Généralistes et spécialistes libéraux sont appelés à fermer les cabinets ce vendredi 13 octobre, annuler les consultations et déprogrammer toutes les opérations prévues, hors urgences vitales.
Les médecins libéraux font grève ce vendredi à l'appel de l'ensemble de leurs syndicats représentatifs. Une grève reconductible avant de nouvelles négociations tarifaires et l'examen au Sénat d'une loi qui les exaspère.
Un signal fort pour ces professionnels de santé qui veulent "montrer l'importance de la médecine libérale", quitte à provoquer "une crise sanitaire", a expliqué mardi Philippe Cuq, président du syndicat de chirurgiens Le Bloc et porte-parole d'une toute nouvelle "intersyndicale" qui réunit 12 organisations de professionnels ou futurs médecins.
"On fait ça la boule au ventre, mais on ne peut plus laisser se dégrader notre secteur", a tranché le chirurgien. Forte d'une unité "jamais vue" selon ses représentants, l'intersyndicale promet une mobilisation d'ampleur, bien au-delà des 10% de praticiens syndiqués en France.
L'Île-de-France, plus grand désert médical de France
En Île-de-France, la situation des médecins libéraux est particulièrement compliquée. La région étant devenue en 2022 le plus grand désert médical de France. Selon l'ARS d'Ile-de-France, 62,4% des Franciliens ont une offre de soins insuffisante ou rencontrent des difficultés à accéder aux soins, soit 7,6 millions de personnes.
En cette journée de grève, les six syndicats représentatifs (Avenir Spé-Le Bloc, CSMF, MG France, FMF, SML, et UFML-S) ont donc décidé de faire front. Tous font le constat d'une profession "à bout de nerfs", qui se sent évincée des politiques de santé publique.
Ils critiquent des "choix politiques qui dissuadent les jeunes de s'installer" et font reculer la pratique libérale, au profit du salariat. Selon l'Ordre des médecins, l'effectif à statut exclusivement libéral a baissé de 11,8% depuis 2010, alors que l'effectif des médecins salariés a augmenté de 13,4%.
Des revendications multiples
Première revendication : la reprise des négociations tarifaires avec l'Assurance maladie, avec "de vrais moyens" pour redonner du souffle au métier. L'échec l'an dernier d'une première tentative de négociation avait conduit à une revalorisation a minima de 1,50 euro de la consultation de base (26,50 euros pour le généraliste), qui entrera en vigueur le 1er novembre.
Tout le monde, gouvernement compris, juge insuffisante cette revalorisation. La dernière datait de 2017.
Mais l'exécutif ne veut pas lâcher plus sans obtenir des médecins de nouveaux engagements servant ses objectifs, comme aider les Français à trouver un médecin, ou limiter la hausse de la consommation des médicaments.
Les objectifs varient en fonction des syndicats, qui réclament entre "30 euros la consultation de base" des généralistes pour le modéré MG France, et 50 euros pour d'autres syndicats comme l'UFML.
"Ce n'est pas pour augmenter ce qu'on gagne, c'est pour pouvoir embaucher", notamment des assistants médicaux ou infirmiers, pour réduire le travail administratif et se concentrer sur les tâches proprement médicales, a expliqué à l'AFP le docteur Patrick Gasser, président d'Avenir Spé-Le Bloc (médecins spécialistes).
"Non" à la loi Valletoux
L'intersyndicale fustige aussi la proposition de loi Valletoux sur "l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels", qui sera examinée fin octobre au Sénat. Ce texte, jugé bureaucratique et coercitif selon les syndicats, vise à imposer aux médecins libéraux une forme de responsabilité territoriale.
Les spécialistes, en particulier, redoutent d'être mobilisés pour assurer des gardes, voire d'être contraints d'aller les assurer à l'hôpital public. Le budget de l'Assurance maladie prévu pour 2024 est enfin jugé "largement insuffisant" face à la crise que traverse le système de santé, entre vieillissement de la population et pénurie exponentielle de médecins.
"Depuis 20 ans, rien n'est fait. Aujourd'hui le démantèlement de la médecine libérale s'accélère", déplore auprès de l'AFP le président d'honneur de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon.