La maternité des Lilas, symbole des droits des femmes, en sursis

Suite à différentes mobilisations du collectif de la maternité des Lilas, l'établissement ne fermera pas ses portes le 2 juin prochain comme annoncé. Elle a obtenu 1 an de sursis. Explications.

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Le collectif de la maternité des Lilas s'est rassemblé le vendredi 29 avril devant le ministère des Affaires sociales et de la Santé à Paris pour sauver ce haut lieu des droits des femmes menacé de fermeture le 2 juin prochain.

Rassemblement devant le ministère de la santé

"Usagers et soignants ne veulent ni reprise, ni déménagement. Ils souhaitent pouvoir rester aux Lilas", explique calmement Corina Pallais, psychologue à la maternité des Lilas et représentante syndicale Sud.

A l'instar de ses collègues soignants, elle se rendra vendredi devant le ministère de la santé pour défendre la maternité des lilas où elle œuvre comme psychologue depuis 27 ans. "Le collectif des Lilas est composé des soignants et des usagers et nous appelons à une forte mobilisation pour sauver cette maternité, symbole des droits des femmes, mais aussi indispensable dans ce département qui compte le nombre de naissances le plus élevé en Seine-Saint-Denis", rappelle la représentante syndicale Sud. "Ce n'est pas souvent que notre profession, les psychologues, se syndique et se mobilise, mais la maternité des Lilas est une institution qui mérite qu'on s'engage pour elle", enchaîne-t-elle. "J'en ai battu du pavé depuis 2013, date à laquelle je me suis syndiquée à Sud. Depuis toujours la maternité a subi des tentatives de fermeture ou délocalisation, mais nous ne céderons pas", prévient-elle.

Fusion avec le groupe Avec ?

Une réunion a été organisé à la Mairie des Lilas. Une autre avec le groupe Avec, le plus grand groupe français de services de soins et d’accompagnement pour les familles qui compte 245 établissements sanitaires et médico-sociaux implantés partout en France et propriétaire de la clinique Vauban de Livry-Gargan à quelques kilomètres des Lilas..

La possibilité d'une fusion a été évoquée sous deux propositions : soit la maternité déménagerait à Livry-Gargan, soit le repreneur viendrait, lui, s'installer aux Lilas et s'agrandirait en intégrant la maternité à sa clinique. Dans les deux cas, cela obligerait l'ensemble du personnel et usagers de la maternité des Lilas à rester durant quatre ans sur l'actuel site de la clinique à Livry-Gargan, le temps des travaux. Inimaginable pour les salariés. " Personne n'a envie de se retrouver là-bas. Déjà, c'est impossible d'y accéder en transports ou plutôt il n'y a qu'un seul mode de transport le bus, et surtout, c'est perdre l'identité de la maternité des lilas que d'être délocalisé " rajoute Corina Pallais.

Mais au-delà de ça, c'est cette logique de rentabilité qui déplaît au collectif de la maternité des Lilas, car "dans cet établissement, on ne compte pas, on est là pour accompagner et soutenir les futures mamans et toutes les femmes", ajoute la déléguée syndicale. " Nous ne sommes pas une maternité comme Montreuil qui va compter 4 000 accouchements par an. Nous avons toujours fait 1200 accouchements à la maternité des Lilas et un peu moins cette année uniquement, car certaines personnes pensaient qu'on était fermé", rappelle Corina Pallais.

Une telle proposition semble être un choix lucratif plutôt profitable au repreneur Avec estiment les salariés.

Un combat ancien pour avoir le droit de choisir

Retour à la case départ avec une ombre supplémentaire, le directeur de l'offre de soins, à l'ARS Île-de-France, l’Agence régionale de santé, Didier Jaffre, en charge de ce dossier, vient d'être muté. Pour Corina Pallais, cela risque d'être une difficulté supplémentaire. Louis Fabiano, président de la Maternité des Lilas, se veut plus rassurant. "Je pense que l'ARS va bientôt nous donner un rendez-vous, et que le départ de Mr Jaffre peut expliquer son silence, mais néanmoins cela ne reste qu'un rendez-vous ", précise-t-il. "Cela faisait des mois que le rendez-vous a été demandé. "Le 2 juin, l'établissement fermera si aucun projet n'est arrêté et l'ARS risque de ne pas prolonger son autorisation", prévient la directrice de la maternité des Lilas Myriam Budan.

Première raison invoquée, les locaux ne seraient plus aux normes. "Pourquoi nous reproche-t-on nos locaux vétustes maintenant ", s'indigne Corina "parce qu'avec tous ces rebondissements, on construit aux Lilas, finalement on ne construit plus, puis ensuite des repreneurs qui défilent et qui ne s'arrêtent pas, entreprendre des travaux n'était pas envisageable ", rappelle l'élue syndicale.

En 2012, François Hollande, en pleine campagne présidentielle, promettait au pied des murs en briques de la vieille maternité d’en rebâtir une nouvelle. Le projet sera arrêté par l'ARS, mettant en avant le caractère du niveau 1 de la maternité et le coût très élevé que l'Etat devrait financer pour tout mettre aux normes. Pourtant, le projet avait été validé par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, dans le cadre de la première vague du plan Hôpital 2012.

D'autres espoirs surgissent ensuite. La maternité était même prête à déménager, quand en 2015, un projet de l'adosser à une extension de la clinique Floréal à Bagnolet avait été validé par l’ARS. Finalement, il sera retoqué deux ans plus tard. " On nous a toujours reproché notre niveau 1, mais pourquoi toutes les femmes devraient accoucher de la même façon", s'indigne Corina.

