Le rhinocéros de Louis XV, Sam l'éléphant ou un dodo... À la fois musée pédagogique et lieu de recherches scientifiques, la Grande galerie de l'évolution fête les 30 ans de sa réouverture ce troisième week-end de mars. L'occasion de redécouvrir ce lieu qui intéressera petits et grands.
20 millions de personnes ont visité la Grande galerie de l'évolution depuis sa réouverture il y a 30 ans. Elle avait été fermée au public pendant presque un demi-siècle, de 1950 à 1994. Au total, 9 000 spécimens sont présentés : de l'énorme cachalot aux plus petits insectes. Et presque tous sont de vrais animaux, seuls quelques-uns ont été reproduits.
Plongée fascinante avec Cyril Roguet, directeur du Grand site du Jardin des Plantes au Muséum national d'Histoire naturelle.
Les animaux sont essentiellement naturalisés
En débutant au rez-de-chaussée, les spectateurs peuvent apercevoir un calamar géant. Si la technique est bien connue pour les vertébrés, elle est inédite sur des animaux dont l'épiderme est mou.
"Il faut d'abord sculpter ce qu'on appelle l'âme de l'espèce que l'on va présenter. Auparavant, on parlait 'd'empailler' car l'âme était réalisée en paille. Désormais, ce n'est plus le cas, c'est plutôt en polyester. Les taxidermistes déterminent ensuite une attitude, comme un sculpteur, qui donne une impression de réalisme. Pour le calamar géant, c'est un peu différent parce que c'est de la matière molle. La technique qui a été utilisée est la plastination, c'est-à-dire qu'on injecte une matière dérivée du plastique qui va pouvoir remettre en volume et conserver les formes", indique Cyril Roguet.
A lire aussi : La taxidermie, dans les coulisses du Muséum national d'histoire naturelle : "C’est un peu comme du maquillage"
Des animaux à portée de main qu'il ne faut pas toucher
Ce qui rend également cette galerie si spéciale, c'est la possibilité donnée aux visiteurs de voir les animaux de très près, sans qu'ils ne soient protégés par une vitre.
"Cela a été pensé dans l'idée d'avoir une grande proximité entre le visiteur et les spécimens. Dans d'autres muséums d'histoire naturelle de par le monde, les espèces sont présentées derrière des grandes vitrines. On appelle ça des dioramas, avec une reconstitution de décor. Ici, le choix a été vraiment de les présenter en épure, donc il n'y a pas de décors autour pour créer cette proximité. Les visiteurs peuvent être amenés à les toucher. Mais c'est un souci. C'est une pédagogie qu'on mène auprès des visiteurs pour qu'ils prennent conscience qu'en les touchant, ça les détériore", explique Cyril Roguet.
En 2015, le muséum a été victime d'un vol d'une corne de rhinocéros, sans doute destinée au marché de médecine parallèle en Asie. Depuis, toutes ont été remplacées par des répliques.
Entretien minutieux
Un travail de Sisyphe est accompli par les équipes du musée pour continuellement protéger ces animaux. C'est notamment le travail de Cassandra Porcheron, technicienne de conservation : "Là je nettoie l'intérieur de la bouche d'un hippopotame avec un chiffon. On enlève tout ce qui est poussières pour les protéger parce que cela peut abîmer les collections et surtout, ça attire les mites. Ce sont nos plus grands ennemis. On nettoie tous les spécimens naturalisés, mais aussi les moulages où les os dans la galerie de paléontologie."
Mais d'où proviennent tous ces animaux ?
Certains de ces animaux sont très anciens. C'est le cas du Rhinocéros de Louis XV, qui date du 18e siècle. Depuis 2008, les visiteurs peuvent aussi admirer Sam l'éléphant, un ancien éléphant de cirque qui vivait dans les années 1950. Il a terminé sa vie dans le Zoo de Paris puis naturalisé.
Les animaux naturalisés proviennent de sources multiples, mais ils ne sont jamais prélevés pour être ensuite exposés dans le muséum. Parfois, ce sont aussi des saisies des douanes faites dans les aéroports qui viennent alimenter la collection. "Il y a quelques années, des gendarmes ont découvert un énorme hangar dans le centre de la France. Un collectionneur avait naturalisé des dizaines d'animaux à la suite de safaris. Le Muséum a récupéré la collection, puisqu'il est hors de question qu'elle puisse circuler et être vendue sur le marché. Mais cela prend beaucoup de place", poursuit Cyril Roguet.
Un lieu de recherche scientifique
Une salle, située à l'écart de la Grande Galerie de l'évolution, accueille les animaux en voie d'extinction ou disparus. 250 spécimens sont présentés. Pour les 30 ans de la réouverture du lieu, deux reconstitutions de dodo (animal qui a disparu au 17e siècle) vont y être présentées.
"On n'a jamais pu avoir des squelettes entiers. Il s'agit de repenser à quoi il pourrait ressembler à travers des comparaisons avec d'autres espèces ou des dessins. Il a disparu en raison de la chasse par des Occidentaux qui se nourrissaient de sa chair, puisqu'en fait c'est une sorte de gros poulet. Il a été dévoré par les personnes qui débarquaient en Nouvelle-Zélande à l'époque", raconte Cyril Roguet.
Ces espèces naturalisées permettent aussi au Muséum de rester un centre de recherche très important. Environ 500 chercheurs travaillent dans les laboratoires qui sont parfois situés sous les pieds des visiteurs. Ils peuvent, par exemple, faire des prélèvements sur les espèces qui ont disparu pour déterminer leur génotype. Des millions sont conservés dans la zoothèque du muséum. Le lieu, fermé au public, est unique au monde et permet aux chercheurs d'avoir accès à des spécimens rares.
À l’occasion des 30 ans de sa galerie, le Muséum national d'histoire naturelle de Paris propose un week-end de festivités gratuites les 23 et 24 mars prochains. Visites thématiques, ateliers, lectures, performances artistiques et théâtrales sont au programme.