D’ici 2024, ce tapis monumental commandé par le roi Charles X en 1825 devrait être remis sur pied après une restauration complète au sein du Mobilier national. Il a été épargné par l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame où il était entreposé.
C’est une nouvelle vie qui commence pour le tapis en laine de chœur de Notre-Dame de Paris. Ce chef d’œuvre de la première moitié du XIXe siècle est arrivé ce jeudi 7 juillet au Mobilier national dans le XIIIe arrondissement de Paris en vue de sa restauration complète après un séjour de trois ans dans les réserves extérieures de l’établissement.
Trois années qui ont servi à le dépoussiérer et le nettoyer, après avoir subi quelques dégâts lors de l’incendie de Notre-Dame le 15 avril 2019. Ce jour-là, le tapis est dans la partie sud de la cathédrale, à l’abri, enfermé dans deux caissons de bois légèrement surélevés. Il n’a ainsi souffert ni des flammes ni de l’eau déversée par les pompiers pour éteindre l’incendie, mais de l’humidité qui en a résulté.
Le feu éteint, le tapis (classé au titre des monuments historiques depuis 1974) a été extrait aussi vite que possible de l’édifice, puis préservé par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Île-de-France (services de l'Etat), avant d'être confié au Mobilier national pour y être conservé. Sa première mission a été de faire le nécessaire pour que l’humidité dont était imprégné le tapis ne pourrisse pas la laine et n’engendre le développement de parasites qui endommageraient le tapis.
"Style néogothique"
Conçu au sein de la Manufacture royale de la Savonnerie, ce tapis a été commandé par le roi Charles X en avril 1825 d’après les dessins de Jacques-Louis de la Hamayde de Saint-Ange. L’objectif du souverain est de l'offrir à la cathédrale Notre-Dame de Paris, à son chœur, la partie où se situe le maitre-autel. "Ce tapis est le seul de style néogothique à avoir été fabriqué par la manufacture de la Savonnerie (…), il est même le seul tapis qu’elle a réalisé pour une église", explique Antonin Macé de Lépinay, inspecteur en charge de la collection des tapis anciens au sein du Mobilier national.
Le tapis n’est pas encore achevé que Charles X est forcé d’abdiquer après la révolution de Juillet en 1830. Louis-Philippe 1er monte sur le trône. Ce dernier fait poursuivre le tissage du tapis, qui est achevé en 1833. La fabrication a pris plus de temps que prévu en raison de modifications apportées par rapport au modèle de départ. Les fleurs de lys ainsi que les armes de France sur les côtés de la partie inférieure du tapis ont été retirées. Elles sont remplacées par des soleils sur fond vert.
Le tapis de chœur est finalement offert à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1841 par Louis-Philippe 1er, à l’occasion du baptême de son petit-fils : le compte de Paris. Ce n'est alors pas la première fois que le tapis est montré au public. "Il avait été auparavant exposé pour le première fois, dans la galerie d’Apollon, lors de l’exposition des manufactures royales de 1838. Il était ensuite entré au Garde-meuble", explique Antonin Macé de Lépinay.
Le tapis n’est depuis déroulé qu’à l’occasion de grands événements ou cérémonies comme le baptême du prince impérial, la visite du tsar Nicolas II et de la tsarine Alexandra en 1896 ou encore celle du pape Jean-Paul II en 1980. Il a également pu être déroulé en 1948, lors de la première retransmission d’une messe à la télévision.
"Confectionné en quatre parties"
Redonner vie à ce tapis est toutefois un travail titanesque, qui représentera plusieurs mois de travail. Le tapis du chœur de Notre-Dame est d’une surface d’environ 200 m², long de 25 mètres et d'un poids total de plus d’une tonne.
Ces dimensions peu communes pour un tapis ont valu de le fabriquer en plusieurs pièces pour faciliter son transport et son déroulement. "Il a été confectionné en quatre parties, puis rentrayé en deux, puis en une seule. Et cinquante ans après, on s’est rendu compte qu’il était difficilement manipulable et qu’il valait mieux le rediviser en deux", explique Antonin Macé de Lépinay. "Cela se voit bien sur l’envers, mais presque pas sur l’endroit".
Il a été confectionné en quatre parties, puis rentrayé en deux, puis en une seule. Et cinquante ans après, on s’est rendu compte qu’il était difficilement manipulable et qu’il valait mieux le rediviser en deux.
Antonin Macé de Lépinay
Il requiert entre huit et dix personnes pour le déplacer du camion jusqu’à l'"Aquarium", le surnom donné au rez-de-chaussée des "Nouvelles Manufactures", bâtiment situé à l’arrière du Mobilier national. "Il accueille notamment une partie de la manufacture de la Savonnerie, toujours en activité, aux 1er et 2e étage", précise M. Macé de Lépinay. La partie inférieure a été déchargée un peu plus tôt dans la matinée.
La restauration se déroulera en différentes étapes : d'abord travailler le chaînage et le tramage du tapis (c'est-à-dire la structure, l’envers), avant de s’attaquer au velours (l’endroit). En ce qui concerne le matériel, le Mobilier national utilisera de la laine, fidèlement à l’œuvre originale. La laine utilisée pour restaurer ce tapis vient de Nouvelle-Zélande.
Fin de la restauration en 2024
La restauration de cette œuvre a été rendue possible grâce à une collaboration entre le Mobilier national, qui s’occupe des travaux, et la Direction des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France - donc l'Etat -, le propriétaire du tapis et qui a initié la restauration. C'est d'ailleurs la DRAC d'Île-de-France qui supervise la restauration de tous les objets mobiliers de la cathédrale.
L’objectif principal : c’est 2024. "La restauration du tapis doit être prête, au moins en état, durant l’année 2024 qui est l'année de la réouverture officielle de la cathédrale de Notre-Dame", précise Marie-Hélène Didier, conservateur des monuments historiques au sein de la DRAC d’Île-de-France.
Il manque toutefois un détail avant que la restauration ne commence officiellement : des stores "pour cacher la lumière naturelle qui peut avoir des incidences sur les couleurs du tapis", indique Antonin Macé de Lépinay. Il ajoute qu'ils "seront bientôt mis en place".