La baguette de pain, née à Paris, emblème dans le monde des Français, a été inscrite ce mercredi au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco. Une reconnaissance d'un savoir-faire artisanal qui réjouit les boulangers parisiens.
"C'est une grande reconnaissance pour notre métier en général, et l'artisanat en particulier", se félicite Christian Voiriot, ex-président du syndicat des boulangers de Paris, ajoutant que "cela va inciter les gens à prendre conscience de la place du pain dans notre culture".
"C'est effectivement une sorte de consécration", se réjouit Priscilla Hayertz, boulangère à Paris. "C'est un produit de base qui touche toutes les catégories socioculturelles, que l'on soit riche, pauvre... peu importe, tout le monde mange de la baguette".
"C'est une reconnaissance pour la communauté des artisans boulangers-pâtissiers. (...) La baguette, c'est de la farine, de l'eau, du sel, de la levure et le savoir-faire de l'artisan", s'est félicité Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française dans un communiqué.
La baguette, une Parisienne
Les boulangers parisiens peuvent être fiers ! Car c'est dans la capitale que la baguette de pain a vu le jour. "La baguette est née à Paris. C'était pour répondre à une demande des consommateurs de l'époque qui en avaient un peu marre de manger du pain rassis, les grosses miches. Et donc la baguette a été inventée pour rendre le pain croustillant. Elle a pu être développée grâce aux progrès qui ont été faits dans la meunerie, car pour obtenir une baguette, il faut un certain type de farine qui n'existait pas à l'époque", explique Christian Voiriot.
Mais attention, gare à ne pas donner une date de naissance trop précise pour notre pain quotidien, car les querelles de clocher sont toujours vivaces ! "Je ne me prononcerais pas sur la date de la première baguette, car il y a plusieurs écoles ! Je laisse les historiens en débattre !", sourit-il.
Le mot baguette apparaît au début du XXe siècle et ce n'est qu'entre les deux guerres qu'il se banalise, souligne Loïc Bienassis, de l'Institut européen de l'histoire et des cultures de l'alimentation, qui a fait partie du comité scientifique ayant préparé le dossier pour l'Unesco. "Au départ, la baguette est considérée comme un produit de luxe. Les classes populaires mangent des pains rustiques qui se conservent mieux. Puis la consommation se généralise, les campagnes sont gagnées par la baguette dans les années 1960-70", explique-t-il à l'AFP. Désormais, la consommation de la baguette décline surtout dans les classes aisées urbaines, qui optent pour les pains au levain, plus intéressants du point de vue nutritionnel, selon M. Bienassis.
Six milliard de baguettes fabriquées chaque année
Tous les jours, 12 millions de consommateurs français poussent la porte d'une boulangerie, et plus de six milliards de baguettes sortent des fournils chaque année. Aller acheter du pain est ainsi une véritable habitude sociale et conviviale qui rythme leur vie.
Pas si simple de fabriquer une bonne baguette. Et il est facile de rater une baguette, même pour les plus aguerris. "On est très dépendant de la météo. On doit prendre (en compte) la température des pâtes, de l'eau, du fournil", expliquait en 2019 à l'AFP le boulanger parisien Jean-Yves Boullier.
"Idéalement, il faudrait qu'il fasse chaud, mais pas plus de 22 degrés, humide mais pas trop. Sinon, les pâtes relâchent et le pain se ramollit", ajoutait-il.
Outre les gestes indispensables comme un pétrissage lent, une longue fermentation, un façonnage à la main et une cuisson dans un four à sole, tout repose sur un savoir-faire, expliquent les professionnels. Un savoir consacré aujourd'hui par l'Unesco.
"250 grammes de magie et de perfection"
L'organisation, qui honore avant tout des traditions à sauvegarder plus que les produits eux-mêmes, a ainsi distingué les savoir-faire artisanaux et la culture entourant cet élément incontournable des tables françaises.
Le président français Emmanuel Macron avait apporté son soutien à la candidature de la baguette, décidée en 2021, en la décrivant comme "250 grammes de magie et de perfection".
Cette reconnaissance est particulièrement importante compte tenu des menaces qui pèsent sur ce savoir-faire, comme l'industrialisation et la baisse du nombre de leurs commerces, surtout dans les communes rurales. En 1970, on comptait quelque 55.000 boulangeries artisanales (une boulangerie pour 790 habitants) contre 35.000 aujourd'hui (une pour 2.000 habitants), soit une disparition de 400 boulangeries par an en moyenne depuis une cinquantaine d'années.
Avec AFP