L'avenue Bugeaud, du nom d'un maréchal de la colonisation algérienne "qui terrorisait les populations", bientôt renommée?

Conquérant sanguinaire de l'Algérie, le Maréchal Bugeaud est aujourd'hui discrédité selon Anne Hidalgo. La mairie de Paris veut débaptiser l'avenue qui porte son nom.

C’est une belle avenue résidentielle dont le calme vient d’être troublé. L’avenue Bugeaud, dans le 16e, est au cœur d’une passe d’armes entre la mairie de Paris et son maire d'arrondissement.  Voilà 160 ans que cette voie, entre la très chic avenue Foch et la place Victor Hugo porte le nom du Maréchal Thomas Robert Bugeaud. Mais voilà: la mairie de Paris veut faire enlever les plaques et changer le nom de l’avenue. Exit le Maréchal Bugeaud, figure de la colonisation de l’Algérie par la France au 19e siècle, place à Hubert Germain, ancien résistant et compagnon de la Libération.  

La mesure devrait faire l’objet d’un vœu symbolique lors du prochain Conseil de Paris mi-décembre, avant une délibération d’ici l’été 2024. 

 

Qui était le Maréchal Bugeaud?  

Dans le viseur de la Mairie de Paris, le Marchéal Thomas Robert Bugeaud. Il est “à l’origine de la mort de centaines de milliers de civils algériens lors de la conquête de l’Algérie” assure Alain Ruscio, historien spécialisé dans la décolonisation et auteur avec Marcel Dorigny de Paris colonial et anticolonial, promenade dans les rues de la Capitale (Hemisphères éditions).  

Militaire de carrière, le général Bugeaud est envoyé en Algérie pour diriger l’armée en 1836. À cette époque, la conquête de l’Algérie par la France piétine. Le Général Bugeaud reçoit l'ordre d'écraser la révolte des Algériens emmenés par l’émir Abdelkader. Il y reste sept ans et y mène une guerre totale. “Il terrorise la population, en pratiquant des razzias, la politique de la terre brûlée et des viols dans les villages”, explique Alain Ruscio. Il pratique aussi les déplacements forcés de populations et au sein de cette sinitre panoplie, des enfumades. Elles "consistaient à contraindre des populations à se réfugier dans des endroits isolés, en l'occurence des grottes, les bloquer, puis allumer des brasiers et provoquer ainsi des morts atroces".

Les enfumades consistaient à contraindre des populations à se réfugier – dans des endroits isolés, en l’occurrence des grottes, les bloquer, puis allumer des brasiers et provoquer ainsi des morts atroces.

Alain Ruscio, historien

 

On savait de son vivant que Bugeaud était un des pires conquérants mais à l’époque, il représentait la fierté du monde colonial et lui attribuer un nom de rue était une façon de l’honorer” explique l’historien Alain Ruscio.  

 

La mairie de Paris réagit

Face à l’Histoire, la mairie de Paris estime que la mémoire du Maréchal Bugeaud est frappée du "discrédit, coupable de ce qui serait aujourd'hui qualifié de crimes de guerre (...), son armée employant des méthodes meurtrières et inhumaines".

Le Maréchal Bugeaud est coupable de ce qui serait aujourd’hui qualifié de crimes de guerre (..) son armée employant des méthodes meurtrières et inhumaines   

Mairie de Paris

Mais cette réaction suscite l’opposition du maire du 16e, Jérémy Redler (LR). “Changer le nom d’une rue, c’est d’abord beaucoup de tracas administratifs pour les habitants de cette rue”, explique le service de communication du maire. "Les personnes n'habitent pas une rue pour mettre en valeur le nom de la rue. On parle de faits très anciens, la plupart des habitants ne savent même pas qui était Bugeaud", précise-t-on en mairie. 

Les personnes n’habitent pas une rue pour mettre en valeur le nom de la rue. On parle de faits très anciens, la plupart des habitants ne savent même pas qui était Bugeaud."

Mairie du 16e arrondissement

"Et pourquoi retirer seulement le nom de Bugaud, et pas d’autres personnages dans Paris?” poursuit-on au cabinet du maire du 16e, en regrettant le manque de concertation.  

 

Un argument partagé par l’historien Alain Ruscio. “Si on commence à débaptiser les rues, il faudrait certainement débaptiser presque un quart des rues de Paris. Bugeaud a une valeur symbolique, c’est vrai. Mais sous prétexte que c’est le plus connu, c’est mettre dans l’ombre d’autres sabreurs de la conquête d’Algérie. Pourquoi ne pas le faire pour les autres, Louis Juchault de Lamoricière par exemple, autre général qui a commis des atrocités en Algérie et qui a aussi une rue à Paris?(dans le 12e)" s’interroge-t-il. L’historien serait plus favorable à la solution initiée par la maire de Périgueux qui a décidé, en septembre dernier, de mettre sous la statue du Maréchal, natif de Dordogne, une notice explicative pour dénoncer ses méthodes .

Cinq noms de rue changés depuis 2001

Ne pas changer les rues, ne pas déboulonner les pancartes: la méthode est aussi plébiscitée par Anne Hidalgo. "Je ne suis pas du tout pour le déboulonnage des statues, je préfère qu'on ajoute et qu'on complète l'histoire par de l'explication", a précisé dans l'émission Quotidien sur TMC la maire de Paris qui semble faire de l'affaire de l'avenue Bugeaud un cas exceptionnel.  Depuis 2001, seules cinq dénominations jugées problématiques ont été retirées dans les rues de Paris.  

 

 

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