Gardé à vue toute la nuit et toute la matinée, il a été remis en liberté ce mercredi 18 en début d’après-midi. Le procureur de la République a retiré le rappel à la loi et a classé l'affaire sans suite.
Un journaliste de France 3 Paris Île-de-France a été interpellé mardi soir dans le cadre de la manifestation organisée devant l’Assemblée nationale pour protester contre l’article 24 de la proposition de loi sur « la sécurité globale ». Gardé à vue toute la nuit et toute la matinée, il a été remis en liberté en début d’après-midi. Il raconte :
"Je me suis retrouvé à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la Rue du Bac vers 21h. J’ai vu au loin un déploiement de forces de l’ordre vers lequel je me suis aussitôt dirigé muni de ma carte de presse. Je filmais avec mon téléphone dans mon autre main. Des policiers m’ont laissé passer sans rien me dire de particulier. Et d’un coup, je me suis retrouvé à un endroit où sept personnes avaient été interpellées, rue de Bellechasse. Une fois encore, j’ai ma carte de presse et je filme la scène avec mon téléphone. Et là, un officier, visiblement énervé, m’a interpellé. Il m’a invectivé et m’a demandé de m’asseoir auprès des autres personnes interpellés", explique notre journaliste.
De l’interpellation à la libération
"On a sillonné Paris pendant 4 heures. Cette longueur s’explique par le fait qu’on était 28 personnes interpellées en tout. On a fait 5 commissariats. Au final, j’ai été mis en garde à vue vers 1h15 du matin au commissariat des Batignolles, dans le XVIIe arrondissement. J’y ai passé la nuit. Les policiers m’ont interrogé, mais aucune charge n’a été retenue. Je suis sorti vers 13h30 aujourd'hui", explique-t-il.Il y a très longtemps qu’un journaliste d’une grande chaîne de télévision n’avait pas été interpellé dans ces conditions.
"J’ai néanmoins eu un ‘rappel à la loi’. Les policiers m’ont reproché de ne pas m’être ‘dispersé après sommation’ lorsqu’ils tentaient de disperser la manifestation. Mais comme je suis arrivé sur les lieux une heure après la dispersion du mouvement, on ne m’a au final jamais fait de sommation. Et tous les policiers que j’avais croisés m’ont laissé passer. J’étais au mauvais endroit au mauvais moment", précise le journaliste.
Peu avant sa libération, son avocat témoignait pour France 3 Paris IDF, faisant part de son incompréhension dans cette affaire. "Aucun fait annexe n’a été reproché au gardé à vue. Ni rebellion, ni violence, ni quoi que ce soit", explique Me Dominique Tricaud. "Nous avons affaire à un journaliste d’une chaîne du service public. Il n’y a pas d’ambiguïté sur son statut. Il n’est pas là parce qu’il était en train de manifester ou en train de soutenir la manifestation. Il faisait tout simplement son travail (…). Il y a très longtemps qu’un journaliste d’une grande chaîne de télévision n’avait pas été interpellé dans ces conditions", insiste-t-il.
Le procureur de la République retire le rappel à la loi
Interrogé sur cette affaire, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a affirmé qu'il allait se pencher sur cette procédure. "Je suis tout à fait prêt à retirer le rappel à la loi et à classer sans suite pour un autre fondement, considérant que l'infraction n'est pas constituée", a-t-il expliqué sur RTL."On se trouvait dans une situation particulière, c'était une manifestation à laquelle participaient des journalistes. Toute l'ambiguïté était de savoir si l'intéressé était là en tant que manifestant ou en tant que journaliste. Il y avait une ambiguïté et il ne nous a pas aidé à la lever puisqu'il n'a pas répondu aux questions qu'on lui posait durant le temps de la garde à vue", a poursuivi le magistrat.
Dans un courrier transmis à l'avocat de ce journaliste et daté du 26 novembre, le procureur a annoncé qu'il avait effectivement classé l'affaire sans suite "pour le motif 'infraction insuffisamment caractérisée' de la procédure" entraînant un retrait du rappel à la loi.
France Télévisions condamne les faits
France Télévisions a fermement condamné l'interpellation de notre journaliste et l'atteinte à la liberté de la presse.Après l'interpellation et la mise en garde à vue, hier soir à Paris, d'un journaliste du Réseau de France 3, la Direction de France Télévisions condamne cette restriction des droits de la presse et l’obstruction au bon exercice du droit d’informer.
— Francois Desnoyers (@FrancoisDesnoy1) November 18, 2020
Fabrice Goll, Directeur régional de France 3 Paris Île-de-France a informé de son côté que "la Direction de France 3 Paris Île-de-France condamne avec la plus grande fermeté cette arrestation abusive et arbitraire d’un journaliste dans l’exercice de son travail et apporte bien sûr son total soutien à notre confrère".
Le SNJ, indique que "les graves incidents du 17 novembre doivent tous, journalistes, dirigeants de presse et citoyens, nous rappeler que la liberté d'informer est menacée."