INTERVIEW. Le métro parisien, le cauchemar des personnes à mobilité réduite

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Lors de la conférence nationale du handicap, le gouvernement a annoncé consacrer un milliard et demi d'euros au renforcement de l'accessibilité aux lieux publics. À Paris, si le réseau RER, bus et tramways est accessible aux personnes à mobilité réduite, le métro leur est quasiment interdit faute d'ascenseurs.

Le 16 avril dernier, Marie-Amélie Le Fur, la présidente du Comité paralympique et sportif français déclarait : « les problèmes d’accessibilité, malheureusement, sont inhérents à notre pays, à la capitale parisienne et nous espérons vraiment que l’accueil de ces jeux paralympiques va permettre cette prise de conscience. »  À l’heure de la sixième conférence nationale du handicap, gros plan sur l’accessibilité, point noir de la politique des pouvoirs publics. Entretien avec Nicolas Merille, conseiller national accessibilité à APF France handicap, anciennement appelée Association des paralysés de France.

Quel bilan dressez-vous de l’accessibilité des transports en commun dans la capitale ?

Le bilan est très contrasté selon les modes de transports et l’implantation géographique.

Concernant le métro, la situation est catastrophique. C’est absolument scandaleux. Seule la ligne 14 est accessible aux personnes en fauteuil, autrement dit 3% du réseau parisien ! Prenons l’exemple de Londres à titre de comparaison. Lors des JO de 2012, la capitale britannique s’est lancée dans un vaste plan d’amélioration continue de son métro. Aujourd’hui, 18 % des stations sont accessibles aux personnes en fauteuil. Or non seulement le métro londonien est plus ancien que celui de Paris (1873 contre 1900) mais il est également plus profond, de trente à quarante mètres sous terre.

Comment ne pas être agacé par les lourds travaux en cours place d’Italie dans le but d’installer des escalators sans même avoir réfléchi à installer un ascenseur ?

Nicolas Merille, APF France handicap

APF France Handicap fustige Ile-de-France Mobilité ; on ne demande pas une accessibilité totale. En revanche, il y a un manque de volonté des pouvoirs publics. Cela tient en l’absence de volonté politique nationale ou locale, une inertie totale. 

Soit il s’agit d’une méconnaissance soit d’un déni de voir la réalité des personnes en fauteuil qui vivent au quotidien une véritable ségrégation. Elles n’ont pas la liberté d’aller et venir.

Nicolas Merille, APF France handicap

Concernant le tramway et les bus. Le tramway est un mode de transport récent à Paris, le constat est très satisfaisant, tout est accessible. Pour les bus, le bilan est plus mitigé. Dans la capitale, c’est globalement satisfaisant, les véhicules sont tous équipés de deux places réservées aux fauteuils, le matériel roulant muni de plateforme. Nous regrettons en revanche qu’en grande couronne, il n’y ait qu’une seule place dans les bus, alors même qu’ils desservent certains sites olympiques. Reste la problématique de l’accueil dans les points d’arrêts, l’aménagement est à la charge des municipalités et là encore, nous constatons beaucoup trop d’inertie.

Enfin, côté RER, IDF Mobilité a investi 1,4 milliard depuis 2008. Il y a à présent une belle dynamique sur le réseau francilien, l’accessibilité des gares a progressé mais subsiste toujours le franchissement entre le quai et la rame. Les personnes en fauteuil sont obligées de demander l’aide d’une personne physique qui installe une plateforme.

Avez-vous participé à la conférence nationale du handicap ? Que pensez-vous de l’appel au boycott lancé par certaines associations ?

Oui. Notre association APF France Handicap y a participé. Le collectif France Handicap qui regroupe plusieurs dizaines d’associations a décidé de boycotter la conférence aujourd’hui, mais ces associations ont leur liberté d’action. APF France Handicap participe donc à des tables rondes, précisément autour de l’accessibilité, cet après-midi.

Conjointement, nous avons lancé aujourd’hui l’opération #aupieddumur pour dénoncer le manque d’actions concrètes.

Nous voulons la mise en place d’une politique publique réelle et sérieuse. L’arsenal législatif existant est complet, mais il faut accompagner les acteurs de terrains avec des mesures budgétaires incitatives. Il n’y a rien à ce jour pour permettre à ces acteurs d’appliquer la loi, rien non plus en matière de mesures répressives. 

L’état n’exerce pas sa mission de contrôles et de sanctions.

Nicolas Merille, APF France handicap

Comment se profile l’accueil des personnes handicapées à moins de 500 jours des jeux olympiques et paralympiques ?

Depuis la publication le 5 février dernier de notre tribune dans le Monde, un dialogue s’est engagé avec une quarantaine d’interlocuteurs afin d’améliorer l’accessibilité.

350 000 personnes handicapées devraient assister aux jeux. Où vont-elles loger ? Sur toute l’Île-de-France, nous avons recensé avec l’Office de tourisme 3450 chambres uniquement adaptées aux personnes à mobilité réduite (PMR).

Autre point d’inquiétude, les transports toujours. Quatre à cinq mille personnes handicapées assisteront chaque jour aux jeux olympiques et paralympiques. Les spectateurs handicapés pourront se rendre sur place avec leur véhicule personnel ou emprunter des taxis qui les déposeront à proximité des entrées. Deux cents taxis parisiens sont actuellement adaptés aux PMR, 481 ont répondu à l’appel d’offres et l’objectif est d’atteindre un millier d’ici 2024.

Concernant les transports collectifs et pour pallier leur inaccessibilité, un système de navettes gratuites est mis en place. Elles partiront de toutes les gares parisiennes et de la station Rosa Parks, et achemineront les spectateurs munis d’un billet ainsi qu’un accompagnant. Ces navettes desserviront l’ensemble des sites olympiques et paralympiques.

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