Anne Hidalgo a annoncé qu'elle ne briguerait pas un troisième mandat en 2026. Depuis son élection, la maire socialiste a fait l'objet d'intenses attaques, notamment sur les réseaux sociaux. Pourquoi Anne Hidalgo, suscite-t-elle autant d'animosité ? Nous avons posé la question à Sandrine Lévêque, professeure de science politique à Sciences Po Lille.
"On se souviendra de la saleté, des rats, de l'insécurité, des migrants et des 10 milliards de déficit... Merci #Hidalgo pour tout ce que vous avez fait de la plus belle ville du monde !", "Un bilan catastrophique","Les sous-fifres d’#Hidalgo la félicitent pour les JO et ses pistes cyclables. Bien maigre bilan après 10 ans de mandature", "Elle aura fait de sacrés dégâts, #HidalgoDemission", écrivent des internautes… Piochés au hasard sur les réseaux sociaux, ces propos, parfois très violents, ont accompagné les deux mandatures d'Anne Hidalgo.
Pourquoi un tel déchaînement ? Sandrine Lévêque, professeure de sciences politiques à l'université de Lille, travaille sur la question des femmes en politique. Elle répond à nos questions.
La fonction de maire de Paris est-elle particulièrement exposée ?
Sandrine Lévêque : ll y a eu une détestation très particulière d’Anne Hidalgo lié au contexte politique de Paris qui est extrêmement concurrentiel : c’est-à-dire qu’il y a une opposition politique extrêmement bien structurée. La mairie de Paris est un enjeu très fort qui ouvre au jeu politicien, où l’on dénonce son adversaire.
Par ailleurs, elle n’est pas tellement soutenue politiquement. On voit comment se passe la succession. C’est très compliqué, ce n’est pas quelqu’un qui dispose d’un capital partisan très grand. Ce qui est intéressant, en désignant Rémi Féraud, sénateur PS et ancien maire du 10e arrondissement, comme son successeur, c'est qu'elle a choisi une transmission dans l’appareil partisan. C'est ce capital partisan ou militant qui permet de faire une carrière en politique.
Anne Hidalgo, lorsqu'elle se présente aux élections de 2014, c’est quelqu’un qui a fait une carrière locale, elle n’est pas énarque, contrairement par exemple à Nathalie Kosciusko-Morizet qui cumule les ressources politiques puisqu’elle est polytechnicienne et elle a été ministre.
À l’époque, elle n’a pas non plus une place très importante à l’intérieur du parti socialiste, il y a eu des tas de rumeurs sur la façon dont elle était positionnée à l’intérieur du parti et l’idée que derrière elle, il y a Bertrand Delanoë et son mari Jean-Marc Germain, polytechnicien et homme politique.
Et le fait d'être une femme ?
SL : Je pense qu’il y a aussi une dimension genrée dans la dénonciation d'Anne Hidalgo. Comme beaucoup d'autres femmes, elle n’échappe pas à tous les travers de la dénonciation des femmes en politique. En 2020 en plein COVID, face à Agnès Buzin et Rachida Dati. Il y a cette idée de "duel de femmes" ou "de combat de dames" qui va être mis en place par les médias.
Au moment où elle commence sa carrière politique, on va commencer à la présenter comme la petite fille d’immigrés, une donnée qu'elle met, d'ailleurs elle-même, en avant, et qui va se retourner contre elle. On trouve des articles dans la presse où on l’a décrit avec sa petite robe bleue, ses talons plats et sa peau dorée. Elle a "maigri", elle a "grossi"… Des choses très en rapport avec son corps.
Anne Hidalgo a commencé sa carrière en jouant aussi un peu là-dessus. Au moment de la parité en 2001, elle va jouer sur son identité de femme, le stigmate va être facilement retourné. Elle est présentée, un peu comme toutes les femmes politiques, c’est-à-dire, on va plus s’intéresser à son corps, à sa manière de s’habiller, au fait qu’elle ait une peau dorée qu'à son programme politique.
Anne Hidalgo a-t-elle été aussi attaquée sur sa personnalité ?
SL : La stigmatisation, elle ne vient pas simplement des journalistes, elle très organisée au niveau de l’opposition parisienne. Les adversaires politiques vont la déconsidérer en disant qu’elle est colérique, pas constante, pas compétente. Il y a vraiment cette dimension qu’on ne retrouve pas dans la manière dont est décrit, par exemple, Bertrand Delanoë lorsqu’il est maire de Paris. Elle suscite une détestation que très peu d’hommes politiques suscitent, c’est très particulier.