La mairie du 20ème arrondissement a refusé de prêter des locaux pour la diffusion, suivie d'un débat, d'un film sur les violences policières réalisé par Marc Ball et diffusé sur France 3 Paris Île-de-France en novembre 2018. Des accusations que la mairie réfute.
« La maire du 20e a interdit un outil de dialogue plus qu’un documentaire. » Omer Mas Capitolin fait partie de l’équipe de la Perm’ Belleville, l’association qui a organisé l’évènement qui aurait dû se dérouler samedi 16 mars dans une école maternelle de l’arrondissement. Il s’agissait de diffuser le documentaire Police, violence illégitime en public.
La séance était censée être suivie d’un débat, en présence notamment d’un policier, afin d’améliorer la relation « police-jeune » dans l’arrondissement. « Nous avions choisi de la faire dans une école car c’est le symbole de l’apprentissage », explique Omer Mas Capitolin.
La maire Frédérique Calandra (PS) a annoncé sa décision à l’association la veille de l’évènement. Omer Mas Capitolin raconte cette discussion plutôt houleuse : « Elle nous a fait comprendre que si on tenait à notre documentaire, on devait trouver un autre endroit pour le diffuser que ses locaux municipaux. »
Le réalisateur "stupéfait" par cette interdiction
Les arguments de la maire, rapportés par le bénévole de la Perm’, sont divers : il s’agirait d’un film « à charge », dans lequel « des policiers en dénoncent d’autres », et qui allait « mettre le feu aux poudres dans le quartier ». Contactée, la mairie n'a pour l'instant pas réagi, pour confirmer ou infirmer ces arguments.Ayant saisi qu’elle n’avait pas forcément apprécié le documentaire, l’association l’a alors invité à venir en parler, dans un débat « sur lequel elle a totalement le droit d’avoir un avis », d'après Omer Mas Capitolin. La maire aurait refusé cette invitation.
« Nous ne comprenons tout simplement pas sa position », juge le membre de l'association. Selon lui, les citoyens ont parfaitement le droit de se poser des questions sur le fonctionnement de la police, « surtout dans la situation actuelle. » Il cite notamment les récentes affaires de suicides dans l’institution, qui peuvent montrer un certain mal-être dans la profession : « Nous ne sommes pas anti-flics. Nous avons de vrais échanges avec la police. »
C’est pour cela que l’évènement aura tout de même lieu, « avec les moyens du bord » dans les petits locaux de la Perm’.
Le réalisateur du documentaire, Marc Ball, raconte que « tout s’est très bien passé ». Mais il regrette que plus que monde n’ait pas eu accès au film, dans de meilleures conditions et dans un lieu plus grand. Il se dit « stupéfait » de cette interdiction « ironique » : le documentaire tente d'éclaircir ce que sont les « indésirables », une catégorie dans le logiciel de main courante que les policiers racontent alimenter dans le documentaire au cours de leurs vacations. « Et voilà que le film se retrouve indésirable ! C’est complètement incroyable, ça ne m’est jamais arrivé, pour aucun film ! ».
Il rappelle que son film a été « salué pour sa rigueur et son équilibre », n’entendant pas qu’on puisse le considérer à charge, et « diffusé sur une chaîne publique » (France 3 Paris Île-de-France, en l’occurrence). Selon le réalisateur, cette interdiction montre vraiment « la chape de plomb et l’impossibilité d’aborder le sujet des violences policières sereinement. »
Des "méthodes militantes diffamatoires" d'après la mairie
La mairie de l'arrondissement réfute ces accusations de censure. Dès le 11 mars, la mairie dit avoir « informé l'association de l'impossibilité d'organiser cet évènement à cet endroit un samedi après-midi. » En cause : la convention votée par la Ville de Paris de mise à disposition de ses locaux, qui stipule qu'une école ne peut être prêtée que pendant la matinée. Or l'évènement "Débattons dans les rues" où devait être diffusé le documentaire était prévu de 14h à 18h30.Frédérique Calandra estime par ailleurs que pour « favoriser la confiance et le respect entre les citoyens et leur police, une école de la République n'était pas le lieu adéquat pour la diffusion d'un tel documentaire. »
Un précédent est également évoqué pour justifier cette décision. La maire du 12e, Catherine Baratti-Elbaz, directement concernée puisque une affaire traitée par le documentaire se déroule dans son arrondissement, aurait déjà refusé un évènement similaire « sans que les associations qui avaient fait cette demande n'aient crié alors à la censure ».
Enfin selon la mairie, « ces méthodes militantes diffamatoires en disent long sur la sincérité de ceux qui les pratiquent ».