L'association Valentin Haüy a formé une équipe qui traduit de nombreux textes et partitions musicales en braille et permet à des personnes en déficience visuelle de sortir de l'isolement. Et les demandes de transcription sont parfois très surprenantes !
Pour tout un chacun, lire une notice, un mode d'emploi, une revue ou même une publicité est un acte commun. Mais lorsque l'on est non-voyant, tout cela devient beaucoup plus compliqué. L'imprimerie de l'association Valentin Haüy, située dans le 7e arrondissement de Paris, est presque aussi vieille que l'invention de l'alphabet inventée par Louis Braille (à la fin du XIXe siècle). Elle s'est donnée pour mission de répondre à ce besoin.
Dans leur catalogue, il y a, bien sûr, de la littérature classique. Mais il s'enrichit au fil du temps de nombreux autres textes. "On reçoit des demandes, cela va du particulier aux professionnels ou des musées. Les particuliers peuvent nous envoyer les livres qu'ils souhaitent transcrire", explique Carole Sansano, responsable de l'imprimerie.
"Parfois, nous avons des livres un peu … voilà. Mais on le fait, on est là pour ça", poursuit-elle évoquant le cas d'un client qui demande régulièrement la transcription de livres érotiques ou qui concernent la sexualité. Coût de l'adaptation : entre 30 et 50 euros, un prix bien en deçà du travail que cela représente.
Travail long et fastidieux
Il n'est pas facile de retranscrire un texte en braille. Kévin Robin, est, lui, transcripteur de musique et voyant. Ayant appris le braille à l'âge adulte, il lui a fallu 6 ans pour en maîtriser toutes les nuances. Il est désormais capable d'adapter n'importe quelle partition dans cet alphabet : "de la musique classique ancienne à Britney Spears".
"Le braille est une cellule de 6 points. C'est un petit rectangle vertical dans lequel il y a deux colonnes de trois points. Avec ce système, on peut avoir jusqu'à 64 possibilités et l'on peut écrire des lettres et des chiffres. Mais 64 possibilités, c'est peu, on a besoin d'associer plusieurs cellules pour avoir accès à de nouveaux signes", indique le jeune homme.
Car une fois les caractères appris, il faut aussi les adapter dans le contexte. Le braille intégral (un caractère égal une lettre) coexiste avec le braille abrégé (sorte de sténographie qui permet de prendre moins de place) et le braille par discipline (la musique, les mathématiques par exemple).
Ainsi, le musicien qui reçoit une partition de braille va devoir la lire avec ses doigts. "Une partition braille, on la découvre comme un livre. Le brailliste va découvrir la partition, la lire tranquillement, l'apprendre par cœur et seulement ensuite prendre son instrument et la jouer. C'est beaucoup plus long", poursuit Kévin Robin.
Moins de lecteurs
Mais avant d'arriver au produit fini, des correcteurs de braille entrent en scène. C'est le cas d'Arnaud Le Querler, expert de ce système d'écriture. "Je corrige tout ce que font mes collègues transcripteurs. Cela peut être n'importe quel type de documents : des revues, des modes d'emploi pour un téléphone, une promotion Picard pour les surgelés. En ce moment je travaille sur la revue de Montpellier. Je relis et corrige tout ce qui est faute de braille, faute d'abrégé ou d'intégrale", raconte-t-il.
Ce dernier a appris le braille dès son plus jeune âge car il est non-voyant de naissance : "Si je n'avais pas le braille, je n'aurais pas pu faire ce métier. Le 'noir' (l'écriture classique, ndlr), je le connais un peu mais pas plus que cela".
L'homme a vu passer des milliers de textes depuis son embauche. Un travail harassant mais vital pour de nombreux non-voyants, même s'ils sont de moins en moins à connaître le braille.
La baisse du nombre de non-voyants de naissance cumulé avec l'arrivée d'internet et de la synthèse vocale a changé la donne. Lui-même l'utilise pour lire ses mails ou ses SMS. Il faut dire que l'achat d'une tablette de braille est très chère, et peut coûter jusqu'à plusieurs milliers d'euros.
L'art pour les non-voyants
Alors des milliers de feuilles A4 sortent toujours des imprimeries où des machines antiques côtoient d'autres très récentes qui permettent d'embosser (d'imprimer le braille, ndlr) de nouveaux formats.
Le musée du Louvre a ainsi demandé à l'association d'adapter un catalogue en braille. "On a fait un catalogue qui représente quelques œuvres et une légende en braille pour chaque texture", poursuit Carole Sansano.
Avec ses 80 abonnés, la revue UFC-Que choisir ? est également retranscrite en braille. Pas intégralement bien sûr, certains articles comme ceux qui concernent l'automobile ne sont pas évoqués. "On n'en n'a pas vraiment besoin", relativise Arnaud Le Querler.
Le 4 janvier est la Journée mondiale du braille. Elle a été instituée par l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2018. Cette date marque également l'anniversaire de naissance de Louis Braille, qui, à l'âge de 15 ans, a inventé le système tactile de lecture et d'écriture destiné aux personnes aveugles ou malvoyantes.