La ligne était exploitée par une société privée, Thello, depuis 2011. La compagnie a assuré vouloir se concentrer sur les lignes à grande vitesse.
Le Covid aura scellé le sort de la ligne de train de nuit Paris-Venise (comme celle de jour, Marseille-Nice-Milan). Les deux lignes que Thello exploite, filiale de la compagnie publique de chemins de fer italiens Trenitalia, seront fermées.
"Nous vous confirmons l’arrêt des circulations en train de nuit sur la ligne Paris-Venise à partir du 1er juillet 2021. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous prochainement lorsque nous communiquerons plus en détails sur les nouveaux projets de Thello en France", explique ainsi l'entreprise dans un communiqué lapidaire à France 3 Paris Ile-de-France.
Une fermeture qui ne surprend pas vraiment Vincent Doumayrou, auteur d'une tribune sur la relance du train de nuit : "Le concept même paraissait compliqué dès le début. Ils ont créé une liaison Paris-Rome qui a été éphémère. Cela traduit aussi les difficultés d'instaurer une véritable concurrence ferroviaire. Depuis 2010, cette concurrence était possible sur les lignes internationales mais le trafic sur ces lignes est faible, c'est un marché de niche."
Quel avenir pour Thello ?
Thello avait été créée par Transdev et l'entreprise de chemins de fer italienne Trenitalia en 2010. Cette dernière a racheté l'ensemble des parts en 2016. Avec la fermeture de ces deux lignes, Thello, semble se retirer du marché français.
"Thello est prêt à affronter de nouveaux projets et de nouveaux défis en France", explique pourtant l'entreprise sur son site. À Rome, la maison mère Trenitalia avait indiqué en octobre (quand la CFDT avait fait part de l'intention de la compagnie de fermer Marseille-Nice-Milan) "être dans une phase de transition, avec un projet beaucoup plus grand, la grande vitesse en France", relève l'AFP.
Thello doit ainsi lancer des trains à grande vitesse, à l'automne selon la profession, sur la ligne Paris-Lyon-Milan, face aux TGV de la SNCF. D'après le magazine professionnel Rail Passion, la compagnie avait déjà pour ambition de relier Paris à Milan dès juin 2020, "avec dans un premier temps une clientèle italienne principalement visée".
L'avenir pour les salariés est aussi flou. Ils percevront "Une indemnité de mutation, une revalorisation des salaires d’agent de bord et une aide à l’installation sur Paris ou Lyon", indique la CFDT Cheminots.
Concurrencer l'aérien
Un coup dur pour l'avenir du train de nuit auquel le gouvernement souhaite redonner vie. Une dizaine de lignes sont prévues en 2030 comme Paris-Toulouse ou Marseille-Bordeaux. Deux vont ouvrir cette année : Paris-Nice et Paris-Tarbes.
"Depuis 25-30 ans, on a surinvesti dans le réseau longue vitesse. Cela a comme conséquence de délaisser les petites lignes du réseau secondaire et de diminuer l'offre de train de nuit. On a choisi de dire : 'on fait la pause sur les grands projets et on réinvestit sur le réseau secondaire. On remet le réseau ferré à jour, on le digitalise, on le modernise et on réinvestit dans la politique du train de nuit'", a indiqué Jean-Baptiste Djebbari, Ministre délégué aux Transports à Parigo fin mars dernier.
100 millions d'euros ont été alloués aux trains de nuit pour les deux prochaines années. Ils doivent notamment servir à remettre en état les wagons. "Il faut que l'on repense le modèle économique, que l'on ait des wagons qui soient modernisés", a poursuivi M. Djebarri n'excluant pas des wagons dédiés aux femmes pour améliorer leur sécurité.
Selon l'expert Vincent Doumeyrou, le train de nuit "a une certaine viabilité. D'après un récent rapport, il pourrait détenir jusqu'à 15% des parts de marché, ce qui est suffisant pour avoir une viabilité commerciale". D'autant que ce mode de transport permet de desservir des stations intermédiaires (contrairement à l'avion) et s'adresse à plusieurs types de clientèles grâce aux différentes offres proposées.
Enfin, l'argument du déplacement écologique pourrait séduire : "Plus de la moitié du trafic aérien français va vers l'Europe, en particulier vers les pays limitrophes. Le train de nuit est durable, émet beaucoup moins de gaz à effet de serre", ajoute Vincent Doumeyrou.
Mais seront-elles viables ? Car toutes ces nouvelles lignes seront ouvertes à la concurrence.