Le lac du parc des Buttes-Chaumont, dans le 19e arrondissement de Paris, fait l'objet d'une vaste opération de curage. Cette opération va permettre notamment d'évaluer l'état de la dalle porteuse au fond de l'eau. Cette intervention ouvre la voie à d'autres chantiers prévus dans le parc.
Impavides, les canards colvert croisent les engins de chantier qui progressent lentement dans la vase. Le lac des Buttes-Chaumont est aujourd'hui une vaste étendue d'un hectare et demi de vase grise. De petites pelleteuses remuent le fond de la boue tandis que des ouvriers s'affairent sur des murets qui cernent ce qui était, il y a quelques semaines, une étendue d'eau poissonneuse.
"On effectue ici le curage du lac. C'est une opération classique d'entretien mais qui n'a pas eu lieu depuis 30 ans", explique Sophie Godard de la Direction des Espaces Verts et Environnement, responsable de la division du 19e arrondissement du service d'exploitation des jardins. "Il y a une énorme quantité de vase qui s'est accumulée. Donc, ça pèse aussi sur le radier du lac et il était nécessaire d'intervenir", ajoute-t-elle.
Sur le radier, cette dalle porteuse en béton au fond du lac, s’est déposée en 30 ans "plus de 1800 mètres cubes de vases d'après les estimations". Des boues plus ou moins polluées selon l'endroit du lac où elles reposent par 1 mètre 30 de fond au maximum. "Cette vase va être analysée et suivant la pollution, ces vases vont être envoyées vers différentes filières de retraitement", précise Sophie Godard.
Mettre à nu le lac
Se débarrasser de la vase pour mettre complément à nu l'ouvrage, c'est le principal intérêt de cette longue opération de curage. L'évacuation progressive des boues va permettre également de découvrir dans quel état se trouvent le fond et les abords du lac. Une fois la vase enlevée, il s'agira pour les entreprises de ce chantier d'améliorer les murets de séparations, d'inspecter le radier, de repérer des infiltrations et "d'investiguer dans les fondations sous le lac", précise Sophie Godard. L'enquête dans les entrailles du lac est menée conjointement avec le bureau de Recherches Géologiques et Minières.
Le BRGM a déjà réalisé une étude "ligne à ligne" et "secteur par secteur" de l'ensemble du jardin, "grâce à des visites de terrains et à l’analyse quasi exhaustive de tous les documents produits depuis la création du parc", explique la mairie de Paris.
Tous les poissons déplacés mais sauvegardés
Aux abords du lac, le chantier capte l'attention des promeneurs. "On a combien de profondeur ? Où sont partis les poissons ?". Une passante interpelle, à travers le grillage, un ouvrier qui tente de lui fournir quelques informations. Fin septembre, les bénévoles et des salariés des fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique de Paris, de l'Essonne et de Seine-et-Marne ont pris dans leurs filets l'intégralité de la faune évoluant dans le lac. Les pêcheurs ont extrait de l'eau des carpes, des brochets, des brèmes, des goujons et des rotengles, soit 1,6 tonne de poissons.
"On a fait une pêche de sauvegarde. Les poissons ont été transférés vers des plans d'eau dans le canal de l'Ourcq, de Saint-Martin, les bassins des Bois de Vincennes et de Boulogne et certaines espèces ont été remises dans d'autres bassins plus petits des jardins parisiens", détaille Sophie Godard.
Le lac retrouvera son eau en mars
En mars 2024, le lac sera remis en eau et rempoissonné. Mais d'autres opérations de restauration plus complexes vont commencer. Les études techniques sont en cours pour la rénovation de la falaise et de l’île du belvédère dominée par le Temple de Sybille.
"On est sur des carrières de gypse (un minéral tendre qui s'érode au contact de l’eau, ndlr). Tout cela a été conçu il y a plus de 150 ans, et l'enjeu du chantier, c'est de reconstruire, remettre en état parce qu'on a de nombreux pans de la falaise qui s'émiettent et qui risquent de tomber", explique Sophie Godard. Il s'agit de réaliser une "rénovation pérenne des structures et ouvrages du parc ". De combler des fissures, de remédier aux affaissements à certains endroits du sol, de renforcer les 770 mètres de parois linéaires, de parois verticales et de la grotte des Buttes-Chaumont.
Cette ample consolidation des ouvrages permettra enfin au public, l'accès en toute sécurité, à l'île du belvédère, à la passerelle Eiffel qui enjambe le lac. Mais il faudra encore patienter. Car ce chantier à 6 millions d'euros (montant provisoire), présenté par la mairie de Paris comme "le plus important depuis la création du parc", ne fait que commencer.