Nuit de la solidarité : face à la "massification du nombre de personnes à la rue", la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d'alarme

Une semaine et demie après un nouveau décompte des personnes sans-abri mené à Paris et dans une trentaine de communes franciliennes, la Ville a présenté ce lundi les résultats de la Nuit de la solidarité. Près de 3 500 personnes à la rue ont été recensées fin janvier dans la capitale.

3 492 personnes sans-abri ont été décomptées dans la capitale lors de la nouvelle édition de la Nuit de la solidarité. Un chiffre "en hausse de 16% par rapport à l'année dernière", réagit Léa Filoche, l'adjointe à la mairie de Paris en charge des solidarités, de l'hébergement d'urgence et de la protection des réfugiés.

"C'est un signal d'alarme clair qui doit réveiller le gouvernement pour remettre la question de l'hébergement au cœur des priorités", déclare l'adjointe sur X. L’an dernier, 3 015 personnes sans-abri avaient été dénombrées à Paris, rappelle la mairie.

Les résultats de ce nouveau recensement ont été présentés au Théâtre de la Concorde, dans le 8e arrondissement, en présence notamment de la maire de Paris Anne Hidalgo, du président de la Métropole du Grand Paris et de Luc Carvounas, et du président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS).

L’opération remonte à la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 janvier. "Plus de 2 000 volontaires sont allés à la rencontre des personnes sans-abri à Paris" pour mener un "décompte objectif et anonyme", et "une trentaine de villes de la Métropole du Grand Paris, dont six nouvelles communes, se sont associées" au dispositif, explique la Ville de Paris.

"On tire la sonnette d’alarme sur la présence d’enfants à la rue"

"Le recensement tourne autour de 3 000 et 3 600 personnes à la rue depuis trois-quatre ans… Année olympique ou pas, la situation est plus que compliquée, c’est dramatique pour ces personnes, réagit Eric Constantin, directeur de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France, auprès de France 3 Paris Île-de-France. En région parisienne, la situation est compliquée depuis des décennies, avec près de 800 000 ménages qui sont demandeurs d'un logement social."

Eric Constantin salue "l’attention portée aux départements autres que la capitale, parce que la situation n’est pas que parisienne". "Quand on regarde les données issus des appels au 115, il y a une saturation, pointe-t-il du doigt. Pour ce qui est des demandes non pourvues, c’est-à-dire les personnes qui appellent mais qui ne reçoivent pas de proposition, le chiffre tourne en moyenne tous les soirs autour de 1 500 à Paris, et plus de 500 en Seine-Saint-Denis, dont plus de 200 enfants mineurs."

"On tire d’ailleurs la sonnette d’alarme sur la présence d’enfants à la rue. Il y a 10 ans, on ne parlait pas des mineurs et des femmes enceintes, c’est très courant aujourd’hui, poursuit le directeur de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France. Et quand on regarde un territoire plus éloigné comme le Val-d’Oise, sur une moyenne quotidienne de 307 demandes au 115, on comptait 183 demandes non pourvues, dont plus de la moitié concernant des familles avec enfants."

"Parmi les demandeurs de logements sociaux en Île-de-France, 27 000 se déclaraient sans-abri en 2021, explique par ailleurs Eric Constantin. Pour les personnes à la rue, les situations varient et fluctuent, avec certaines qui ont un emploi, certaines qui dorment dehors depuis des années, d’autres qui alternent avec des structures… Mais globalement on constate une massification du nombre de personnes à la rue, alors même qu’on a augmenté le nombre de places en hébergement d’urgence."

"La construction de logements sociaux est en chute libre"

"Le parc d’hébergement est important mais ne suffit pas, souligne-t-il. En Île-de-France, l’urgence est plutôt privilégiée en termes d’augmentation de places, avec l’utilisation des hôtels pour mettre des personnes à l’abri. Mais si l’hôtel décide de revenir à une vocation touristique, c’est encore plus difficile de retrouver des places, ce n’est pas une solution. Pourtant on compte aujourd’hui 50 000 places en hôtels."

"La priorité doit être du logement accessible, donc du logement social, insiste Eric Constantin. Depuis 2017, la construction de logements sociaux est en chute libre. Et on comptait moins de 19 000 agréments de logement sociaux au niveau régional en 2023, alors que du côté de la Fondation, on en attendait 37 000. Sur ce front, même s’il y avait un changement complet de politique, il n’y aurait pas de sortie satisfaisante d’ici quatre ou cinq ans."

Le directeur de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France salue aussi "la volonté de faire une deuxième Nuit de la solidarité en période estivale", après une première expérimentation en juin dernier : "Quand on regarde les données du collectif Les Morts de la rue, qui lutte contre l'invisibilisation de ces personnes décédées, les remontées peuvent être autant catastrophiques en hiver qu’en été, en période caniculaire. On ne veut pas un Plan hiver mais un plan tout court pour sortir les gens de la rue, c’est une question de justice et de solidarité, alors que beaucoup de filets de sécurité ne sont plus aussi forts qu’avant et que de nombreux dispositifs sociaux ont été mis à mal."

La première Nuit de la solidarité remonte à 2018. L’opération, "rejointe par la Métropole en 2021", "a par ailleurs fait l’objet d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 24 janvier 2024, prévoyant que les communes de plus de 100 000 habitants participent à un décompte annuel mobilisant des travailleurs sociaux et des bénévoles", indique la Ville de Paris.

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