfance pour défendre les conditions d’accueil

En parallèle d'un appel à la grève ce jeudi, des professionnels de la petite enfance se sont rassemblés ce matin devant le ministère des Solidarités et de la Santé. Conditions d’accueil des enfants, salaires, formation… Ils s’inquiètent du projet de réforme du gouvernement.

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"Bébés en boîte, garantis élevés sans professionnel qualifié", pouvait-on lire parmi les slogans affichés. Ce jeudi en fin de matinée, plusieurs dizaines de professionnels de la petite enfance se sont rassemblés devant le ministère des Solidarités et de la Santé, dans le VIIe arrondissement de Paris, pour protester contre le projet de réforme des modes d'accueil préparé par le gouvernement.

"L’adoption, le 21 octobre dernier, de la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action publique (loi ASAP) et de son article 36, permettant au gouvernement de procéder par ordonnance à la simplification des normes d’accueil du Jeune Enfant, s’annonce en défaveur de la qualité d’accueil des enfants et des conditions de travail des personnels", estime dans une lettre la CGT, qui a appelé à la grève ce jeudi, au sein d’une intersyndicale formée avec le SUPAP-FSU et l’UCP Petite Enfance. "La loi va être promulguée début décembre et les décrets et ordonnance prévu par la loi rentrer en vigueur dans les 6 mois", précise un autre communiqué.

"Diminution du nombre de professionnel.le.s diplômé.e.s pour l’encadrement des enfants", "accueil en surnombre"… Le syndicat craint une "dégradation de l’accueil des enfants", qui démontre selon lui une "volonté" de la part du gouvernement "d’imposer la rentabilité et la productivité" dans les établissements concernés, de "généraliser le surbooking de l’accueil des jeunes enfants et de cautionner le développement des crèches low-cost".

Emilie Philippe, porte-parole de "Pas de Bébés à la Consigne", un collectif formé en 2019 avec des associations et des syndicats, et qui a organisé le rassemblement devant le ministère, explique que les mesures prévues par le gouvernement "risquent de dégrader les conditions d’accueil des enfants".

On demande un taux unique d’un professionnel pour cinq enfants.

Emilie Philippe, porte-parole de "Pas de Bébés à la Consigne"

Elle cite entre autres la question du taux d’encadrement : "Le taux est actuellement d’un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas, et d’un professionnel pour huit enfants qui marchent. On demande un taux unique d’un professionnel pour cinq enfants. Le gouvernement peut profiter de cette réforme pour apporter une vraie amélioration. On demande par ailleurs une surface de 7 m2 minimum par enfant, partout sur les territoires, y compris dans les villes à forte pression foncière. Les enfants ont besoin d’espace."

"On demande aussi au moins 50% de professionnels diplômés dans les établissements, détaille cette éducatrice de jeunes enfants de formation. Le taux actuel est de 40%."

"Beaucoup de professionnels quittent déjà la profession, il y a un ras-le-bol"

Charlène, qui travaille dans une crèche associative à Argenteuil en tant qu’éducatrice de jeunes enfants, était présente au rassemblement. "Il faut absolument éviter d’augmenter le nombre d’enfants par professionnels, s’inquiète-t-elle. Les structures sont déjà assez petites. Pour nous, il y a un risque d’épuisement supplémentaire."

"Mal de dos, souffrance morale, burnouts… Vu la situation, beaucoup de professionnels quittent déjà la profession, il y a un ras-le-bol, raconte l’éducatrice. Certains enfants peuvent changer de professionnelles cinq fois dans l’année. Ils viennent, ils repartent, et ne sont pas forcément remplacés, vu le bas niveau des salaires. Les conditions sont pires d’années en années. On voit aussi déjà des enfants en souffrance. Parfois on crie sans le vouloir, parfois on a des gestes qu’on ne souhaite pas, parfois on laisse pleurer des enfants alors qu’on voudrait les consoler, parce qu’on n’a pas le choix… Et on ne peut pas répondre à leurs besoins."
"Il faut aussi permettre aux professionnels d’évoluer, avec d’autres formations et qualifications, ajoute-t-elle. Il faut revaloriser les salaires et les carrières, et assurer des conditions de travail décentes. Notre travail a besoin d’une vraie reconnaissance. Il faut attirer des professionnels : malgré la forte demande d’accueil, des crèches ferment."

La loi existante est déjà déconnectée de la réalité

Marie Ganne, mère d'un garçon de deux ans et demi

Des parents étaient également présents lors de l’action devant le ministère, comme Marie Ganne, qui habite dans le 14e arrondissement de Paris. "La loi existante est déjà déconnectée de la réalité actuelle, en termes de taux d’encadrement, explique cette mère. La loi est déjà insuffisante et là, on va dans le sens inverse. Il faut assurer la sécurité physique et l’équilibre affectif des enfants. Avec ce projet de réforme, on va vers de la maltraitance : les professionnels, qui font ce métier par vocation, n’auront pas les moyens d’exercer correctement leur travail."

"Je suis maman d’un garçon de deux ans et demi en crèche parentale, gérée par des associations de parents, et on voit très bien la réalité du terrain, la réalité pour les enfants et les professionnels, souligne-t-elle. En tant que maman, cette réforme me révolte. Cette loi est tournée vers les crèches des gros groupes privées. Pour l’ensemble des crèches, ce n’est pas tenable."

Dans les Hauts-de-Seine, dans plusieurs collectivités, deux tiers des crèches étaient fermées

Emilie Philippe, porte-parole du collectif "Pas de Bébés à la Consigne"

Du côté du collectif "Pas de Bébés à la Consigne", Emilie Philippe affirme que, si "le rassemblement d’aujourd’hui a été compliqué à organiser" dans le contexte de crise sanitaire, "les taux de grévistes sont très conséquents" : "Dans les Hauts-de-Seine, dans plusieurs collectivités, deux tiers des crèches étaient fermées". Elle précise qu’une action de mobilisation a aussi été lancée en ligne ce jeudi : "On avait appelé les professionnels à se prendre en photo pour ensuite envoyer leurs témoignages et revendications pour inonder la boîte mail du ministère".

Emilie Philippe ajoute que les organisations vont recevoir le projet d’ordonnance et de décret à la fin de la semaine : "On aura une semaine de délai pour apporter nos contributions, dans le cadre de la consultation". Si "rien n’est encore acté", une nouvelle mobilisation dans la rue devrait avoir lieu début 2021.
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