Jeanne se mobilise et représente le collectif côté usagers : "J'ai accouché en 2020 de ma fille, et cela, 5 jours après le terme prévu. Mon travail a duré 34 h. Jamais, dans un hôpital, on m'aurait laissé décider. On aurait certainement provoqué l'accouchement en me faisant peur et en disant qu'il y avait un risque pour moi ou mon bébé et on aurait provoqué l'accouchement et tenter de réduire le temps de mon travail ", confie-t-elle. Psychologiquement, c'est important de pouvoir choisir rappelle Jeanne et toute la philosophie et la prise en charge de la maternité des lilas repose la dessus, précise la jeune femme affairée à préparer l'événement de ce vendredi.

Présente à la réunion à la Mairie, elle se mobilise avec les habitants et les villes limitrophes. "Les Lilasiennes et Lilasiens sont vraiment attachées à cette maternité et aussi les villes aux alentour. Nous avons des habitants de Romainville, mais aussi ceux du pré-Saint Gervais ou encore de Bagnolet qui nous aident aussi pour mettre des tracts dans les boîtes-à-lettres " énumère Jeanne. La jeune Conservatrice de musée de 33 ans a aussi lancé en avril 2022 une pétition.

Un lieu militant et loin des usines à bébés

Installée depuis 1964 aux Lilas, cette maternité est une des pionnières en France de l'accouchement naturel. Car la maternité des Lilas, c'est aussi un autre grand combat : les IVG, interruptions volontaires de grossesse. C'est tout cela qui fait, que la maternité des Lilas n’est pas une maternité comme les autres. Elle a une histoire militante, riche et a été le berceau de luttes pour un meilleur accompagnement des femmes.

"Comment peut-on priver le département de la Seine-Saint-Denis qui compte le plus de naissance ", rappelle Corina. Lieu qui compte pour les femmes du 93 et au-delà rajoute-t-elle. "C'est vrai que la maternité des lilas a toujours eu la réputation d'être la maternité des bobos " reconnaît Corinne, "mais depuis des années elle a évolué et c'est tourné vers sa population". Aujourd'hui, la maternité fait partie de la ville et aborde des problématiques sociétales qu'il y a encore des années, on n'abordait pas, souligne Corina. "Ici, nous accueillons aussi les plus démunies, ceux que la société n'accompagne pas ", ajoute-t-elle.

La maternité des Lilas, c'est aussi l'histoire d'Ali, une première en France. Celle  d'un homme transgenre, qui a été reconnu parent à la naissance de sa fille Salomé, avec son compagnon François.

"C'est aussi ça, la maternité des Lilas, elle aide et gagne des combats. On est loin des logiques de rentabilités. À la maternité, il y a toujours deux sages-femmes et une auxiliaire puéricultrice, un luxe que la plupart des hôpitaux n'ont pas, mais qui symbolise cette prise en charge unique et ses méthodes naturelles. Moi, je suis infirmière de formation, quand je suis venue, comme directrice il y a un an, en mars 2021, j'ai découvert un monde médical que je n'avais jamais vécu en tant que professionnelle médicale. Ici, les soignants sont formidables", raconte Myriam la Directrice. "Leurs capacités à mettre au monde dans l'eau, à soulager naturellement les femmes qui n'ont pas de péridurale, c'est incroyable. Avec la difficulté de trouver du personnel, car le métier de sage-femme souffre d'attractivité de nos jours, on ne peut pas se passer de cette structure dans ce département qui souffre de désert médical. Il faut sauver cette maternité", conclut-elle.

Un soutien populaire important

Pour le collectif, le temps est compté, cela fait plusieurs mois qu'il attend une décision de l'ARS. Il reste cinq semaines avant le 2 juin s'alarment Corina et Jeanne. Vendredi 30 avril sera un rendez-vous essentiel. Lionel Benharous, maire PS qui sera "aux côtés" des opposants compte bien s'installer ce vendredi 29 avril devant le le ministère des Affaires sociales et de la Santé. "J'ai toujours soutenu Daniel Guiraud dont j'ai succédé à la Mairie dans la défense de cette maternité et il était d'ailleurs présent à la réunion à la mairie. J'ai même été élu sur cette promesse de sauver la Maternité", rappelle le maire socialiste. Par contre, rajoute-t-il, "pas question d'entamer des projets comme la dernière fois et s'arrêter en cours de route. La ville a gardé le terrain de l'ancien projet pour construire un établissement de soins, mais cette fois si on retrouve un terrain, c'est vraiment pour reconstruire définitivement cette maternité", prévient-il

Du soutien, la Maternité en a énormément et c'est certainement pour cela que le collectif résiste. Personnalités, usagers, élus, tous n'ont que des éloges à l'égard de ce haut lieu des droits des femmes. De Catherine Ringer, la chanteuse des Rita Mitsouko qui a tourné un remake du tube "Happy " de Pharrell Williams, en passant par l'actrice Karine Viard qui témoigne des naissances de ses deux filles aux Lilas, les soutiens sont nombreux et porteurs d'espoirs pour le collectif.

La chanteuse des Rita Mitsouko qui a été suivi comme de nombreuses femmes à la maternité des Lilas, a offert une chanson de soutien à la maternité des Lilas en lutte pour son avenir.

"Beaucoup de personnes sont attendues, personnalités, politiques, femmes, anonymes, il n' y a pas de camp à choisir pour défendre cette maternité, tout le monde est le bienvenu" rappelle Jeanne. "Les banderoles sont prêtes ", prévient Corina. "Il y aura plein de mamans, d'enfants, de poussettes et des bébés aussi ". 

Une nouvelle mobilisation est prévue le samedi 28 mai dans le parc Lucie Aubrac aux Lilas.

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