Les célèbres boîtes vertes qui longent les quais de Seine depuis près de 500 ans vont être retirées l'année prochaine, le temps des Jeux Olympiques et Paralympiques. L'argument sécuritaire est invoqué, mais les bouquinistes s'inquiètent et ne comprennent pas. Récit.
"0 dialogue, 0 concertation, c'est le fait du roi". Jérôme Callais, président de l'association culturelle des bouquinistes de Paris, est amer. Depuis plusieurs mois, il interroge les autorités sur le sort qui sera réservé à sa profession au moment des Jeux Olympiques de Paris, à l'été 2024.
"Depuis près de deux ans, j'interroge les différents services de la mairie de Paris pour savoir comment vont être sécurisées nos boîtes. J'ai demandé un rendez-vous à la préfecture de police de Paris en janvier, ils m'ont dit qu'ils reviendraient vers moi dès qu'il y aurait du nouveau", confie le bouquiniste. Pas de nouvelle, mauvaise nouvelle, au début du mois le couperet est tombé.
"Le 10 juillet dernier, la mairie de Paris a organisé une réunion d'information. C'est là qu'on nous a dit qu'il fallait dégager nos boîtes car elle gênait la vue", incompréhensible pour Jérôme Callais. "En aval de la Seine, il y a des kilomètres de quais qui sont disponibles. Nous sommes un symbole majeur de Paris, on est là depuis 450 ans et dans la logique de la promotion de la ville et de ses monuments ils veulent nous gommer soigneusement pour ne pas qu'on apparaisse… C’est quand même un peu contradictoire". Au total, près de 140 bouquinistes sur les 220 présents dans la capitale seraient concernés.
Plusieurs dispositifs proposés
Trois propositions ont par la suite été formulées à ces libraires de plein air pour décider du sort de leurs quelque 600 boîtes. Première option, un maintien sur place mais une fermeture obligatoire et sécurisée le temps des Jeux. Une option envisageable pour Christian Nabet, bouquiniste sur le quai Montebello : "Le fait de ne pas pouvoir ouvrir est embêtant, mais ce n'est pas catastrophique".
Deuxième option, l'enlèvement de leurs boîtes le temps des Jeux, pris en charge par la Ville qui s'engage à réparer celles abîmées par l'opération. "Si les boîtes sont enlevées dès le mois de juin et qu'elles se cassent, combien de temps faudra-t-il pour les récupérer ?", se demande Jérôme Callais. "De quoi les bouquinistes vont-ils vivre pendant plusieurs mois ? La période de chômage va être monstrueuse", argue le président de l'association, qui s'inquiète également de la question du dédommagement.
Dernière proposition enfin, l'enlèvement des boîtes, sans réfection cette fois, ce qui aurait permis de les rendre plus rapidement à leurs propriétaires. Des opérations très délicates, alors que certaines boîtes sont fragiles. "Je pense que 2 boîtes sur 4 vont casser pendant l'enlèvement. Il n'y a pas deux boîtes pareilles. Certaines sont très anciennes, d'autres ont des hauteurs spécifiques. On ne retire pas 600 lego, mais 600 cas particuliers".
Pour la Ville, un enjeu de sécurité
Dans un communiqué de presse en date du 26 juillet, la Ville de Paris semble finalement avoir entériné la deuxième proposition, au nom d'un impératif de sécurité. "À la demande de la préfecture de Police, les boîtes des bouquinistes devront être enlevées afin de sécuriser les berges de Seine".
La Ville précise également que la création d'un "Village des bouquinistes dans un quartier proche de la Seine" a été proposée aux bouquinistes qui le souhaitent, afin qu'ils profitent "des opportunités et des retombées touristiques" des Jeux de Paris.
La Ville déclare également que la prise en charge à ses frais de la réfection des boîtes constituera "un élément d'héritage supplémentaire des Jeux et contribuera à appuyer la candidature des bouquinistes des Quais de Seine au patrimoine immatériel de l'Unesco".
Des réponses loin d'être satisfaisantes pour Christian Nabet : "Nous ne sommes pas soutenus par la mairie. Comme on ne paie pas de loyer, on ne rapporte pas, donc nous sommes considérés comme une quantité négligeable malgré l'aura culturelle". Avant de conclure, espérant rapidement fermer ce chapitre "JO" : "Les fonctionnaires passent, les bouquinistes restent, on n’a pas trop peur".