L'inquiétude est vive chez les parents et professionnels de la petite enfance, qui se mobilisent contre la fermeture de jardins d'enfants pédagogiques (JEP) amenés à disparaître depuis le vote de la loi Blanquer "pour une école de la confiance."
Les jardins d'enfants, ce sont ces structures éducatives financées par les communes, qui accueillent des enfants de 2 à 6 ans. Ils existent depuis maintenant 100 ans. S'ils appliquent bien le programme de l'école maternelle, ils s'adaptent aux besoins spécifiques des jeunes enfants.
Prendre son temps pour apprendre
Dans les classes des JEP, on prend le temps pour acquérir les savoirs jusqu'à l'entrée au CP. Tenir un stylo ou à former des lettres, le rythme n'est pas imposé comme dans une année scolaire classique de maternelle et rien ne sera reproché à l'enfant. L'essentiel étant qu'il acquiert ces nouvelles notions quand il le peut. Dans ces structures qui accueillent aussi des enfants en situation de handicap, on y prône la pédagogie active, qui s'inspire de la méthode Montessori.
Mais avec la loi "pour une école de la confiance", promulguée en 2019, quelque 250 jardins d'enfants en France, la moitié implantée en Île-de-France, sont menacés. A Paris, ce sont plus de 800 enfants répartis dans les 20 établissements gérés par la Ville, qui sont concernés.
L'école obligatoire dès 3 ans
Cette loi rend obligatoire la scolarisation des enfants à partir de trois ans, et non plus six. Après un moratoire de deux ans, les jardins d'enfants ne devraient plus pouvoir en accueillir au-delà de 3 ans à partir de 2024, à moins d'être transformé en établissement scolaire.
"Dans ces jardins d'enfants pédagogiques, on laisse le temps aux enfants de devenir grands. Ils sont heureux d'aller à l'école et d'apprendre. Pourquoi on veut casser ça ?" interpelle Marine Deligabel, présidente de l'association "Défense collective et amis des jardins d'enfants".
Selon cette mère de famille, le problème serait d'ordre budgétaire, car ces structures représenteraient un coût trop élevé pour la Ville. "En tant que parents, on trouve ça fou que des structures qui fonctionnent, qui donnent satisfaction à tous et qui ont montré leur capacité d'évolution en s'adaptant aux exigences de leur structure scolaire à partir de 3 ans soient condamnés juste pour des histoires de cases juridiques. Il faut arrêter avec cette logique de tableau Excel."
Mobilisation pour sauver les JEP
Depuis deux ans et la promulgation de la loi, parents et professionnels se mobilisent malgré la crise sanitaire. Le collectif a lancé une pétition en ligne à l'attention du gouvernement et de la Mairie de Paris, signée par 17 000 personnes.
Danielle Simonnet, conseillère à la Ville de Paris (LFI), a elle aussi publiquement dénoncé cette fermeture à venir dans un communiqué. "[Ces lieux] permettent une grande mixité sociale et favorisent alors l’égalité républicaine. […] Leur disparition serait non seulement une perte pour notre accueil de la petite enfance public, mais aussi un gain pour les acteurs privés, favorisant ainsi les inégalités entre milieux sociaux." Ces structures sont effectivement plus présentes dans les quartiers prioritaires de la capitale, en proposant un coût proportionnel aux revenus familiaux.
Ce mardi 12 avril, 14 jardins d'enfants parisiens ont fait grève. Et à l'appel de trois syndicats (FO, UCP et SUPAP/FSU) environ 200 parents et professionnels de la petite enfance se sont rassemblés devant la mairie du 12ème arrondissement pour interpeller la Ville.
Ils espèrent faire modifier la loi par le futur ministre de l'Éducation nationale. Ils sollicitent aussi Patrick Bloche, adjoint à la mairie de Paris en charge de l'éducation et de la petite enfance, qui leur a assuré son soutien lors d'une rencontre au lendemain de la manifestation. "Jusque-là, la Ville tenait un discours assez résigné. C'est un progrès" se félicite Marine Degabel.
De son côté, le ministère de l'Education nationale envisage de transformer les JEP en "structures innovantes." Mais l'inquiétude persiste chez certains parents. "Je ne suis pas rassurée", lâche Marine Degabel. "Peut-être que l'on n'aura finalement pas le choix, mais on aura vraiment fait tout ce qu'on pouvait pour trouver des solutions pour préserver ces structures qui sont des pépites."
Le collectif prévoit d'organiser prochainement un nouveau rassemblement pour sauver les jardins d'enfants.