"Non à la drogue" : l’ouverture d’un centre d’accueil pour les toxicomanes dénoncée par des riverains dans le 18e arrondissement de Paris

Alors qu’un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) doit ouvrir en avril rue Doudeauville, des habitants ont lancé une pétition pour s’opposer au projet. Une manifestation est prévue ce jeudi.

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"Protégez nos enfants" et "Non à la drogue", peut-on lire sur des banderoles qui flottent au-dessus de l’entrée du local, encore vide. Au 100 rue Doudeauville, dans le 18e arrondissement, un Caarud, un lieu dédié à l’accueil et l’accompagnement à la réduction des risques des toxicomanes, géré par l'association Aurore, doit ouvrir en avril.

"C'est un local de 200 m2, explique Jocelyn, un riverain opposé au projet. Et ça donne aussi sur la cour intérieure de notre immeuble, dans une copropriété où habitent une douzaine d'enfants. Ça va faire venir des drogués dans le quartier, et éventuellement les trafiquants qui vont avec. Pour ce genre de centres, ce sont des personnes sédentaires. Ça fait venir une population qu'on ne souhaite pas. On connaît le 18e arrondissement, on aime cette mixité, mais on n'a pas de drogués. Il y a déjà des prostituées à l’angle, mais ça ne pose pas de problème."

"Il y a un collège et une école, à 100 mètres à peine, souligne Fleur, une autre riveraine, propriétaire d’un appartement depuis 8 ans. Les élèves passent par cette rue plusieurs fois par jour, notamment pour aller faire du sport. Ce n'est pas du tout un lieu adapté. C'est un quartier populaire, certes, mais qu'on aime. Ça ne va pas faire évoluer positivement le quartier, qui est familial et commerçant. Ce ne sont pas ces personnes-là qui vont aller chez le primeur, le café ou l'épicerie du coin. Il ne s’agit pas juste de s’inquiéter des effets sur le prix de l’immobilier."

"On nous dit que ça va potentiellement ouvrir de 14h30 à 20h30. Après la fermeture, le soir, qu'est-ce qu'il va se passer ?", s’inquiète Jocelyn. "Et ces horaires vont à l'encontre des règles de la copropriété, poursuit Fleur. L'implantation n'a pas été préparée. On n'a rien contre l'association, un loueur privé leur a loué les locaux. Mais ils étaient au courant de ce déménagement depuis 9 mois ou un an, et on n'a absolument pas été consulté. L'association répond qu'elle n'avait aucune obligation de le faire. On a appris ça 15 jours avant l'ouverture, via un mail laconique envoyé à notre syndic. Les travaux sont terminés."

"Il y aura un café, une douche et une buanderie. Mais il n'y a pas de transparence, les informations qu'on nous donne évoluent. Un jour on nous a dit plutôt oui quand on a demandé si une distribution de matériel de réduction de risque - donc des pipes à crack et des seringues - était prévue, puis le président de l'association nous a dit que ça ne serait pas le cas", ajoute la riveraine.

"Ce n’est pas une salle de consommation"

Contactée, l’association Aurore précise qu’il s’agit d’une réimplantation d’un centre situé auparavant rue Custine, "à 150 mètres de là". L’ouverture reste fixée "courant avril", avec des "questions logistiques" à régler. L’association confirme aussi qu’une réunion publique a eu lieu la semaine dernière "pour expliquer à quoi sert le dispositif, faire connaissance avec les riverains et leur permettre d’exprimer ce qu’ils veulent exprimer".

Ayodélé Ikuesan, l’adjointe à la mairie du 18e arrondissement en charge de la Santé, reconnaît que "certains riverains en colère ont besoin de réponses". "On va vite revenir vers eux pour leur présenter le dispositif qui va accompagner l’ouverture, pour éviter des nuisances et que ça se passe bien. C’est important d’en discuter, et les échanges doivent continuer après l’ouverture, avec notamment un comité de suivi", indique l’élue.

"Ce n’est pas une salle de consommation, souligne-t-elle. Dans ce genre de cas, de la désinformation peut circuler sur les réseaux sociaux, mais il s’agit bien d’un centre d’accompagnement."

"La consommation de produits est interdite dans ces locaux"

De son côté, l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, qui gère les lieux d'accompagnement des toxicomanes en lien avec les associations, explique qu’un Caarud "organise la prise en charge de personnes consommatrices de drogues, qu’elles soient engagées dans un parcours de soins ou qu’elles veuillent d’abord réduire les risques - par exemple infectieux - auxquelles elles sont soumises".

"Il existe actuellement 9 Caarud parisiens, qui contribuent, avec les 21 Centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), à la prise en charge des usagers de drogues, qu’elles soient licites ou illicites… Les Caarud accueillent tous ceux qui veulent être accompagnés et aidés. La consommation de produits est interdite dans ces locaux", souligne l’ARS.

"Les personnes qui viennent dans ce type de structures y viennent pour être accompagnées. Le personnel est nombreux et formé. Il s’agit d’un équipement médico-social classique, comme il en existe dans d’autres domaines de la santé et des soins. Les Caarud contribuent non seulement à améliorer la prise en charge des consommateurs de drogues et les personnes ayant une addiction, quelle qu’elle soit, mais ils apportent également une présence de professionnels formés dans des quartiers où des consommateurs de drogue peuvent être présents dans l’espace public", ajoute l’Agence, dont le site liste la localisation des établissements.

Pour ce qui est des riverains, une pétition en ligne qui s’oppose à l’ouverture du centre rassemble près de 1000 signatures à ce stade. Alors qu’une lettre ouverte a par ailleurs été envoyée au Premier ministre Gabriel Attal, une manifestation est prévue ce jeudi à 18h, devant le local.

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