Le Théâtre de Verre, un lieu de créations culturelles menacé d'expulsion à Paris

La mairie de Paris souhaite mettre fin au bail du Théâtre de Verre, un espace culturel dans le 19e arrondissement de la capitale. A sa place, une médiathèque et un centre d'accueil pour réfugiés doivent voir le jour.

La compagnie du Reptile Cambrioleur termine tout juste ses répétitions. La troupe est venue répéter au Théâtre de Verre "Scènes de la vie conjugale", une pièce présentée au festival off d’Avignon l’été prochain. François Pick, le metteur en scène, sait que l’avenir est incertain avec l’épidémie mais "pas question de rester chez soi, il faut travailler en vue du festival". A raison de 3 à 4 répétitions par semaine, la compagnie a choisi ce lieu aux tarifs modestes. "Nous avons été très bien accueillis. On s’y sent libre et très bien malgré les restrictions sanitaires. Nous avons pu travailler dans une vraie salle de spectacles et présenter la pièce à des professionnels. Nous répétons dans des salles de classe. Ici les tarifs sont intéressants. Comme tout le monde de la culture, nous sommes dans une économie précaire. Nous faisons attention à nos dépenses", explique-t-il.

Un ancien lycée hôtelier

A deux pas des tours de la place des Fêtes dans l’Est parisien, le Théâtre de Verre s'est installé dans l'ancien lycée hôtelier Jean Quarré, inoccupé et un temps squatté. Danseurs, musiciens, chanteurs, plus de 500 compagnies et artistes viennent y travailler et louent des salles de répétitions à l’association Co-Arter qui gère ce lieu de créations. Avant la Covid-19, l'association recevaient plus de 1500 visiteurs par mois, proposant des expositions, des représentations théâtrales, des stages, des concerts ou des bals populaires.

"Notre principe a toujours été d'accueillir tous les projets artistiques, amateurs comme professionnels sans faire de choix et cela est unique à Paris", atteste Luis Pasina, le fondateur de Co-Arter, figure de la culture underground parisienne, pionnier des occupations des friches industrielles dans la capitale.

L’association Co-Arter a fondé le Théâtre de Verre en 1998 et occupe légalement cet ancien lycée de 1 300 m² depuis 2015. Un bail précaire a été signé avec la Ville. Co-Arter paie un loyer de 10 000 euros par an. Fin janvier, en pleine pandémie, la mairie de Paris annonce mettre fin à la convention d'occupation temporaire qui les lie. Les occupants ont trois mois pour libérer le site. Le 4 mai, ils doivent rendre les clefs, les huit salariés quitter les lieux. Des travaux sont prévus. L'ancien lycée doit laisser place à la future médiathèque James Baldwin et une Maison des réfugiés.

Incompéhension et mobilisation

"Une décision incompréhensible. Impossible de se retourner en si peu de temps en plein Covid", dénonce Luis Pasina : "Cela fait six ans que nous sommes place des Fêtes. Nous avons fait des travaux notamment sur la toiture. Nous payons un loyer et nous avons tissé des liens avec les jeunes, les associations du quartier. Nous étions ouverts 7 jours sur 7 avant la Covid". Et de poursuivre : "La dimension politique et culturelle que nous portons doit être reconnue par la mairie. Le Théâtre de Verre a un engagement, une philosophie, une âme".

"Nous ne partirons pas tant que nous n’aurons pas de garantie de relogement comme la mairie l'avait affirmé", assure-t-il prêt à renouer avec son passé d'occupation et de squat.

Selon Carine Rolland, élue en charge de la Culture à la Ville de Paris, "L’association Co-Arter est basée sur un principe de nomadisme comme elle le dit elle-même et s’inscrit dans les opérations dites d’urbanisme temporaire, qui, comme leur nom l’indique, permettent d’installer des associations (souvent sociales ou culturelles) dans des bâtiments sans occupation, avant qu’ils n’entrent en chantier. C’était le cas du lycée hôtelier Jean Quarré. L’association Co-Arter s'y est installée en 2015 en sachant que ce serait temporaire. Ils devaient initialement quitter les lieux en 2019, la Ville a prolongé d’un an leur occupation", explique-t-elle, ajoutant que " deux propositions ont été faites mais l'association les a refusées".

Par ailleurs, la Ville indique ne plus avoir droit de loger des associations "dont le modèle économique est basé sur la sous-location (ce qui est le cas de Co-Arter) sans mise en concurrence, c’est-à-dire sans qu’elles répondent à un appel à projets".

Des propos démentis par Luis Pasina. "Nous n'avons reçu qu'une seule proposition de relogement, inadaptée, dans un ancien supermarché sous le périphérique Porte de la Villette. L’environnement n’est pas propice pour recevoir du public, pour créer. Il faut faire des travaux et nous n’en avons pas les moyens." "On se sent lachés par la mairie", ajoute l'administratrice du Théâtre de Verre pour qui l’association a une mission culturelle.

Des conseillers parisiens ont apporté leur soutien au Théâtre de Verre. "C'est quand même censé être des socialistes à la mairie", a dénoncé Danielle Simonnet, élue LFI, qui a demandé à l'exécutif parisien de "suspendre l'expulsion" en attendant un relogement. Lors du dernier Conseil de Paris en mars, des élus écologistes et communistes ont émis un vœu allant dans ce même sens reconnaissant "le rôle essentiel" de ce lieu de création culturelle à Paris. Ils demandent que le Théâtre de Verre trouve un nouveau lieu d'accueil.

Une pétition est en ligne pour soutenir le Théâtre de Verre.

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